Le 27 mai prochain, nous commémorerons la naissance du Conseil
National de la Résistance. Cela fera, en effet, 77 ans que le CNR a tenu sa
première réunion. La puissance de ce symbole -celui de l'union des forces
antifascistes pour la renaissance démocratique et l'émancipation sociale- en
fit, longtemps, une référence intouchable en France. Son programme, adopté le
15 mars 1944, à l'unanimité de ses composantes -communiste, gaulliste,
socialiste, centriste...- , fut, durant quatre décennies, considéré comme la
pierre angulaire du fameux « modèle social français », souvent gravement
écorné, mais jamais récusé.
Tout
changea au milieu des années 80, marqué par le début de la fin du système
soviétique et, concomitamment, par l'explosion de la mondialisation capitaliste
: âge d'or du « Reaganisme » d'un côté de l'Atlantique et, de l'autre, grand
tournant néolibéral de la Communauté européenne, avec la signature de l'Acte
unique européen, véritable trait d'union entre dirigeants politiques «
Thatcheriens », chrétiens-démocrates et sociaux-démocrates (1986). Il faudra
attendre encore une vingtaine d'années de plus -et l'élection de Nicolas
Sarkozy- pour que le MEDEF ose s'attaquer frontalement à la référence «
systémique », voire civilisationnelle, du CNR. C'est Denis Kessler qui s'y
emploiera dans le magazine « Challenges » (4/10/2007) avec sa véritable « leçon
de choses » devenue célèbre : « Le modèle social français est le pur produit du
CNR (dont le programme) se traduit par la création des caisses de Sécurité
sociale, le statut de la fonction publique, l’importance du secteur public
productif et la consécration des grandes entreprises françaises qui viennent
d’être nationalisées, le conventionnement du marché du travail, la
représentativité syndicale, les régimes complémentaires de retraite, etc.(...)
Il y a une profonde unité à ce programme ambitieux (...) Il s'agit aujourd'hui
de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance ! »
Bel hommage du vice à la vertu, tel un rappel, « a contrario », des grandes
batailles de notre temps ! Il faut croire que « l'effet-CNR » est toujours
vivace dans la mémoire collective pour qu'Emmanuel Macron se soit cru obligé
d'y faire subrepticement allusion en concluant l'une de ses récentes
allocutions télévisées par ces mots directement tirés de cette belle page de
notre histoire contemporaine : « Nous retrouverons les jours heureux »...
Par
un hasard du calendrier, deux jours après la commémoration de la première
réunion du CNR, nous célébrerons un événement bien plus récent, dont nombre de
actrices et d’acteurs étaient empreints de l’esprit du CNR : la mise en échec
du Traité constitutionnel européen, symbole de « l’Europe libérale » et
l’affirmation de la volonté d’agir ensemble pour l’émergence d’une « Europe
sociale ». Le fait que le fruit de cette victoire a pu être confisqué est un
échec politique, non la fin de l’Histoire. Restent une expérience exemplaire de
démocratie citoyenne et d’une mobilisation solidaire au-delà des frontières;
une volonté irrépressible de conquêtes sociales, écologiques et éthiques; et
aussi la conscience d’une communauté de destin de toute l’humanité, sans
laquelle une « autre Europe » n’aurait de « refondée » que le nom. Les 27 et 29
mai : deux commémorations, un même projet.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire