Aurélien Soucheyre, Julia Hamlaoui
Blocage des prix, baisse
de la TVA, nationalisation… Face à l’envolée des prix du gaz de 12,6 %
prévue ce vendredi, nombre de propositions se sont invitées dans le débat. Le
premier ministre s’est contenté d’annoncer jeudi un « lissage » des tarifs sur
les mois à venir.
C’est la goutte de trop. Une goutte qui ne pèse pas moins de 12,6 %
sur les factures de gaz à partir de ce vendredi. Un nouveau record qui porte le
total de la hausse des tarifs réglementés, depuis janvier, à 57 % ! Sans
compter le prix de l’essence qui se rapproche des 2 euros le litre, et le
coût des produits agricoles et alimentaires en augmentation de 8,2 % cet
été. Mais ce n’est pas tout. La ministre de la Transition écologique, Barbara
Pompili, a déclaré, avant l’intervention de Jean Castex ce jeudi, que la
prochaine élévation des prix de l’électricité serait « aux alentours
des 12 % ».
Face à cette situation intenable pour des millions de Français, le premier
ministre a annoncé jeudi soir au journal télévisé de 20 heures que le
gouvernement a décidé de « bloquer » les augmentations à
venir… sauf celle prévue pour le gaz ce vendredi. L’explication est
laborieuse : « Les experts prévoient à nouveau 30 % d’augmentation
du prix » d’ici la fin de l’année, a commencé l’hôte de Matignon. Et
de poursuivre : « Les mêmes experts expliquent que l’on va avoir à
partir du printemps une forte baisse des prix du gaz. » Conclusion de
l’exécutif : les Français paieront bien la facture mais étalée sur l’ensemble
de l’année. « Nous répercuterons la hausse d’aujourd’hui sur une
moindre baisse après », résume Jean Castex.
Début d’un casse-tête pour la Macronie
Une façon de donner le change, juste avant l’échéance, alors que la
pression monte depuis des jours sur un exécutif hanté par le spectre des gilets
jaunes et soucieux des élections à venir. « Je demande une chose au
président de la République, il peut le mettre en œuvre tout de suite : bloquer
les prix de l’électricité et du gaz », a lancé le candidat à la
présidentielle Fabien Roussel, dès le 23 septembre. Mais le député du Nord a
dénoncé une « charlatanerie » à propos de l’annonce du premier
ministre. Les autres forces de gauche ne sont pas en reste. Mardi, à l’occasion
des questions au gouvernement, les interpellations se sont multipliées. « Alors
que 8 millions de Français font déjà la queue à l’aide alimentaire,
combien d’autres devront arbitrer cet hiver entre le loyer, le chauffage, les
repas afin de payer les factures ? » a interrogé le député FI Loïc
Prud’homme. Seulement quelques minutes après la réponse de la ministre
Emmanuelle Wargon, se réfugiant derrière « la crise mondiale », la
socialiste Christine Pirès Beaune enchaîne : « La colère gronde, le feu
couve et il est de votre responsabilité, Monsieur le premier ministre, de
l’éteindre avant qu’il ne se propage. » Le lendemain, l’offensive ne
se relâche pas au Sénat : « Consentez-vous à mettre à contribution, par
exemple, Engie, qui annonce avoir engrangé un bénéfice de 2,3 milliards sur les
six premiers mois de l’année et envisage d’accroître encore son résultat ? » lance
la sénatrice communiste Céline Brulin. Une pression encore accrue par les
associations de consommateurs et les syndicats. « Nous sommes vent
debout contre ces augmentations, d’autant qu’elles étaient prévisibles », rappelle
notamment Arnaud Faucon, de l’Indecosa-CGT.
De quoi, dès mardi, pousser le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal,
à assurer que l’exécutif, outre l’augmentation de 100 euros du chèque
énergie, « réfléchit évidemment à d’autres mesures ». Le début
du casse-tête pour une Macronie où chacun tente de pousser ses pions.
L’hypothèse d’une baisse de taxe à peine évoquée…, « ce n’est pas la
solution mise sur la table », réplique Bruno Le Maire. Et le ministre de
l’Économie d’ajouter : « On n’a pas de marge de manœuvre. La seule,
c’est le chèque énergie. » Une solution qui agrée au secrétaire
général de la CFDT, Laurent Berger, plaidant pour « l’augmenter
encore » et « l’élargir ». Mais qui est loin de faire
l’unanimité. Le premier ministre a choisi le ni-ni : ni chèque énergie
supplémentaire, ni baisse de la TVA pour le moment. « Si je ramène la
TVA de 20 % à 5 %, cela permettra une hausse de
15 % au lieu de 30 » comme prévu, a-t-il justifié. Mais si le
cours ne baissait pas en avril, alors il actionnerait cet « outil ». Concernant
l’électricité, en revanche, l’objectif est bien de limiter « la hausse
de l’électricité à 4 % » via une réduction du montant des taxes.
Les solutions ne manquent pas
Face à l’urgence, beaucoup défendent pourtant l’usage du levier fiscal dès
aujourd’hui. « À très court terme, dans le projet de loi de finances 2022,
le gouvernement peut reconnaître l’énergie comme un produit de première
nécessité en lui appliquant un taux de TVA à 5,5 % », assure
Fabrice Coudour, de la CGT mines-énergie. « Une TVA à 0 % pour les
produits de première nécessité et une TVA plus forte pour les produits de grand
luxe », avance même Adrien Quatennens (FI), tout en proposant
une « loi d’urgence sociale » pour « le blocage des
prix sur les produits de première nécessité ».
Surtout, pour en finir
avec ces envolées dictées par la loi du marché, les solutions ne manquent pas.
Alors que Bruno Le Maire promet de discuter, lors de la réunion des ministres
européens des Finances, lundi prochain, des règles du marché unique de
l’électricité, Fabien Roussel plaide pour une renationalisation d’EDF et
Engie : « Si nous retrouvons la maîtrise de cette production, nous
fixerons le tarif et nous refuserons d’aller nous mettre à table à Bruxelles
avec ceux qui veulent à tout prix libéraliser notre électricité. » En
attendant, les mesures avancées par Jean Castex jeudi soir pourraient ne pas
suffire.
Le chèque énergie peine à convaincre
Depuis l’annonce de l’augmentation du chèque énergie par l’exécutif, même
si le coup de pouce qu’elle représente est salué, les critiques ne manquent pas
pour autant. Première remarque : « Les conséquences de l’emballement de la
“loterie énergie” concernent tous les usagers », pointe la CGT mines-énergie,
alors que le chèque énergie est destiné aux 5,8 millions de foyers les
plus modestes. Le syndicat dénonce « ce lobbying des fournisseurs alternatifs
pour s’assurer un retour financier sur les impayés des plus précaires ». À
gauche, si les insoumis ont défendu un temps une augmentation du chèque énergie
de 300 euros, il « ne peut plus être une solution », estime Jean-Luc
Mélenchon. « D’abord parce qu’il consiste en une subvention aux pétroliers,
dont les produits sont achetés par ce moyen », plaide le candidat, estimant
qu’« il faut désormais s’attaquer à la concurrence libre et non faussée ». Une
concurrence à laquelle veulent aussi s’attaquer les communistes, qui ne sont
pas plus tendres avec le chèque énergie. « Les Français l’autofinancent, une
fois en acquittant leur facture, une 2e en payant leurs impôts », a pointé en
séance la sénatrice PCF Céline Brulin.