jeudi 30 avril 2020

« Médicaments », le billet d'humeur de Christophe Prudhomme


Depuis plusieurs années, l'industrie pharmaceutique est montrée du doigt du fait des pénuries de médicaments de plus en plus nombreuses. Alors que les vaccins constituent un des plus importants progrès en termes de santé publique, les laboratoires n'ont rien fait pour développer des produits plus sûrs, notamment en éliminant l'aluminium, adjuvant mis en cause dans le développement de certains effets secondaires. La principale innovation en termes de traitement de la période récente est le traitement permettant de guérir de l'hépatite C, mais le médicament n'a pas pu été mis à disposition de l'ensemble des patients du fait du prix exorbitant exigé par les laboratoires.
 Les dépenses de marketing des laboratoires sont supérieures à celles consacrées à la recherche. L'essentiel de la presse médicale dépend des publicités de l'industrie pharmaceutique. Une bonne partie des études menées par les médecins dépendent de financements des laboratoires et présentent peu d'intérêt en termes de priorités de santé publique. Elles ne visent le plus souvent qu'à mettre sur le marché le plus rapidement possible un nouveau médicament qui remplacera un ancien dont le prix est trop bas pour générer des marges suffisantes. Nouveau médicament qui souvent n'a pas fait preuve de sa supériorité par rapport à l'ancien mais qu'un lobbying forcé, par presse grand public interposée, présente comme une innovation dont il faut faire profiter le plus rapidement possible les patients. Presse beaucoup moins prolixe quand ce médicament est retiré du marché quelques années plus tard, car finalement ses effets secondaires s'avèrent plus importants que prévu. Mais ce n'est pas grave, car même pendant un temps réduit de commercialisation les profits ont été au rendez-vous
 C'est la raison principale de mon refus de participer à une bonne partie des protocoles mis en place dans mon service car je considère qu'ils ne sont pas dans l'intérêt des patients et je n'accepte pas de les utiliser comme cobayes. Enfin, cerise sur le gâteau j'apprends ces derniers jours que le champion français de la pharmacie, SANOFI qui est la première capitalisation boursière du CAC 40, va verser cette année 4,5 milliards de dividendes à ses actionnaires, soit l'équivalent de son budget annuel de recherche et développement.
Il existe ici un vrai problème politique. Est-il normal de faire appel à la charité publique, avec notamment de grands shows médiatiques soutenus par des artistes, pour financer la recherche ? La réponse est clairement non. Quelle doit être, alors la décision politique qui s'impose ? Dans un premier temps mettre en place un impôt spécial dissuasif sur le versement de ces dividendes et dans un deuxième temps instaurer une maîtrise publique des activités de recherche et de production des médicaments. Médicaments qui doivent devenir des biens publics universels échappant au domaine marchand.
Dr Christophe Prudhomme

LA DIVISION NORD-SUD : UN POISON MORTEL POUR L'UE ! (FRANCIS WURTZ)



"Dans cette crise, nous Européens sommes tous embarqués dans la même galère. Si le Nord n'aide pas le Sud, il ne se perd pas seulement lui-même, il perd aussi l'Europe." Ce sont -et il faut s'en réjouir !- des personnalités allemandes de premier plan qui ont lancé, le 3 avril dernier, par ces mots, un appel à se ressaisir à l'adresse des dirigeants de leur propre pays comme des alliés les plus "orthodoxes" de Berlin, notamment néerlandais, scandinaves ou autrichiens. (1)

Cette initiative a fait suite à l'un des Conseils européens les plus calamiteux de l'histoire de la construction européenne : celui du 26 mars 2020 portant notamment sur le principe de « dettes mutualisées » et d’aide solidaire en général. Ce jour-là, en réponse à l'appel des pays d'Europe du Sud et particulièrement de l'Italie -très durement frappée, on s'en souvient, par la pandémie-, les Pays-Bas avaient demandé que soient appliquée à ces Etats une forme de mise sous tutelle pour leur imposer des "réformes" permettant d'assainir leurs finances publiques ! Une sorte de "remake" de la purge qui, il y a peu, écrasa la Grèce ! "Attitude répugnante !"; "Mesquinerie récurrente !"; "Inconscience absolue !" rétorquèrent légitimement les responsables italiens, espagnols, portugais ou grecs !

Moins agressifs que leurs partenaires néerlandais dans la forme, mais tout aussi anti-solidaires sur le fond, les dirigeants allemands, bien que premiers bénéficiaires du marché unique et de l'euro, voient rouge dès qu'il est question d' "emprunt commun" à toute la zone euro, susceptible, à leurs yeux, d'encourager l'irresponsabilité dépensière des "cigales" du Sud et de détériorer la position privilégiée des finances allemandes auprès des "investisseurs" sur le marché financier. Plus généralement, aime à répéter la Chancelière, pas question d'une "Union de transferts" (d'argent des pays riches vers les pays en difficulté) ! Problème : cette intransigeance devient intenable aujourd'hui ! Comme le souligne Habermas : ou le "Nord" aide le "Sud" ( de l'UE et notamment de la zone euro ), ou c'est tout l'édifice qui s'écroule !

Conscients de cette alternative existentielle, les Chefs d'Etats et de gouvernement européen, depuis le psychodrame dévastateur du 26 mars , font tout pour éviter le "clash", quitte à renvoyer la patate chaude à la Commission, chargée de trouver un compromis, ou à retarder les choix les plus difficiles...Jusqu’à Christine Lagarde, la nouvelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE), qui appelle à l’unité sinon à l’entraide : « Si tous les pays ne se relèvent pas, les autres en pâtiront (...) Les gouvernements européens doivent être côte à côte pour déployer ensemble des politiques face à un choc commun »...Angela Merkel elle-même plaide à présent pour un « Fonds de relance » (évalué à 1000 milliards d’euros sur trois ans par la Commission) s’ajoutant aux « mesures d’urgence » de 540 milliards , aux plus de 1000 milliards à créer de toute pièce par la BCE pour racheter de la dette aux États membres et aux bien plus de 1000 milliards d’euros du budget de l’UE proprement dit pour les sept prochaines années ! Quelle part de cette montagne de crédits ira-t-elle à de la solidarité vraie ? Nous gagnerions à nous y intéresser de près...
--------
(1) En particulier, le grand philosophe Jürgen Habermas, le cinéaste Volker Schlöndorf ou le Président de l'Institut allemand pour la recherche économique, Marcel Fratscher


« L’HEURE DE LA DÉMONSTRATION », L’ÉDITORIAL DE LAURENT MOULOUD DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



Baromètre traditionnel de la contestation sociale, le 1er Mai ne pourra, cette année, s’offrir le plaisir de vastes cortèges. Confinement oblige, les rues seront désertes, l’essentiel des manifestations se déroulant aux balcons et sur les réseaux sociaux. Une mobilisation sous cloche, frustrante. Mais qui, paradoxa­lement, n’aura jamais semblé aussi pressante et partagée. La pandémie de coronavirus a révélé de manière tragique les dérèglements du capitalisme néolibéral, l’importance cruciale de financer des services publics puissants ou encore l’urgence de repenser nos modes de production. Autant de thèmes que les manifestations du 1er Mai ont l’habitude de porter, et les gouvernants actuels de passablement ignorer.

Face à l’évidence des morts, les voilà aujourd’hui contraints de faire mine de s’y atteler, de promettre des « plus jamais ça ». Ce 1er Mai va se charger de leur ­rappeler que les travailleurs, en première ligne, ne se paieront pas de formules creuses. Les « jours d’après » vont de pair avec une réelle volonté de changement politique et des choix budgétaires cohérents. Or, pour le moment, l’actuelle majorité continue de creuser sa veine libéro-patronale, prenant prétexte du contexte économique pour ouvrir de nouvelles brèches dans le droit du travail, par voie d’ordonnances… tout en restant muet sur l’avenir étranglé de l’hôpital public et de son personnel, dont l’exemplarité force le respect de tout le pays. Un sens des priorités sidérant !

Cet aveuglement interpelle. Ne nous leurrons pas : si la lutte sanitaire s’annonce longue, la lutte politique, elle, le sera encore plus. Elle commence ce vendredi aux fenêtres. Les applaudissements d’hommage doivent céder la place aux exigences sociales et à une fierté retrouvée de ces métiers dits « invisibles », mais dont la crise actuelle a fait la démonstration de leur utilité sociale indispensable. Même confinée, cette Journée internationale des travailleurs doit être une première étape pour que les jours d’après ne ressemblent définitivement pas à ceux d’avant.


mercredi 29 avril 2020

« Des bras », le billet d'humeur de Christophe Prudhomme !



 E. Philippe nous a annoncé une nouvelle stratégie de dépistage qui correspond en partie à ce que nous demandons depuis des semaines, à savoir un dépistage massif et un isolement ciblé des personnes contaminées et de leurs contacts.

Mais un problème majeur demeure, celui des moyens. Il nous est promis 700 000 tests pour le 11 mai, cependant face aux promesses non tenues jusqu'à présent, nous restons sceptiques. D'une part, rien n'a été dit sur l'organisation de la production de ces tests et des capacités des entreprises françaises dans ce domaine. Par ailleurs, d'un côté il est fait appel au civisme mais de l'autre il ne sera toujours pas possible de se faire dépister à la demande du fait d'une disponibilité des tests qui restera réduite !

Il nous a également annoncé la mise en place de "brigades" chargées d'organiser ce dépistage. Qui fera partie de ces brigades ? Là encore un grand flou avec un appel à la mobilisation des médecins de ville, de personnels hospitaliers, d'agents municipaux et toujours et encore de bénévoles des associations. Cela ne semble pas très sérieux. Nous demandons depuis des mois un plan massif de créations d'emplois dans les hôpitaux, les EHPAD et les structures médico-sociales. Il ne manque pas de chômeurs, qu'il est possible de recruter et de former rapidement aux tâches simples avec un encadrement adapté. Ils pourront constituer par ailleurs un vivier de futurs agents qualifiés si un plan de formation par promotion professionnelle leur est proposé.

Par ailleurs, les promotions d'étudiants des écoles paramédicales arrivant en fin de cursus pourraient bénéficier de pré-embauches pour venir renforcer dès le mois de mai les équipes soignantes. Alors que les hôpitaux doivent maintenant continuer à s'occuper des patients atteints par le virus et de l'activité classique qui redémarre, ils sont en sous-effectifs. Situation par ailleurs aggravée par les personnels en arrêt de maladie.

Notre revendication d'un grand plan d'emploi-formation prend toute sa force aujourd'hui. Nous aurions aimé que les mesures annoncées pour le déconfinement intègrent cet aspect. Dans les hôpitaux nous manifesterons le 1er mai avec des banderoles accrochées à nos grilles. Faites-en de même en réclamant des embauches pour les hôpitaux et les EHPAD.

Dr Christophe Prudhomme


« LA CRAINTE ET L’ATTENTE », L’ÉDITORIAL DE MAURICE ULRICH DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



« Puisque ces mystères me dépassent, feignons d’en être l’organisateur. » On pourrait presque, en pensant non aux mystères mais à la situation de crise, appliquer la célèbre phrase de Jean Cocteau à la prestation hier d’Édouard Philippe devant l’Assemblée nationale. Le premier ministre a voulu donner le change en déroulant son plan alors que le déconfinement tant attendu est aussi redouté.

Masques, tests… Nous sommes toujours loin du compte et rien n’assure que ce sera mieux le 11 mai. Les stratégies de dépistage restent incertaines. Près de deux tiers des Français se disent inquiets et pensent que le président et le gouvernement ne sont pas à la hauteur de la situation. C’est une gestion erratique liée à des manques dramatiques en matière de santé publique au regard des choix antérieurs qu’Édouard Philippe a occultés hier. De plus, dans l’état actuel des choses, certaines décisions ne peuvent qu’aggraver l’angoisse des salariés les plus exposés et incités, voire contraints, à retourner au travail et l’angoisse des parents. Les voilà placés devant un dilemme. Envoyer les enfants à l’école au risque d’une contamination ou maintenir un confinement insupportable. Le Conseil scientifique souhaitait une rentrée en septembre. Le gouvernement et le président ont tranché. Le Medef et nombre de grandes entreprises n’y sont sans doute pas pour rien.

Personne de sensé ne prétendra qu’une telle crise peut se gérer « les doigts dans le nez », mais précisément. La gestion de la crise par en haut comme le refus d’accorder aux groupes de l’Assemblée un temps de réflexion sont totalement contre-productifs. La démocratie, ce n’est pas seulement pour les jours où tout va bien, au contraire. C’est dans la difficulté, dans la crise que des solutions doivent être élaborées collectivement pour être efficaces. Et pas avec des chimères comme un gouvernement d’union nationale alliant carpes et lapins, mais avec les élus de la nation, avec les syndicats et les forces vives du pays, celles qui luttent chaque jour pied à pied. À ce jour ce n’est pas le cas.


mardi 28 avril 2020

ROUGE OU VERT ! (Robert Clément)



Édouard Philippe  a annoncé que dorénavant les départements seront d’une couleur rouge ou verte, selon le nombre de cas du Covid-19 et de la situation dans laquelle se trouve l’hôpital public. À n’en pas douter les départements de l’Est et ceux de l’Île-de France, et quelques autres seront dans le rouge. Je ne conteste pas le fait que ces départements doivent faire l’objet d’une attention particulière, à condition que tout soit mis sur la table. 


La gravité de l’épidémie en Seine-Saint-Denis, c’est d’abord le prix de la pauvreté, c’est le prix des inégalités à tous les niveaux, avec  ses répercussions sur la santé publique. Les citoyens de l’ombre hier, devenus aujourd’hui, des héros, sont en première ligne pour maintenir la France debout. Personnels soignants, éboueurs, caissières, agents de nettoyage, livreurs, salariés du public et du privé. 


Nombre d’entre eux se retrouvent dans le métro, les bus et le tramway en Seine-Saint-Denis, pour faire fonctionner la société. Moins de médecins, moins d’hôpitaux, moins de lits de réanimation, tel est le lot de la Seine-Saint-Denis. Elle compte 42 lits d’hôpitaux pour 10 000 habitants contre 77 pour 10 000 habitants à Paris. Faire en sorte, dans ce département, comme ailleurs, que l’épidémie soit maîtrisée et recule. Cent fois oui ! 

Mais à condition, que ce département ne soit pas une fois de plus montré du doigt et stigmatisé. Plus généralement, attention au risque de couper la France en deux, entre l’Est et l’Ouest, à l’image du Nord et du Sud, il y a 80 ans. La liberté n’a pas de frontières ! Encore moins dans le même pays ! Et puis, combien de temps faudra-t-il encore attendre pour qu’un plan de rattrapage sur les questions de santé voie enfin le jour en Seine-Saint-Denis ? Cela vaut tout autant pour l’éducation, le logement, l’économie et les services publics.

« Chair à canon », le billet d'humeur de Christophe Prudhomme



Tout le monde se félicite de la mobilisation des personnels de santé qui se sont donnés sans compter dans les hôpitaux et les EHPAD pour accueillir les malades du COVID-19 et assurer la continuité du fonctionnement des établissements.
Malgré l'absence d'équipements de protection, nous avons continué à travailler. C'est dans notre ADN, il n'est pas question de laisser les patients sans soins ou de laisser les collègues en sous-effectifs. Alors de la même manière que nous continuons à travailler quand nous sommes en grève, nous continuons à travailler lors de cette épidémie malgré les dangers auxquels nous sommes exposés.

Dès le début de l'épidémie, nous nous sommes inquiétés de connaître le niveau de contamination parmi les soignants. Mais nous nous sommes retrouvés face à un mur. Si quelques chiffres nous sont chichement donnés établissement par établissement, aucun recensement national n'est encore à ce jour disponible malgré les demandes réitérés des syndicats.
Ici il ne s'agit pas d'une question de pénurie mais d'un choix politique délibéré de cacher les données pour ne pas se retrouver en manque de personnel du fait de l'éviction pour positivité d'un nombre trop important de soignants. Quel cynisme !

Nous comprenons alors mieux le terme de "guerre" employé par E. Macron. Comme à la guerre, les "grands généraux" planqués à l'arrière envoient en première ligne sans protection ce qu’il faut bien désigner comme de la "chair à canon".
Au fil des jours, le nombre de collègues décédés augmente et va continuer à augmenter. Si nous sommes volontaires pour travailler, nous n'acceptons pas de le faire dans n'importe quelles conditions. Nous exigeons de connaître les chiffres de la réalité de la situation. Nous exigeons une stratégie nationale claire de dépistage et d'éviction des personnels infectés.
Dr Christophe Prudhomme


« LE DÉNI », L’ÉDITORIAL DE JEAN-EMMANUEL DUCOIN DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



D’ordinaire, les temps de crise majeure réclament une délibération démocratique totale. Le plan de déconfinement annoncé par Édouard Philippe ce mardi à l’Assemblée nationale, crucial pour l’avenir du pays, échappera à la règle d’honneur de notre République. Un exemple supplémentaire parmi tant d’autres – sauf que celui-ci fera date. Alors que de lourdes incertitudes pèsent sur les mesures prévues pour l’après-11 mai, alors que nous assistons depuis des semaines à des contradictions, des louvoiements, des divergences et autres revirements et vraies-fausses annonces, le gouvernement s’apprête donc à dévoiler les conditions de « l’après » de manière expéditive et, pour tout dire, dans des conditions d’examen odieuses. À peine connu, le plan sera survolé, si peu discuté, et aussitôt voté. Tous les groupes parlementaires d’opposition réclamaient « plus de temps » afin d’étudier la stratégie proposée. Refus catégorique. Chaque jour qui passe assigne toujours plus le Parlement à un rôle de chambre d’enregistrement.
Nous ne savons si la date du 11 mai pour (mal) déconfiner le pays sera respectée, mais au moins une évidence s’impose : la démocratie, elle, reste confinée. Naviguant à vue entre impréparation et incompétence, sans parler de nombreuses décisions déplorables liées à l’alliance de l’expertocratie et de l’oligarchie politique, l’exécutif pousse ainsi les feux du déni démocratique. L’heure est pourtant bien trop grave pour se contenter de la nécessaire « urgence », qui ne saurait justifier la mise à l’encan des principes élémentaires.
Dans ces circonstances, comment s’étonner de l’ampleur de la défiance des Français ? Et comment ne pas comprendre que ces derniers considèrent, d’ores et déjà, la (possible) future application StopCovid comme un projet désastreux, piloté par des apprentis sorciers. La démocratie piétinée, d’un côté ; une confiance définitivement plombée, de l’autre. Est-il sérieux de s’en remettre, pieds et poings liés, aux gouvernants responsables de cette catastrophe ?


« SANTÉ », LE BILLET DE MAURICE ULRICH !



Peut-être sujet à d’imprévisibles mutations, le Covid-19 semble aussi sensible aux conditions politiques et idéologiques. Ainsi, il ne serait pas parvenu à entrer en Corée du Nord, le pays étant par ailleurs préoccupé du sort de Kim Jong-un, dont on est sans nouvelles depuis quelques jours. D’après les autorités, on ne compte pas de malades du virus au pays des matins calmes.

Pas de virus non plus au Turkménistan, au moins dans les médias, d’où le mot est banni par décision du président Berdymukhamedov. En Biélorussie, le président Alexandre Loukachenko reconnaît l’existence du virus mais il ne le craint pas et appelle à conduire des tracteurs et boire de la vodka. On aura toutefois remarqué qu’il s’agit là de régimes autoritaires et un brin farfelus.

En revanche, dans un grand pays démocratique comme les États-Unis, le président Donald Trump lui-même contribue à la lutte contre la pandémie. Il a intelligemment suggéré, comme on le sait, de boire du désinfectant. On hésite entre l’eau de Javel et le Mr Propre. Santé, pour lui et les dingues.


lundi 27 avril 2020

« Réforme… », Le billet d'humeur de Christophe Prudhomme



Depuis quelques jours fleurissent des tribunes et des expressions diverses concernant l'avenir de l'hôpital et plus globalement du système de santé. Face à une situation dégradée, le consensus est facile à obtenir pour exiger une réforme. Mais attention, le changement peut prendre des directions opposées. Or une bonne partie de ceux qui parlent aujourd'hui poussent à accélérer les évolutions libérales contre lesquelles nous nous battons depuis des années. Alors que face à l'autoritarisme administratif, nous proposons plus de démocratie, les libéraux nous parlent d'agilité, d'autonomie avec la fin du statut public ou encore de levée de fonds privés. Alors que nous revendiquons une reconnaissance des qualifications et des augmentations de salaires, ils exigent la fin du "carcan" du statut de la fonction publique hospitalière.


Il s'agit bien là de la volonté de profiter de la crise pour accélérer la bascule du système de santé vers le secteur marchand avec la logique de l'hôpital entreprise. Il ne faut pas s'en étonner car les libéraux agissent dans le cadre d'une stratégie de long terme parfaitement théorisée et organisée : dans un premier temps, il s'agit de dégrader la qualité des services publics pour rendre évident la nécessité de réformes qu'ils ont soigneusement préparées et qu'ils sortent de leur chapeau au moment opportun pour les imposer comme la seule solution viable, sans autre alternative possible.


Il s'agit aujourd'hui de ne pas le laisser faire. Pour cela, il ne faut pas attendre pour mettre en débat et avancer nos propositions de réforme. Attendre les mauvais coups, c'est avoir déjà perdu.
Il nous faut dès maintenant proposer et donner du contenu à un grand service public de la santé financé par une Sécurité sociale disposant des ressources nécessaires. Qui dit grand service public, veut dire notamment la fin des cliniques et des EHPAD à statut privé à but lucratif. Ce ne serait que justice au regard de l'incurie des gestionnaires des EHPAD lors de l'épidémie. En ce qui concerne la Sécurité sociale, exigeons la fin des pseudo-déficits qui sont sciemment créés en diminuant ses ressources pour imposer des plans d'économie. Le niveau des cotisations doit être adapté d'une année sur l'autre pour obtenir un équilibre des comptes.


L'avenir sera à nous si nous savons nous donner les moyens de le construire sur les valeurs du service public et de la solidarité.
Dr Christophe Prudhomme


dimanche 26 avril 2020

« SENSIBLES », LE BILLET DE MAURICE ULRICH !



Nombre de patrons français, nous dit-on, sont inquiets. La reprise du travail n’est pas assez rapide à leur gré et ils auraient un peu, semble-t-il, l’impression que les Français n’en ont rien à faire et même pire. Dans ses pages économiques, le Figaro interroge Philippe Varin, président de France Industrie, président du directoire de PSA de 2009 à 2013, président du conseil d’administration d’Orano, anciennement Areva, qui contrôle la filière nucléaire.

Et donc, questionnent les intervieweurs, « le recours au chômage partiel a-t-il incité les Français à s’arrêter de travailler » ? Ben oui, malins comme ils sont, prêts à se confiner deux mois dans cinquante mètres carrés avec 80 % de leur salaire… Il est important, répond Philippe Varin, dont l’engagement au travail lui valait chez PSA 3 millions d’euros par an, « que le gouvernement insiste sur la nécessité de reprendre le travail. Son message initial, restez chez vous, a été parfois mal interprété, d’autant que l’opinion publique est naturellement sensible à la dimension sanitaire et parfois moins à la dimension économique »


« L’ABSENTE », L’ÉDITORIAL DE SÉBASTIEN CRÉPEL DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



Il y a décidément une absente de marque dans le tête-à-tête organisé entre le gouvernement et le Conseil scientifique mis en place pour l’éclairer dans la gestion de la crise sanitaire : la démocratie. C’est le propre des pouvoirs affranchis de tout contrôle que de se livrer à toutes sortes de mensonges et manipulations. Sur la réouverture des écoles, le gouvernement a non seulement tranché à l’inverse de l’avis du Conseil scientifique – c’est son droit –, mais il a sciemment caché pendant près d’une semaine la note de ce dernier qui préconisait de maintenir les établissements « fermés jusqu’au mois de septembre ».

Ainsi, c’est toute la société qui se trouve privée en temps utile des éclairages nécessaires à la prise d’une décision qui la concerne pourtant au premier chef, l’exécutif décidant de tout en toutes circonstances sans la consulter. Le Conseil scientifique lui-même ne s’y est pas trompé, en alertant dans une autre note dissimulée à l’opinion : « La confiance des citoyens dans les institutions suppose que celles-ci ne fonctionnent pas exclusivement par un contrôle opéré d’en haut. » On nous répondra que les députés sont justement convoqués mardi pour voter sur le plan de déconfinement que lui présentera le premier ministre. Mais les forces les plus attachées au respect du rôle du Parlement dénoncent des conditions d’examen indignes, avec un plan connu seulement mardi matin et soumis à un seul et unique vote pour paralyser toute dissidence dans la majorité. Ainsi, le résultat du scrutin, accordé du bout des lèvres à l’issue d’un simple « débat », est joué d’avance et sans risque aucun pour le gouvernement.

Cette gestion où autoritarisme et opacité vont de pair préfigure le « jour d’après » préparé à l’Élysée. Silence, on casse les droits sociaux : après la suspension des lois sur les horaires de travail, l’exécutif sort ces jours-ci une batterie de décrets pour accélérer les licenciements et autres réorganisations à l’entreprise. C’est ainsi une véritable « loi travail » nouvelle édition qui se met en place en douce et sans vote. Souhaitons que le 1er Mai, les revendications, elles, ne restent pas confinées.


« Sanctions ? », le billet d’humeur de Christophe Prudhomme




Dès le début de l'épidémie, l'administration, pour se dédouaner, tente dans certains établissements de mettre la responsabilité de la contamination des patients sur le dos des soignants.
Nous avons donc vu se multiplier les menaces et les sanctions. Sanctions comme à Toulouse dans un EHPAD où deux infirmier-e-s ont été mis à pied pour avoir osé réclamer des masques. Hier nous apprenons qu'à l'hôpital de Périgueux une enquête de l'ARS met en cause le personnel dans le développement d'un foyer épidémique dans l'établissement. il est évoqué le "non-respect des mesures barrières". Mais de qui se moque-t-on ? De par la loi, les ARS sont responsables du bon fonctionnement du système de santé, ce qui implique la mise à disposition des matériels nécessaires à cette mission, notamment les équipements de protection individuelle. Or les ARS ont été plus que défaillantes à ce niveau. 

Ce sont donc leurs responsables qu'il faut sanctionner et non les lampistes sur le terrain qui ont été exposés sans protection au virus et dont certains en sont morts et vont encore en mourir
Nous en avons assez de cette administration sanitaire qui ne sert que de relais aux gouvernements pour nous imposer depuis des années des restrictions budgétaires et des restructurations avec des fermetures de lits. Dès leur mise en place, nous avons contesté ces agences dirigées par des directeurs généraux tout puissants, véritables préfets sanitaires, nommés directement par le Premier Ministre. Leur caractéristique est le manque total de démocratie avec des instances dans lesquelles les élus locaux et les représentants syndicaux sont méprisés. A cela s'ajoute, les statuts précaires de nombreux employés qui, ne bénéficiant plus du statut de fonctionnaire avec sa garantie d'indépendance dans l'exercice de ses fonctions, sont soumis à des pressions constantes pour appliquer des mesures auxquelles bien souvent ils n'adhèrent pas


Face à cette situation, le limogeage du directeur général de l'ARS de la région Grand-Est ne suffit pas. C'est l'ensemble de l'administration sanitaire qu'il faut réformer pour qu'elle retrouve sa mission première qui est de veiller à ce que toute la population ait accès à un système de santé alliant proximité et qualité. Il est indispensable par ailleurs qu'elle soit soumise à un contrôle démocratique dans les départements et les régions.
Dr Christophe Prudhomme


vendredi 24 avril 2020

« Rupture d’égalité » (Patrick Le Hyaric)



La vérité éclate au grand jour : aucune des conséquences d’une sortie du confinement au 11 mai n’a été mesurée. Des millions de familles, de travailleurs restent, près de deux semaines après l’annonce présidentielle et à autant de semaines de la date fatidique, dans le flou le plus total, ne sachant ni comment, ni précisément quand, ni dans quelles conditions, notamment d’apprentissage, leurs enfants pourront retourner à l’école. Et la communication gouvern
ementale n’aide pas à y voir plus claire entre couacs et revirements persistants : par degrés scolaires, par régions, en fonction d’un cadre local ou d’un cadre national, la confusion est au sommet… de l’Etat.

Et certains espèrent ressusciter une -fort mal à propos- controverse entre jacobins et girondins quand il s’agit seulement de faire face aux invraisemblables incompétences d’un pouvoir toujours incapable de dire quand et comment les français pourront se doter de masques, ni quelle sera la politique de tests, quand il seront disponibles et pour qui, et encore moins la stratégie globale conduite par l’Etat qui oscille entre immunité collective et poursuite d’un confinement qui l’empêchera…. Bien évidemment, les élus locaux doivent pouvoir engager pratiquement les forces disponibles pour rouvrir les écoles, mais en appui d’un cadrage national et avec un soutien logistique de l’Etat qui se fait terriblement attendre.

Pour remédier à ses coupables imprévoyances, le gouvernement a sorti sa botte secrète : le volontariat. Formule magique qui jette un voile opaque sur ses conditions objectives. Au moment où les autorités publiques redoutent des émeutes de la faim dans certains territoires et alors que le confinement commence à ébranler sérieusement les milieux populaires, s‘en remettre au volontariat n’a que peu de sens. On n’est pas volontaire de la même manière selon que l’on soit « puissant ou misérable », sommé de travailler en vivant à l’euro près, ou télé-travaillant confortablement depuis une résidence secondaire…

L’Etat garant de l’égalité des citoyens et de leur protection s’efface donc au profit du bon vouloir des uns et des autres. Qui plus est sur un enjeu qui figure au socle du contrat social et républicain : l’école. Quelles traces laissera cette rentrée discriminatoire sur l’universalité de l’enseignement, déjà bien abimée. On voit aujourd’hui mal comment l’Etat pourrait garantir la suivi pédagogique des millions d‘enfants qui resteront confinés. Les retards accumulés dans la gestion de la crise se paient décidément très chers…


« MACRONINE », LE BILLET DE MAURICE ULRICH



 Drôle d’histoire que celle du tabac et de la nicotine. 
Drôle d’histoire que celle du tabac et de la nicotine. Pour les fumeurs tentés pendant le confinement de réduire leur consommation, c’est raté. On peut se tuer à petit feu et sûrement, mais ça, c’est demain. On va voir les bureaux de tabac se multiplier autant que les pharmacies toujours dépourvues de masques.

Les contrôles vont évoluer. « Bonjour monsieur, vous avez votre attestation dérogatoire, s’il vous plaît ? – Non, pas sur moi, mais j’ai trois paquets de Philip Morris qui vont me faire la journée. – Ok, pouvez y aller. » Et donc, les médecins, à juste titre, nous préviennent : « Non, le tabac n’est pas devenu un médicament et contient toujours autant de produits dangereux. » Il faut se méfier des remèdes miracles.

C’est comme avec la politique, les appels d’Emmanuel Macron à nous réinventer et lui avec, la redécouverte de l’État « providence ». L’état d’urgence sanitaire et la démocratie en retrait, les remises en cause dites temporaires du Code du travail, les appels à travailler plus sont censés nous sauver. C’est le tabac du peuple.


« Matrice(s) », le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin !




"L'après" sera-t-il comme avant... mais pire?

Procès. Une question s’impose désormais par anticipation, dans toute sa cruauté, et nous aurions aimé ne pas avoir à la poser: «l’après» sera-t-il comme avant… mais en pire? Personne ne saurait contester sérieusement que le désastre sanitaire et social que nous vivons en mondovision révèle l’absurdité funeste des modèles de gestion et d’organisation de nos sociétés. Cette crise, historique, ouvre pour beaucoup le champ des possibles et oblige chacun d’entre nous à ne pas rater l’occasion d’en tirer des leçons durables. Néanmoins, méfions-nous des faux-semblants, des postures, des phrases opportunistes la main sur le cœur qui laissent à penser qu’une fois la tragédie surmontée «plus rien ne sera comme avant». Les «convertis» sont trop nombreux pour être honnêtes. Mac Macron lui-même, jamais avare de détournement de sens, utilise parfois des rhétoriques qui donnent le tournis, tant et tant que, s’il ne s’agissait pas de lui, on croirait entendre parler un commissaire au Plan communiste agissant pour le renouveau de la République après la Libération. 


Un chronicœur du Monde a même osé s’interroger, avec sérieux, en ces termes: «La question est de savoir s’il s’agit simplement de la réponse conjoncturelle à un choc économique historique ou bien s’il s’agit de l’amorce d’un de ces changements en profondeur qui ponctuent la vie du capitalisme.» Et il ajoutait, toujours avec le même sérieux: «Les historiens de l’économie diront s’il a fallu qu’une chauve-souris transmette un sale virus à un pangolin, destiné à finir dans l’assiette de gastronomes chinois, pour qu’on puisse dater le passage d’une ère économique à une autre: la fin de quarante années de néolibéralisme en Europe et aux États-Unis et l’esquisse du début d’autre chose.» Résumons. L’après-Covid-19: à gauche toute? Comment ne pas instruire, d’ores et déjà, un procès en insincérité…


Traces. Vous connaissez l’histoire. Une grande espérance suivie d’une brutale ou lente désillusion. En France, telle pourrait être la définition de la gauche au pouvoir. Mais seulement. Depuis près de quarante ans, chaque crise a nourri l’espoir d’une prise de conscience globale et collective, d’un grand coup d’arrêt au capitalisme ensauvagé. Les débâcles boursières allaient stopper les privatisations, les crises financières enrayer la machine à profits. Souvenons-nous des propos si peu prophétiques de Nicoléon, après 2008, annonçant un changement de paradigme du capitalisme. Et? Rien. Disons même tout le contraire. Tout ne fut qu’accélération, aggravation, accumulation… Les exemples ne manquent pas. Bien sûr, et quoi qu’il survienne dans les prochains mois, la séquence du coronavirus aura constitué – hors guerres mondiales – la première inquiétude planétaire d’ampleur de nos existences, en une époque où le monde vit d’échanges et de transferts d’information en un temps qui défie les lois humaines. 


Cette grande peur universelle laissera des traces: ne négligeons pas la portée de cette potentielle «révolution» anthropologique. Ne doutons pas que, en apparence au moins, les responsables politiques en tiendront compte, histoire de contenir la colère populaire. Sauf que, à l’évidence, ce qui au départ laisse croire à une route pavée de bonnes intentions peut vite déboucher sur la «stratégie du choc» bien connue. Lorsque Mac Macron évoque des «décisions de rupture» parce que nous devons «interroger le modèle de développement dans lequel s’est engagé le monde», peut-on, doit-on le croire, alors qu’il conviendrait de convoquer, ici-et-partout, une coalition politique anticapitaliste capable de renverser le système? Même quand il arpente la bonne direction, le mouvement des idées de transformation ne suffit jamais à mettre à terre les matrices infernales. Et mieux vaut alors ne pas s’en remettre, pieds et poings liés, aux gouvernants responsables de la catastrophe…


jeudi 23 avril 2020

NE LÂCHONS PLUS MACRON SUR LA DETTE AFRICAINE ! PAR FRANCIS WURTZ





«Nous devons aussi savoir aider nos voisins d’Afrique sur le plan économique en annulant massivement leurs dettes » : cette « petite phrase » du président de la République lors de son allocution télévisée du 13 avril dernier, près de 37 millions de personnes en France – et bien d’autres par ailleurs, notamment en Afrique… – l’ont entendue ! N’acceptons pas qu’on puisse faire d’un enjeu de cette importance un hyper-coup de com sans lendemain ! Certes, les 20 pays les plus riches du monde (G20) ont décidé, dans la foulée, de… suspendre pour un an le paiement des intérêts de cette dette. Mais cette mesure – une bouffée d’oxygène indispensable – est notablement insuffisante. Et surtout, bien que le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, ait présenté un peu vite l’acte du G20 comme « un succès important pour la France et pour ses partenaires », il ne faudrait pas que le chef de l’État s’estime quitte de son engagement ! Retour sur un enjeu vieux de plus de 30 ans qui, dans le contexte de la crise actuelle, devient explosif.

Les prévisions très alarmantes concernant l’Afrique se multiplient depuis quelque temps sur tous les plans : sanitaire, économique, alimentaire, écologique… Les économistes s’attendent à la première récession sur ce continent depuis un quart de siècle du fait de l’effondrement de la croissance mondiale, de la chute des cours des matières premières et du tarissement des transferts d’argent des travailleurs émigrés. Dans ce contexte, le paiement du service de la dette des pays pauvres, qui ne cesse de s’alourdir, apparaissait à tous les observateurs avertis tout simplement impossible.

Songeons qu’avant l’épidémie 49 pays du Sud à faibles revenus –particulièrement en Afrique – consacraient déjà plus d’argent au paiement de la dette qu’à la santé ! Dans certains pays, comme le Ghana, la charge de la dette était, selon Oxfam, 11 fois supérieure aux dépenses de santé ! Ignominieux hier, absolument intenable aujourd’hui !

Aussi de nombreuses voix se sont-elles élevées à travers le monde pour appeler à des actions significatives sur la dette du continent : depuis l’Union africaine et le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutterres, le mois dernier, en passant par le pape François dans son message de Pâques, jusqu’au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale, plus récemment. Ainsi, donc, que le président français. Le grand mérite de l’annonce de ce dernier est finalement d’avoir catapulté une exigence de premier plan dans le débat public : ne le lâchons plus sur le sujet !

Annuler la dette – mieux : éradiquer le mécanisme diabolique de la dette à perpétuité pour les plus démunis –, voilà l’objectif à atteindre ! C’est l’intérêt de millions d’Africains, mais c’est aussi le nôtre : la crise actuelle rappelle à qui l’ignorait encore qu’il n’y a qu’un monde et qu’une humanité.


« QUESTION DE SURVIE », L’ÉDITORIAL DE MAUD VERGNOL DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !



Souvenez-vous. C’était en 2008. Au pied du mur de la crise financière, Nicolas Sarkozy, dans son célèbre discours de Toulon, jurait, la main sur le cœur : « Le marché tout-puissant qui décide de tout, c’est fini ! » On allait voir ce qu’on allait voir avec le grand retour de « l’État-providence ». On sait aujourd’hui ce qu’il en fut. Les peuples sont passés à la caisse, tandis que l’État déboursait 360 milliards pour renflouer les banques et détricotait méticuleusement les services publics.

Douze ans plus tard, Emmanuel Macron rejoue la même comédie. « L’État-providence n’est pas un coût mais un bien précieux, un atout indispensable… Il est des biens et des services qui doivent être placés en dehors des lois du marché », a-t-il déclaré le 12 marsDe belles phrases brutalement démenties, moins d’une semaine plus tard, par les actes du gouvernement. La vérité, sans fard, est venue du ministre du Budget, Gérald Darmanin, préférant faire la manche par un appel aux dons plutôt que rétablir l’ISF. Voilà « l’État-providence » selon la Macronie. Ou comment vider les mots de leur sens. C’est dire, pour qui en doutait encore, combien la soudaine réhabilitation de l’État par Macron tient moins d’un virage idéologique que d’une nécessité pragmatique. Une énième supercherie pour calmer la colère populaire. À chaque crise, le libéralisme en appelle provisoirement à un « État fort » pour mieux rebondir.

Alors non, Emmanuel Macron n’a pas apostasié sa bible néolibérale, tout comme il ne convertira pas le pays au communisme. L’inflexion de son discours, devant l’implacable faillite de la mondialisation capitaliste, consistera, au mieux, à quelques concessions momentanées pour sauver l’ordre établi. Lequel produira d’autres crises, pires encore.

Mais, cette fois, les grands de ce monde, qui se croyaient protégés par le mur de l’argent, peu enclins à agir pour les morts de la faim (25 000 personnes chaque jour sur la planète), prennent conscience que, pour eux aussi, c’est un enjeu de survie. Que la santé de chacun dépend de la santé de tous.


« CHALLENGE », LE BILLET DE MAURICE ULRICH



La course à l’ignominie dans laquelle sont engagés divers commentateurs est une des rares compétitions qui se portent très bien ces jours-ci. Elle a ses champions, déjà très entraînés en raison d’une pratique régulière. Christophe Barbier, Jean-Michel Aphatie et quelques autres se sont placés, dès le départ, aux avant-postes.

Mais voilà que des outsiders sortent tout d’un coup du peloton, en laissant pantois les amateurs les plus avertis. Vincent Beaufils, dans le bien nommé magazine Challenges, prenant acte des propos d’Emmanuel Macron sur la santé et l’État providence « qui ne sont pas des coûts ou de charges, mais un bien précieux » (oui, oui, il l’a dit), écrit : « Mais faudrait-il pour autant, une fois la crise derrière nous, céder forcément devant les “bouses blanches”, qui sont autant une équipe formidable – nous avons à cœur de les applaudir tous les jours – qu’un lobby puissant ».

Allez, Vincent Beaufils, on s’arrache, on va plus loin. En fait, ils se servent des malades pour essayer d’obtenir les moyens, euh, et bien, de les soigner.

« Des lits », le billet d’humeur de Christophe Prudhomme




Alors que la première vague commence à refluer, l'urgence est de reprendre l'activité normale dans nos services afin d'accueillir les patients qui ont vu leur prise en charge reportée du fait de l'épidémie.
Oui, mais à l'instar du directeur général de l'ARS du Grand-Est qui a énoncé clairement que rien n'avait changé au niveau des opérations de restructurations hospitalières et de plans de retour à l'équilibre, la plupart des directions hospitalières n'ont pas changé d'objectifs. La crise semble être pour eux une simple parenthèse qu'il va falloir refermer sans que soient remise en cause la politique poursuivie depuis 20 ans de diminution du nombre de lits, de fermetures de services et d'hôpitaux.

Nos collègues des hôpitaux psychiatriques, comme celui du Vinatier à Lyon, en font brutalement l'expérience ces jours-ci. Les services fermés ou transformés en structures d'accueil pour les patients atteints par la maladie COVID-19 ne retrouveront pas leur mission d'origine et les capacités d'accueil de l'établissement vont s'en trouver amputées.
Heureusement, en lutte avant la crise, ils ne baissent pas les bras et malgré le confinement, ils ont manifesté ces derniers jours dans l'enceinte de l'hôpital pour exprimer leur refus du retour au "monde d'avant".

Depuis des années, nous protestons contre le défaut de moyens du secteur psychiatrique et la crise actuelle va encore augmenter les besoins, Les urgentistes le dénoncent crûment : faute de prise en charge, une bonne partie des patients présentant des troubles psychiatriques sont abandonnés dans la rue ou en prison. Le plan d'urgence pour la psychiatrie est encore plus d'actualité aujourd'hui qu'hier.
La psychiatrie n'est pas le seul secteur touché. Les arguments avancés sont toujours les mêmes : faute de personnels, il n'est pas possible de rouvrir tous les lits. Nous connaissons la chanson: les services fermés soi-disant temporairement le restent trop souvent définitivement.

C'est la raison pour laquelle, ,nous demandons un véritable plan d'urgence d'embauche et de formation de personnels, toutes catégories confondues; En ce qui concerne les médecins dont la pénurie est souvent l'argument pour fermer des structures, il existe deux solutions immédiates au-delà de l'augmentation du nombre de médecins en formation dont les effets sont à objectif de 10 ans : une régulation de l'installation des médecins tant en ville qu'à l'hôpital pour une meilleure répartition sur le territoire et l'appel à des médecins étrangers dans le cadre d'un appel d'offre international auquel certains pays dont Cuba sont capables de répondre.
Dr Christophe Prudhomme