jeudi 30 avril 2020

LA DIVISION NORD-SUD : UN POISON MORTEL POUR L'UE ! (FRANCIS WURTZ)



"Dans cette crise, nous Européens sommes tous embarqués dans la même galère. Si le Nord n'aide pas le Sud, il ne se perd pas seulement lui-même, il perd aussi l'Europe." Ce sont -et il faut s'en réjouir !- des personnalités allemandes de premier plan qui ont lancé, le 3 avril dernier, par ces mots, un appel à se ressaisir à l'adresse des dirigeants de leur propre pays comme des alliés les plus "orthodoxes" de Berlin, notamment néerlandais, scandinaves ou autrichiens. (1)

Cette initiative a fait suite à l'un des Conseils européens les plus calamiteux de l'histoire de la construction européenne : celui du 26 mars 2020 portant notamment sur le principe de « dettes mutualisées » et d’aide solidaire en général. Ce jour-là, en réponse à l'appel des pays d'Europe du Sud et particulièrement de l'Italie -très durement frappée, on s'en souvient, par la pandémie-, les Pays-Bas avaient demandé que soient appliquée à ces Etats une forme de mise sous tutelle pour leur imposer des "réformes" permettant d'assainir leurs finances publiques ! Une sorte de "remake" de la purge qui, il y a peu, écrasa la Grèce ! "Attitude répugnante !"; "Mesquinerie récurrente !"; "Inconscience absolue !" rétorquèrent légitimement les responsables italiens, espagnols, portugais ou grecs !

Moins agressifs que leurs partenaires néerlandais dans la forme, mais tout aussi anti-solidaires sur le fond, les dirigeants allemands, bien que premiers bénéficiaires du marché unique et de l'euro, voient rouge dès qu'il est question d' "emprunt commun" à toute la zone euro, susceptible, à leurs yeux, d'encourager l'irresponsabilité dépensière des "cigales" du Sud et de détériorer la position privilégiée des finances allemandes auprès des "investisseurs" sur le marché financier. Plus généralement, aime à répéter la Chancelière, pas question d'une "Union de transferts" (d'argent des pays riches vers les pays en difficulté) ! Problème : cette intransigeance devient intenable aujourd'hui ! Comme le souligne Habermas : ou le "Nord" aide le "Sud" ( de l'UE et notamment de la zone euro ), ou c'est tout l'édifice qui s'écroule !

Conscients de cette alternative existentielle, les Chefs d'Etats et de gouvernement européen, depuis le psychodrame dévastateur du 26 mars , font tout pour éviter le "clash", quitte à renvoyer la patate chaude à la Commission, chargée de trouver un compromis, ou à retarder les choix les plus difficiles...Jusqu’à Christine Lagarde, la nouvelle présidente de la Banque centrale européenne (BCE), qui appelle à l’unité sinon à l’entraide : « Si tous les pays ne se relèvent pas, les autres en pâtiront (...) Les gouvernements européens doivent être côte à côte pour déployer ensemble des politiques face à un choc commun »...Angela Merkel elle-même plaide à présent pour un « Fonds de relance » (évalué à 1000 milliards d’euros sur trois ans par la Commission) s’ajoutant aux « mesures d’urgence » de 540 milliards , aux plus de 1000 milliards à créer de toute pièce par la BCE pour racheter de la dette aux États membres et aux bien plus de 1000 milliards d’euros du budget de l’UE proprement dit pour les sept prochaines années ! Quelle part de cette montagne de crédits ira-t-elle à de la solidarité vraie ? Nous gagnerions à nous y intéresser de près...
--------
(1) En particulier, le grand philosophe Jürgen Habermas, le cinéaste Volker Schlöndorf ou le Président de l'Institut allemand pour la recherche économique, Marcel Fratscher


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire