Angela Merkel était l’indétrônable, la bonne gestionnaire de la première
puissance de la zone euro. En matière sociale et économique, elle a fait montre
d’une rigidité absolue, imposant à Berlin et à l’Union européenne l’équilibre
des comptes publics tel un totem. L’exemple le plus terrible de cette
intransigeance reste à ce jour sa conduite vis-à-vis de la Grèce, étranglée
jusqu’à l’asphyxie. Depuis l’annonce de son départ, les médias dominants
rivalisent d’éloges, brossant le portrait d’une femme d’État rigoureuse qui a
su remettre debout « l’homme malade » qu’était l’Allemagne,
lors de sa première élection en 2005. À quel prix ?
Durant les quatre
mandats de la chancelière, les inégalités sociales ont explosé ; la
fracture s’est creusée entre l’Ouest et l’Est désindustrialisé.
Elle a inscrit son règne dans le sillage de l’ordo-libéralisme de son prédécesseur et de ses très impopulaires réformes antisociales Hartz. Elle a considérablement amplifié la flexibilisation du marché du travail. On l’oublie un peu trop vite, mais la précarité est l’autre face du taux de chômage historiquement bas. Pas moins de 7 millions d’Allemands sont des mini-jobeurs, dont 3 millions sont contraints d’empiler les boulots pour survivre. Les 4 autres millions ne touchent que 450 euros afin d’être exonérés des cotisations. Résultat, ces forçats du XXIe siècle n’ont ni assurance-chômage, ni assurance-maladie, ni retraite. Leurs salaires de la peur exercent une pression terrible sur les autres travailleurs.
Non, il n’y a pas de
modèle allemand. Durant les quatre mandats de la chancelière, les inégalités
sociales ont explosé ; la fracture s’est creusée entre l’Ouest et l’Est
désindustrialisé, où la population a le sentiment d’être la grande oubliée de
la croissance florissante. Ce malaise n’est d’ailleurs pas étranger à la montée
en puissance de l’extrême droite. Angela Merkel laisse à son successeur
– que ce soit Olaf Scholz ou son dauphin, Armin Laschet – un autre
problème structurel : plus d’un enfant sur cinq grandit dans la pauvreté, selon
la fondation Bertelsmann. Les infrastructures et les services publics sont en
lambeaux. « Une démocratie se doit d’être conforme aux marchés », a
déclaré, un jour, la chancelière. Elle a assujetti l’Allemagne à ce dogme, au
point de faire de l’austérité la norme pour des millions de ses concitoyens
désemparés. C’est aussi ça, l’héritage Merkel.
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