L’état de notre système
de santé publique continue de se détériorer. La sénatrice Laurence Cohen l’a
constaté récemment en Mayenne, où elle a également avancé les solutions portées
par les communistes pour sortir de cette crise durable. Entretien.
LAURENCE COHEN, Sénatrice
PCF
Le projet de loi de finances de la Sécurité sociale 2022 (PLFSS 2022), qui
doit être tout prochainement adopté, est loin de répondre aux besoins de
l’hôpital public, dont la crise ne fait que s’aggraver. C’est ce qu’a dénoncé
au Sénat Laurence Cohen (PCF), qui s’est ensuite rendue auprès des personnels
hospitaliers mobilisés. Pourtant, des solutions à court et long terme existent.
En début de semaine, vous vous êtes rendue en Mayenne, rencontrer les
soignants. Qu’avez-vous pu constater sur l’état de l’hôpital public ?
Laurence Cohen : Ce territoire, le troisième désert médical de France,
illustre ce qui se passe pour l’ensemble du système de santé français. Les deux
hôpitaux publics de ce département sont en grande difficulté. Dans celui de la
ville de Mayenne, l’agence régionale de santé (ARS) veut supprimer l’activité
de chirurgie conventionnelle et continue à supprimer des lits de surveillance,
ce qui par ricochet met en danger le service de cardiologie et la maternité.
L’ARS souhaite transférer la chirurgie conventionnelle vers l’hôpital de Laval,
sans savoir s’il peut absorber ce surplus d’activité. De toute évidence non,
puisque, depuis le début du mois de novembre, les urgences ont dû fermer leurs
portes plusieurs nuits. Et lorsqu’elles sont ouvertes, les conditions d’accueil
et de soins sont terribles. Ces deux derniers week-ends, les personnels ont dû
tenir les urgences alors qu’ils n’avaient aucun lit disponible… Caroline
Brémaud, la cheffe des urgences, m’a dit que « le premier médicament
indispensable, c’est l’humain », mais ce contact n’existe plus. C’est
dû au manque de personnel mais aussi à une gestion extrêmement administrative
de l’hôpital. Ils sont en train de dégoûter les professionnels.
Olivier Véran assure que le PLFSS 2022 sera « celui de la sortie de
crise ». Le texte du gouvernement peut-il permettre d’améliorer la
situation ?
Laurence Cohen : Non seulement il ne l’améliorera pas, mais il la détériore
encore. À aucun moment dans le PLFSS on ne prévoit une réouverture de lits, un
changement du mode de gouvernance, une tentative d’améliorer les conditions de
travail… La boussole reste la même : faire des économies au niveau de la santé
et de l’hôpital. C’est extrêmement important de rendre compte de la situation
des hôpitaux et de la mobilisation des personnels parce que ce débat doit être
au cœur de l’élection présidentielle. Les gens que j’ai rencontrés ne me
parlent pas de sécurité, ils me parlent de pouvoir d’achat et de santé. Il y a
notamment besoin de nouveaux financements pour la Sécurité sociale, ce qu’ont
refusé à la fois Olivier Véran et la droite sénatoriale. Il faut mettre fin aux
nombreuses exonérations de cotisations patronales qui existent et mettre à
contribution les revenus financiers. Faire appliquer la loi de l’égalité
salariale entre les femmes et les hommes ferait de plus augmenter les
cotisations, ce qui permettrait donc de faire entrer plusieurs milliards
d’euros de recettes pour la Sécurité sociale.
Ces moyens suffiraient-ils pour ouvrir rapidement des lits ? L’exécutif
rétorque que pour cela il faut davantage de personnels et donc du temps pour
les former…
Laurence Cohen : D’une
part, quand on est au gouvernement, il faut avoir une vue à long terme. C’est
donc dès maintenant qu’il faut mettre des moyens pour ces formations, ce qu’il
ne prévoit pas. Des moyens pour que le numerus clausus en faculté de médecine
soit réellement supprimé, mais aussi pour que des formations internes puissent
se faire sans attendre. Une aide-soignante de Laval m’expliquait que le centre
hospitalier, faute de budget, lui a refusé une formation d’infirmière pourtant
prévue par son contrat… Pour le court terme également, il faut revoir
totalement l’organisation de l’hôpital, améliorer les conditions de travail et
rendre celui-ci plus attractif. Avant la pandémie et encore plus depuis,
énormément de personnels ont quitté les hôpitaux. Mais beaucoup reviendraient
rapidement si on changeait de logique, en arrêtant les économies et la
tarification à l’acte, en changeant le mode de gouvernance, en retrouvant de
l’humanité dans ces métiers. Mais le gouvernement ne le veut pas et continue de
considérer que notre système de santé est un coût qu’il faut réduire.
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