vendredi 22 mai 2020

« CONTREPARTIES », L’ÉDITORIAL DE LAURENT MOULOUD DANS L’HUMANITÉ DE CE JOUR !


Prends l’oseille et tire-toi ? On ne sait si les dirigeants de Renault ­apprécient la comédie de Woody Allen, mais, de toute évidence, ils n’hésitent pas à s’en inspirer. Au moment même où l’État prévoit de lui garantir un généreux prêt de 5 milliards d’euros pour éviter le naufrage, le constructeur automobile s’apprête à annoncer, en retour, un plan d’économies carabiné de 2 milliards d’euros ! À la clé, la fermeture probable de plusieurs sites en France - Dieppe, Choisy-le-Roi, les Fonderies de Bretagne, Flins - et plus de 4 000 emplois en sursis. Une vaste saignée cofinancée indirectement par les deniers publics ? C’est exactement ce qui se profile chez Renault, mais aussi Engie, Air France et TUI, où la pluie d’euros risque de ne pas empêcher les licenciements et autres plans de « restructuration », mais de seulement les accompagner.
Soyons clairs : ces aides massives accordées à des secteurs industriels mis à genoux par la crise du Covid-19 sont indispensables. Mais les verser sans garanties ni contreparties est irresponsable. Face au défi économique, social et écologique à venir, l’État ne peut pas se contenter de faire des chèques en blanc, en s’en remettant aveuglément aux lois du marché. Faut-il rappeler à l’exécutif le funeste bilan du crédit d’impôt recherche ? Les largesses de ce dispositif ont permis, en son temps, au géant Sanofi de toucher 130 millions d’euros par an tout en diminuant ses effectifs de 4 700 salalriés et en servant près de 30 milliards de dividendes à ses ­actionnaires… Un modèle de gâchis qui devrait servir de leçon.

Interrogé au Sénat, Édouard Philippe, sous pression, assure qu’il sera « intransigeant » sur la « préservation » des sites de Renault en France. À voir. Chacun sait que, face à la crise du ­coronavirus, ce n’est pas sur les promesses que le premier ministre est attendu. Mais bien sur la capacité de l’État à mettre en place un pilotage ambitieux de son action, capable d’empêcher la casse sociale qui se prépare et de penser une politique à long terme de relocalisation industrielle, d’infrastructures, de services publics… En ce sens, le bras de fer avec la direction de Renault est un premier crash test. En espérant que la puissance publique ne reste pas à la place du mort.

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