samedi 20 novembre 2021

Les paliers de l’escalade de l’abject (Patrick Le Hyaric)



En danger de mort dans leur pays, victimes de violences, de traques, sous la menace des mafias de passeurs, objets du cynisme géopolitique et d’une certaine indifférence internationale, des enfants, des femmes et des hommes affamés, tremblent dans la froidure sévère de l’Europe orientale, enserrés tels des otages, entre les rangées de fil de fer barbelé de la frontière polonaise et les fusils des soldats du dictateur biélorusse Loukachenko. Et les blindés  sont aussi gris de part et d’autre.

Ces familles, ces jeunes, ces enfants ont dû quitter leur maison, leur famille en Irak, en Afghanistan ou en Syrie pour fuir l’insupportable. Voir ces réfugiés devenir les fantassins d’abominables responsables d’État sans cœur, soulève l’indignation.

Ce sont leurs sœurs et leurs frères que l’on retrouve en grande souffrance sur les rives de la Méditerranée et de la Manche cherchant le moyen de rejoindre un hypothétique eldorado.

Le cynisme des responsables politiques français qui utilisent le sort de ces malheureux dans leur quête, sans foi ni loi, d’électrices et d’électeurs, est tout autant insupportable. Cette démagogie nauséabonde est lourde de dangers. Face à cette course aveugle au rejet de celles et ceux qui n’ont d’autre issue que de fuir, on doit se souvenir, de nos parents et grands- parents, des familles juives, communistes,des tziganes, des républicains espagnols, acculés par le nazisme et le franquisme, qui ont dû s’enfuir sur les chemins d’Europe pour échapper au pire.

C’est le malheur d’êtres humains qui est utilisé ici pour propager une propagande illicite, assimilant réfugiés et insécurité, voire au terrorisme. À ce niveau d’ignominie c’est l’humanité qui s’éteint.

C’est la division des êtres humains entre eux qui est promise quand il n’y a jamais eu autant d’intérêts communs aux combats pour la justice, la démocratie, l’environnement et le climat. Jamais, toutes les citoyennes, tous les citoyens du monde n’ont autant eu d’intérêt à s’entraider et à bâtir ensemble un avenir commun.

La nouvelle route migratoire vers la Biélorussie a bien été délibérément ouverte par les dirigeants de ce pays dans le cadre d’une abominable stratégie de revanche face aux sanctions décrétées par les dirigeants européens.

Pour le coup, ces derniers défendent la Pologne, membre de l’Union, avec laquelle pourtant un conflit sévère les opposent sur le respect de l’État de droit. Mais ladite Pologne se passe des dispositifs européens et ajoute à ses gardes-frontières des dizaines de milliers de militaires. Et voilà qu’elle envisage désormais de construire un mur quelque quarante années après la destruction de celui qui divisait à Berlin et l’Europe en deux. Un  « mur de Varsovie » serait-il plus acceptable que le mur de Berlin ?

Et, le pouvoir polonais profite de l’occasion pour décréter contre sa population un état d’urgence permanent de sinistre mémoire. Les autorités européennes, tout occupées par leur escalade avec la Russie, n’y trouvent rien à redire alors qu’il s’agit d’abord de sauver des vies humaines.

Elles bafouent ainsi les traités internationaux, notamment la convention de Genève de 1951, relative aux droits des réfugiés. Celle qui garantit le droit d’asile et le principe de non-refoulement que la Pologne a aussi signée le 27 septembre 1991. Si l’humanité était au premier rang des préoccupations européennes, la Pologne aurait été au moins sévèrement critiquée pour violation de ses engagements. Il n’en est rien !

Et, dans l’actuel parlement européen, une majorité de députés place au second plan la protection, l’accueil, l’hospitalité aux réfugiés au nom de considérations géopolitiques et sous la pression d’une extrême droite qui partout a fait de l’exclusion des immigrés un de ses principaux fonds de commerce.

N’est-ce pas cette même pression mortifère qui conduit l’Union européenne, volontiers donneuse de leçons, à sous-traiter, contre rétribution, la gestion des flux migratoires par cet autre maître-chanteur, le président turc Mr Erdogan, notre allié dans l’OTAN ?

Le sort de ces êtres humains en danger de mort, tenaillés par le froid et la faim, laissent insensible cette machine d’abord soucieuse de la santé des marchés financiers et des banques, tout en protégeant de leur douce chaleur les évadés fiscaux.

Il y a pourtant besoin, de toute urgence, d’un débat serein sur les défis des migrations alors que la pauvreté et la misère augmentent encore et que l’augmentation du nombre des « réfugiés climatiques » va s’accroître.

Dans l’immédiat, Il est urgent d’engager le processus diplomatique capable d’ouvrir un couloir humanitaire d’accueil et de répartir les réfugiés dans les pays européens qui devront les accepter au nom des principes qui les ont fait rejoindre l’Union. Cinq mille réfugiés, à accueillir et répartir, ne déstabiliseraient aucun pays Européen. Cela les grandirait tous.

Le développement de cette crise est lourd de dangers. Deux pays autoritaires s’y font face. Aucun effort ne devrait être négligé pour rechercher le concours de la Russie qui peut beaucoup contribuer à la réussite d’une telle initiative et bien au-delà. L’Union européenne aussi ! Le droit d’asile doit être respecté tandis qu’il convient de progresser dans la réforme des accords dit de Dublin de telle sorte que les pays de « premier accueil » ne supportent pas seuls la charge de la nécessaire hospitalité.

Il est temps de cesser de l’escalade de l’abject !

 

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