Olivier Chartrain
Apparu en Afrique du
Sud, le variant B.1.1.529 présente plus d’inconnues que de certitudes. Classé « préoccupant »
par l’OMS, ce nouveau mutant à la contagiosité très élevée et moins vulnérable
aux vaccins, inquiète au plus haut point.
À l’origine, quelques jours après son apparition en Afrique du Sud, d’une
vague de peur et de fermetures de frontières, le variant que l’Organisation
mondiale de la santé (OMS) a baptisé « Omicron » reste à déchiffrer. Mais il
met d’ores et déjà en question l’égoïsme des pays riches et leur refus de
donner aux pays du Sud un accès suffisant aux vaccins.
1/ Les pays du sud, usines à variants
Prétendre que l’apparition de ce nouveau variant dans le paysage de la
pandémie serait une surprise serait mentir. Comme tous les virus, le
coronavirus Sars-CoV-2 se reproduit en recopiant son code génétique, et, comme
tous les virus, des erreurs de copie – des mutations – se glissent
parmi les quelque 30 000 « briques » (les nucléotides) qui composent son
génome. Sars-CoV-2 est réputé produire moins de mutations que d’autres virus :
deux fois moins que celui de la grippe, par exemple. Mais il en produit quand
même. Et si, parmi celles-ci, certaines affaiblissent le virus ou sont
inoffensives, d’autres peuvent le rendre plus contagieux, plus résistant aux
anticorps – qu’ils proviennent d’une première contamination ou des vaccins –
ou plus dangereux sur le plan de la maladie qu’il déclenche : ces mutations
sont alors appelées variants.
Avant même de connaître leurs caractéristiques, un premier enjeu est de ne
pas favoriser les mutations, de manière à limiter le risque d’apparition de
variants agressifs. Le premier paramètre sur lequel jouer est d’une simplicité
mathématique : plus est grand le nombre de personnes porteuses du virus,
chacune d’entre elles devenant un mini-incubateur où le virus se reproduit,
plus s’accroît le nombre de mutations et le risque d’apparition de variants.
Pour réduire ce risque, il faut faire en sorte que le moins de personnes
possible soient contaminées. L’histoire de la pandémie actuelle le démontre :
le variant Alpha est apparu au Royaume-Uni, où, en faisant au départ le choix
de l’immunité collective, le gouvernement avait laissé galoper l’épidémie au
sein de la population. Même chose pour le variant Gamma, venu du Brésil,
lui-même très vite supplanté par le variant Delta, cause de la cinquième vague
de la pandémie et venu d’Inde où, aujourd’hui encore, moins d’un tiers de la
population est vacciné.
Le nouveau variant Omicron est apparu en Afrique du Sud. Or, ce pays, comme
la totalité de l’Afrique, présente toutes les caractéristiques d’une redoutable
« usine à variants », où le virus galope sans entrave au sein d’une population
très peu protégée (24 % de vaccinés). Non par choix politique, cette fois,
mais en raison de l’égoïsme des pays riches, qui n’ont jamais pris les mesures
nécessaires – envoi de vaccins en masse et levée des brevets permettant de
les produire – pour que les pays du Sud puissent vacciner au plus vite
leurs populations. Pire : selon certaines hypothèses, le fait que l’Afrique du
Sud soit l’un des pays du monde où le taux d’infection par le VIH est le plus
élevé, avec un mauvais accès aux traitements, pourrait avoir « appris » au
Sars-CoV-2 à contourner les défenses immunitaires.
2/ Contagiosité, résistance, dangerosité : que sait-on ?
On a encore très peu de certitudes sur les caractéristiques d’Omicron.
Toutefois, le peu que l’on sait a déjà suffi pour que l’OMS le classe
comme « préoccupant » et pour que de nombreux pays, dont la
France, décident de fermer leurs frontières aux voyageurs provenant ou revenant
d’Afrique australe. Sur le plan génétique, Omicron présenterait une trentaine
de mutations affectant principalement la protéine Spike, utilisée par le virus
pour se fixer aux cellules de son hôte. La liste des effets potentiels de ces
variations a de quoi inquiéter. Certaines pourraient améliorer la résistance du
virus aux anticorps, qu’il s’agisse de ceux produits lors d’une infection
précédente (par un autre variant) ou de ceux produits par les vaccins. D’autres
seraient susceptibles d’aggraver sa virulence, donc la dangerosité de l’infection
qu’il déclenche. Enfin, d’autres mutations pourraient accroître la
transmissibilité du virus, donc sa contagiosité.
Dans tous les cas, il faut prendre ces hypothèses avec beaucoup de prudence
et attendre que les premières études scientifiques les confirment – ou les
infirment. La vitesse à laquelle le variant Omicron est devenu dominant dans
certaines régions d’Afrique du Sud semble aller dans le sens d’une contagiosité
encore plus grande que celle du variant Delta, dont c’est pourtant la principale
caractéristique. Par ailleurs, certains témoignages de médecins, toujours en
provenance d’Afrique du Sud, semblent indiquer que les malades affectés par
Omicron ne souffrent pas de symptômes plus graves. Ainsi la présidente de
l’Association médicale sud-africaine, Angelique Coetzee, citée par l’AFP,
rapporte-t-elle que la trentaine de patients qu’elle a déjà pu examiner
souffraient avant tout d’une « fatigue extrême », ajoutant
que « même les patients que nous avons vus et qui n’étaient pas
vaccinés (présentaient) des symptômes légers ». Un témoignage rassurant,
mais évidemment trop partiel pour en tirer des conclusions hâtives.
3/ Quelles mesures doit-on prendre ?
Comme d’autres pays d’Europe, la France a décidé de fermer ses frontières à
toutes les personnes arrivant (ou revenant) de sept pays d’Afrique australe :
Afrique du Sud, Botswana, Eswatini (ex-Swaziland), Lesotho, Mozambique, Namibie
et Zimbabwe. Un type de mesure déjà prise à l’encontre des pays où avaient été
détectés les variants précédents, avec une efficacité toute relative, comme on
a pu le constater depuis. D’ailleurs, dès dimanche 28 novembre, le
ministre de la Santé n’a pas caché qu’il y avait sans doute « déjà des
cas en circulation » sur le territoire national, leur détection
étant « très probablement une question d’heures ». Toutefois,
Olivier Véran a jugé que cette situation « n’impacte pas le profil de
la vague épidémique que nous connaissons » et qu’il n’était donc pas
nécessaire, pour le moment, de renforcer les mesures prises pour enrayer cette
dernière. Une prudence que le trop grand nombre d’inconnues entourant ce
nouveau variant pourrait justifier.
Reste que ce contexte
souligne en particulier l’incohérence de l’allégement du protocole sanitaire
dans les écoles primaires, qui ne prévoit plus la fermeture des classes au
premier cas mais contraint les parents à retirer leurs enfants de l’école tant
qu’ils ne peuvent présenter un test négatif. Autre élément clé de la stratégie
française : le recours à la troisième dose de vaccin, justifié par la baisse
constatée de la protection au bout de six mois. S’il s’avérait que le variant
Omicron présente une résistance aux vaccins, ce pan de la stratégie se
trouverait considérablement affaibli. Et pendant que le gouvernement affiche un
objectif de 10 millions de troisièmes doses d’ici à la fin de cette
semaine, les pays du Sud continuent, faute de vaccins, à se transformer en
bouillons de culture viraux d’où surgiront, comme autant de boomerangs armés
par l’égoïsme des pays riches, des variants à la dangerosité inconnue.
En europe, les citoyens se mobilisent pour la levée des brevets
Dans plusieurs villes européennes – Bruxelles, Genève et Paris –, des
mobilisations sont prévues mardi pour réclamer la levée des brevets sur les
vaccins et l’accès aux traitements contre le Covid. Elles s’inscrivaient dans
le cadre de la conférence ministérielle de l’OMC, qui devait s’ouvrir en Suisse
le 30 novembre. Malgré son report, les manifestations sont maintenues,
alors que 10 000 personnes meurent tous les jours du Covid. À l’appel de
plusieurs organisations syndicales, partis, associations, au nom de « la vie
plutôt que les profits », le rassemblement aura lieu place de la Bourse à Paris
vers 18 heures.