Leur agonie a peut-être duré quinze minutes. C’est le temps que le corps
peut tenir, paraît-il, dans les eaux glaciales de la Manche en cette saison.
Imagine-t-on ce qu’ont enduré pour leurs derniers instants les 27 que la mer a
engloutis ? Se figure-t-on l’épouvante dans leurs yeux sachant leur mort
certaine et la voyant venir, perdus au milieu des flots ? C’est cette réalité
indicible que raconte cette information brute : 27 personnes qui tentaient de
gagner la Grande-Bretagne depuis la France ont péri noyées dans le naufrage de
leur bateau, mercredi.
Exceptionnel par le nombre de victimes, ce drame ne l’est pas par ses
circonstances tant elles se répètent à l’identique, de noyés en noyés. Bien
sûr, la précarité des embarcations, leur surcharge sont les causes directes de
la mort de ces malheureux. Mais la cause réelle, celle qui pousse à prendre des
risques insensés avec sa propre vie, est bien l’inhumanité des politiques
migratoires.
Que chaque responsable public ou candidat à une telle charge, à la lumière
de ces drames récurrents, mesure la responsabilité de ses propos d’estrade en
matière d’immigration et de droit d’asile. Car c’est de la vie et de la mort
d’êtres humains qu’il est question au bout du compte. « La France ne
laissera pas la Manche devenir un cimetière », a déclaré Emmanuel
Macron, saisi d’effroi lui aussi. Mais ces eaux sont déjà la nécropole de tous
ces damnés, morts d’avoir voulu une vie meilleure.
Les réponses esquissées
ne s’attaquent pas à ce qui provoque ces tragédies : plus de Frontex,
c’est-à-dire toujours plus de gardes, de contrôle, d’interception et
d’expulsion d’immigrants. Il faut craindre que cela se traduise par encore plus
de prise de risques des candidats à la traversée, plus de trafic de passeurs
sans scrupules. Et plus d’agonie en mer, tant que ne seront pas dénoncés les
insoutenables accords du Touquet et de Dublin, qui transforment notre pays en
garde-frontière inflexible de l’Europe et de l’Angleterre.
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