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vendredi 9 décembre 2022

« Le poison », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.

 


Consternation, colère. C’est ce que nous inspire cette vidéo qui tourne sur les réseaux sociaux. On y voit des petites frappes fascistes faisant irruption dans une réunion publique à Bordeaux où intervenaient deux députés de la FI. «La France est à nous!» éructent ces nervis armés de matraques et cagoulés. Le courage n’a jamais étouffé ces gens-là. Et de brandir une pancarte barrée de cette injonction: «Quils retournent en Afrique!» Même slogan putride proféré par un parlementaire du Rassemblement national que sa formation s’est empressée de défendre au nom d’une prétendue liberté d’expression. Le racisme n’est pas une opinion, c’est un délit puni par la loi. Les propagateurs de ce poison doivent être poursuivis. Qu’ils portent des rangers ou un costume-cravate à l’Assemblée.

On ne compte plus les librairies, les locaux du PCF souillés, vandalisés, les militants menacés et molestés, cibles du racisme, de la haine et de la violence de l’extrême droite. La banalisation des idées et des discours du RN, présenté comme respectable et fréquentable, a déchaîné la peste brune. L’État ne peut rester passif face à ces agissements qui menacent la démocratie. Sauf à en être complice. Une nouvelle fois, le gouvernement se refuse à condamner l’attaque de Bordeaux. Service minimum pour Gérald Darmanin, qui s’est fendu d’un tweet laconique où il réussit le tour de force de ne pas évoquer l’extrême droite! On a connu le ministre de lIntérieur bien plus volubile, dès lors quil sagissait de casser du «gauchiste». Une lutte résolue contre les milices identitaires s’impose pourtant, plus que jamais. Le recyclage, la digestion des thèses de l’extrême droite par ceux qui se revendiquent de la République doit pour cela cesser.

Tout le commande. Regardons vers l’Allemagne, où des disciples du IIIe Reich ont été arrêtés alors qu’ils fomentaient un coup d’État. Les nostalgiques des dictatures et des pouvoirs autoritaires, biberonnés au conspirationnisme, ne sont pas une exception allemande. Ils prospèrent sur les politiques de violence sociale qui font le lit du fascisme et des populismes. On ne joue pas avec l’extrême droite. Jamais, en aucune circonstance.

 

jeudi 23 juin 2022

« Tapis rouge à l’extrême droite », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



La Macronie est aux abois. L’allocution du président de la République le confirme, dans la foulée des consultations des partis politiques. Désavoué par une majorité des Français, le chef de l’État a agité la proposition d’un gouvernement d’union nationale comme issue à la crise qu’il a lui-même nourrie. Avant de reconnaître que cette initiative était exclue. Emmanuel Macron n’est pas le général de Gaulle; le CNR quil envisageait est lexact contraire du Conseil national de la Résistance. Alors, le locataire de l’Élysée a renoué avec ses grands classiques: le dépassement politique et des étiquettes. Or, les électeurs ont exprimé linverse dans les urnes le 19 juin.

Privé de coudées franches, le président a dû reconnaître que l’heure était aux « compromis» , mais avec pour seul cadre ses réformes. Il sait pertinemment qu’il recevra une fin de non-recevoir de la gauche. Qu’importe, sa stratégie consiste à renvoyer désormais la responsabilité du blocage institutionnel à ses adversaires, en les sommant de «clarifier la part de coopération» à laquelle ils devront se soumettre. Autre enseignement de son discours éclair: l’«union» quil appelle de ses vœux nexclut pas la force toxique quest le Rassemblement national. Depuis dimanche soir, les lieutenants de LaREM ne cessent d’adresser de grossières œillades aux 91 députés de l’extrême droite.

La palme de l’indécence revient au député Éric Woerth. Toute honte bue, il a laissé entendre qu’il préférerait que la présidence de la commission des Finances échoie au RN et non à la Nupes, qui est pourtant le courant d’opposition le plus fort. «Les insoumis ont visiblement en tête de faire du contrôle fiscal. Ce que je nai pas entendu au Rassemblement national», a-t-il avoué. Plutôt Hitler que le Front populaire, en somme. Ce n’est plus de la tambouille, c’est un tapis rouge déroulé à l’extrême droite. On savait avec ce scrutin le «front républicain» mort; il est bel et bien enterré désormais. Avec un tel marchepied, voilà lextrême droite propulsée pour la prochaine élection présidentielle, et même, en cas de dissolution, pour des législatives anticipées.

mardi 21 juin 2022

« Jupiter vaincu », l’éditorial de Gaël De Santis dans l’Humanité.



Dans la mythologie romaine, parmi les plus de cent adjectifs accolés au dieu Jupiter, on trouve «invictus». À savoir invaincu. Le nôtre, qui fait office de locataire de l’Élysée, a déjà été battu aux européennes, aux municipales, aux régionales et, enfin, aux législatives. Voilà Emmanuel Macron au pied du mur, à lAssemblée nationale, où ses amis sont loin de compter les 289 députés requis pour gouverner. Le camp présidentiel est dans le déni et souhaite élargir son horizon. Sa collaboratrice, la première ministre Élisabeth Borne, a suggéré dimanche qu’il fallait une «majorité daction». «Nous pouvons nous rassembler largement», a déclaré celle qui, dans une vie antérieure, évoluait dans le sillage du PS et qui lorgne désormais les plus de 60 députés de droite. Le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, va même jusqu’à estimer pouvoir «avancer ensemble» avec le RN sur certains sujets.

Les commentateurs découvrent les vertus du système allemand, avec ses coalitions où le centre règne en maître pour assurer la continuité néolibérale. À la grande coalition qui unissait, sous Angela Merkel, chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates succède une alliance entre SPD, Verts et libéraux.

Dans l’immédiat, un élargissement de la majorité macronienne à droite, logique sur le plan programmatique, ne fait pas honneur à la démocratie. En effet, lors des scrutins présidentiel et législatifs, Ensemble!, « Les Républicains » (LR) et la Nupes se sont présentés aux électeurs comme adversaires irréductibles. Une entente entre la coalition présidentielle et LR reviendrait à piétiner le choix des électeurs, sauf à changer de système politique où les citoyens sont prévenus que les majorités se forment au Parlement une fois les législatives passées. C’est la pratique chez nos voisins belge, italien, allemand, mais où le mode de scrutin est proportionnel. Avec de telles coalitions post-électorales, le premier ministre deviendrait le véritable chef de la majorité, reléguant au second plan le chef de l’État. Jupiter est vaincu; la Ve République est dépassée.