jeudi 30 avril 2020

« Médicaments », le billet d'humeur de Christophe Prudhomme


Depuis plusieurs années, l'industrie pharmaceutique est montrée du doigt du fait des pénuries de médicaments de plus en plus nombreuses. Alors que les vaccins constituent un des plus importants progrès en termes de santé publique, les laboratoires n'ont rien fait pour développer des produits plus sûrs, notamment en éliminant l'aluminium, adjuvant mis en cause dans le développement de certains effets secondaires. La principale innovation en termes de traitement de la période récente est le traitement permettant de guérir de l'hépatite C, mais le médicament n'a pas pu été mis à disposition de l'ensemble des patients du fait du prix exorbitant exigé par les laboratoires.
 Les dépenses de marketing des laboratoires sont supérieures à celles consacrées à la recherche. L'essentiel de la presse médicale dépend des publicités de l'industrie pharmaceutique. Une bonne partie des études menées par les médecins dépendent de financements des laboratoires et présentent peu d'intérêt en termes de priorités de santé publique. Elles ne visent le plus souvent qu'à mettre sur le marché le plus rapidement possible un nouveau médicament qui remplacera un ancien dont le prix est trop bas pour générer des marges suffisantes. Nouveau médicament qui souvent n'a pas fait preuve de sa supériorité par rapport à l'ancien mais qu'un lobbying forcé, par presse grand public interposée, présente comme une innovation dont il faut faire profiter le plus rapidement possible les patients. Presse beaucoup moins prolixe quand ce médicament est retiré du marché quelques années plus tard, car finalement ses effets secondaires s'avèrent plus importants que prévu. Mais ce n'est pas grave, car même pendant un temps réduit de commercialisation les profits ont été au rendez-vous
 C'est la raison principale de mon refus de participer à une bonne partie des protocoles mis en place dans mon service car je considère qu'ils ne sont pas dans l'intérêt des patients et je n'accepte pas de les utiliser comme cobayes. Enfin, cerise sur le gâteau j'apprends ces derniers jours que le champion français de la pharmacie, SANOFI qui est la première capitalisation boursière du CAC 40, va verser cette année 4,5 milliards de dividendes à ses actionnaires, soit l'équivalent de son budget annuel de recherche et développement.
Il existe ici un vrai problème politique. Est-il normal de faire appel à la charité publique, avec notamment de grands shows médiatiques soutenus par des artistes, pour financer la recherche ? La réponse est clairement non. Quelle doit être, alors la décision politique qui s'impose ? Dans un premier temps mettre en place un impôt spécial dissuasif sur le versement de ces dividendes et dans un deuxième temps instaurer une maîtrise publique des activités de recherche et de production des médicaments. Médicaments qui doivent devenir des biens publics universels échappant au domaine marchand.
Dr Christophe Prudhomme

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire