mercredi 30 septembre 2020

« Insécurité », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité de ce jour.


L’insécurité qui rend impossible le simple fait de se soigner ou de se nourrir correctement, et que la crise du Covid a encore aggravée, n’est pas moins préoccupante ni plus vivable que celle qui menace la tranquillité des rues. Mais elle fait moins la une de certains journaux, et n’est guère le prétexte à la surenchère politique. D’un côté, on ne s’en plaindra pas : qu’elle soit sociale ou qu’elle concerne l’intégrité des personnes et des biens, l’insécurité devrait être toujours considérée comme un sujet trop grave pour servir de matériau aux basses manœuvres politiciennes. De l’autre côté, cette sous-estimation de l’urgence sociale révèle combien les préoccupations de ceux qui s’en désintéressent pour se focaliser sur les questions dites « sécuritaires » n’ont que peu à voir avec l’intérêt général, mais beaucoup plus avec une entreprise de division qui ne dit pas son nom, propice aux pires amalgames, comme on peut encore le craindre avec le prochain discours présidentiel sur le « séparatisme ».

 

Pourquoi n’entend-on pas le Rassemblement national, les députés de la majorité ou les figures de l’opposition de droite s’offusquer, avec la même vigueur dont ils sont capables dès qu’ils aperçoivent le bout d’un foulard sur la tête de l’une de leurs compatriotes, du risque de déchirure de la devise républicaine que fait peser le dénuement d’une large fraction de Français de tous âges et de toutes origines ? Poser la question, c’est y répondre. Il est toujours plus risqué de proposer de désigner les responsables des inégalités. Les pauvres risqueraient de tourner leur colère vers les vrais profiteurs et, qui sait, d’unir leurs forces pour en finir avec le scandale d’un pays dans lequel la peur de la misère est désormais le bien le mieux partagé.

 

C’est la force du baromètre du Secours populaire d’imposer dans le débat l’évidence de la fracture des inégalités. Cela donne des éléments à chacun pour reposer le débat qui vient sur le « séparatisme » sur de nouvelles bases. À l’instar de l’extrême polarisation des richesses qui mine la cohésion de la société.

« En France, on manque un peu de lits d’hôpitaux, mais on a une armée », l’éditorial de Maurice Ulrich.

Quelle crise ? Bon, en France, on manque un peu de lits d’hôpitaux, mais on a une armée. Son budget, le second de la nation après celui de l’éducation nationale (ouf !), devrait augmenter de 4,5 % en 2021. Il sera supérieur de 22 % à ce qu’il était en 2017, ce qui nous place en sixième place dans le monde derrière les États-Unis, la Chine, l’Inde, la Russie et, tiens donc, l’Arabie saoudite, un de nos très bons clients pour les ventes d’armes.

 

Certains de nos équipements, paraît-il, sont obsolètes. Nos militaires vont tout de même recevoir une frégate, trois avions ravitailleurs, 157 blindés Griffon, 20 blindés Jaguar, un satellite d’écoute et 12 000 fusils d’assaut… On peut y aller, donc, mais où ? Au Sahel, les résultats ne sont pas probants, mais pour la ministre Florence Parly, « il faut voir le budget des armées comme le respect d’un engagement du président de la République et comme un outil au service de la relance de notre économie ». Certes, mais quel engagement et quelle économie ?

 

Sécurité sociale. Un scénario budgétaire extrêmement vague.


Clotilde Mathieu

Les dépenses liées au Covid-19 ont créé un déficit record de 44,4 milliards d’euros. Mardi, le gouvernement a présenté un budget 2021 « très fragile », « sans répondre aux enjeux » posés par les soignants.

 

« Jamais la présentation d’un projet de loi de finances de la Sécurité sociale (PLFSS) aura été aussi lapidaire. » En pleine crainte d’une deuxième vague de la pandémie et alors que certains hôpitaux sont en saturation, comme à Toulouse, les ministres de la Santé et des Comptes publics n’ont pas convaincu les membres de la Commission des comptes de la Sécurité sociale devant lesquels ils présentaient leur scénario budgétaire pour l’an prochain. Leur discours « offensif,  énumérant la création officielle d’une cinquième branche de la Sécurité sociale pour la prise en charge de l’autonomie, la mise en place du congé paternité, le premier volet du Ségur de la santé ou encore la provision, au doigt mouillé, de 4,3 milliards d’euros de dépenses pour faire face à la pandémie en 2021, n’a pas eu l’effet de séduction escompté.

 

« Au contraire, cela nous a même parfois inquiétés », estime Pierre-Yves Chanu, le cégétiste vice-président de l’Agence centrale des organismes de la Sécurité sociale. « Cela ressemble vraiment à un budget de transition, d’attente, extrêmement vague, qui ne peut être un budget à la hauteur des enjeux », résume-t-il. D’autant que le Ségur de la santé « n’a pas tout résolu », a aussi rappelé Rose-May Rousseau, secrétaire générale de l’Usap-CGT, dont le syndicat appelle à une manifestation nationale des professionnels de santé, le 15 octobre.

 

Certes, les dépenses de l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam) ont grimpé en flèche avec l’irruption du Covid-19, entre achats de masques, remboursements de tests, arrêts de travail et soutien au personnel soignant. Le coût de l’épidémie devrait se monter à 15 milliards d’euros. Soit une hausse de l’Ondam de 7,6 % pour cette année, contre 2,45 % dans le PLFSS initial, voté fin 2019. Pour 2021, le gouvernement prévoit une hausse moindre de 3,5 %, avec 4 milliards d’économies attendues sur les dépenses d’assurance-maladie, dont 800 millions sur l’offre de soins. Les vieilles logiques de maîtrise des dépenses sont donc ressorties pour financer les 12,5 milliards d’euros de mesures supplémentaires du Ségur, et tenir les nouvelles trajectoires budgétaires. Ces mêmes principes ont, selon une étude du ministère de la Santé, conduit en 2019 à la fermeture de 3 400 lits d’hospitalisation complète dans les établissements de santé, malgré la mobilisation des personnels soignants.

Inter

Face au choc sanitaire, le déficit des comptes sociaux sera de 44,4 milliards d’euros à la fin de l’année 2020, moins important qu’attendu (52 milliards d’euros). En cause, la récession économique qui a entraîné une perte abyssale des recettes, notamment via les suppressions de postes et le recours massif au chômage partiel qui ont fait fondre les versements de cotisations sociales.

 

Le gouvernement, qui espère un rebond de l’activité, a estimé le déficit de l’an prochain à 27,1 milliards d’euros. En 2010, après la crise financière, par comparaison, celui-ci avait atteint 28 milliards d’euros. « La Sécurité sociale subira de façon pérenne des déficits élevés, sans doute de plus de 20 milliards d’euros ces prochaines années », a prévenu Olivier Dussopt, le ministre délégué chargé des Comptes publics. Se qualifiant de « ministre de l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale », Olivier Véran a promis, de son côté, de ne pas fermer les yeux sur les déficits. Le ministre de la Santé veut « une réflexion sur les mesures nécessaires à une trajectoire de maîtrise des dépenses sociales (…), une fois le pic de la crise surmonté », comprenant aussi les retraites.

 

mardi 29 septembre 2020

Sénat. « Les élus locaux ont le sentiment d’être hors-jeu »


Dimanche, Marie-Claude Varaillas a été élue sénatrice PCF de Dordogne. Rassemblement à gauche, défense des campagnes,… entretien à l’aube de son mandat.

Vous êtes la première femme et la première communiste élue sénatrice en Dordogne depuis 1948. Que dit, cette double première fois du paysage politique dans votre circonscription ?

MARIE-CLAUDE VARAILLAS Je suis en effet la première sous la Ve République, la dernière sénatrice était aussi une communiste, Jeanne Vigier, entre 1946 et 1948. La Dordogne a toujours voté majoritairement à gauche. Ce qui a été aussi historique cette fois, c’est que, pour la première fois, le Parti socialiste et le Parti communiste ont trouvé un accord victorieux pour les sénatoriales (le PS Serge Mérillou a également été élu sénateur – NDLR). L’objectif, maintenant, est de reconduire cette alliance pour garder le département à gauche lors des prochaines échéances.

Uniquement avec le PS ou avec d’autres forces de gauche ?

MARIE-CLAUDE VARAILLAS Nous devons agrandir l’alliance à toutes les forces de gauche qui le veulent. Si les Verts ne s’étaient pas retirés au second tour des sénatoriales, je n’aurais pas été élue par exemple. De toute façon, nous devons avancer ensemble pour préparer une alternative pour les échéances à venir. Y compris pour 2022, cela se joue dès maintenant. On voit bien qu’Emmanuel Macron et Marine Le Pen veulent se retrouver à nouveau l’un en face de l’autre.

Quelles sont les remontées de terrain que vous avez pu recueillir auprès des élus locaux durant la campagne ?

MARIE-CLAUDE VARAILLAS Les réformes successives – sur les grandes régions, les intercommunalités, les transferts de compétence – ont donné le sentiment aux élus locaux d’être hors-jeu. Ils craignent que leurs communes deviennent des coquilles vides. Il y a, dans notre ruralité, un véritable sentiment de relégation et d’abandon. L’État, vertical, vide les campagnes de ses services publics. Cela s’y traduit par une montée du vote extrême ou par l’abstention. Le mouvement des gilets jaunes en était aussi un symbole. En organisant le territoire autour des métropoles, on a fragilisé la ruralité. Près de chez moi, Bordeaux prend entre 20 000 et 30 000 habitants par an. En Dordogne, nous avons un solde naturel négatif qui est à peine compensé par le solde migratoire. Les jeunes partent, du fait de la désertification médicale, du manque d’attractivité.

Quelles sont les priorités de votre mandat ?

MARIE-CLAUDE VARAILLAS Je veux affirmer haut et fort que la décentralisation ne doit pas rimer avec moins d’État sur les territoires. Nous allons être particulièrement attentifs à la fameuse loi « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration). Je me méfie du mot « différenciation ». Notre République doit rester une et indivisible. S’il s’agit de tenir compte de la spécificité des territoires ruraux, oui. Mais il ne faut pas rompre l’égalité entre les citoyens. Nous devons travailler à améliorer l’accès aux services publics et à mieux répartir la dotation globale de financement entre les territoires.

Le Sénat est-il un contre-pouvoir à la politique d’Emmanuel Macron ?

MARIE-CLAUDE VARAILLAS D’abord, les sénateurs contrôlent l’action du gouvernement, on l’a vu avec les commissions parlementaires sur l’affaire Benalla, sur la crise sanitaire… Et nous pouvons faire des propositions de loi. C’est le groupe CRCE qui a proposé l’augmentation de l’aide personnalisée au logement par exemple. Enfin, nous faisons remonter ce qui ne va pas. Je compte bien dénoncer la fracture territoriale qui existe dans notre pays.

 

« Régler les conflits gelés », l’éditorial de Gaël De Santis dans l’Humanité de ce jour


On a beau les appeler conflits gelés, entre deux périodes de calme, ils s’embrasent parfois. Les armes ont parlé, ce dimanche, dans la province séparatiste du Nagorny-Karabakh, disputée par l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Les forces azerbaïdjanaises, qui clament la souveraineté sur cette zone contrôlée par des autorités soutenues par Erevan, ont lancé une offensive qui a déjà fait hier 39 victimes officielles. Déjà, en 2016, des heurts avaient fait des dizaines de morts. Ce conflit provient des conditions de la dissolution de l’Union soviétique : cette zone peuplée majoritairement d’Arméniens s’est trouvée être attribuée à l’Azerbaïdjan.

 

Le problème existe ailleurs : en 2008, la Géorgie a tenté par la force de recouvrer son emprise sur l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie qui souhaitent devenir russes ; la Transnistrie, au cœur de la Moldavie, continue de clamer haut et fort son indépendance, et est gouvernée par un régime séparatiste avec le soutien de Moscou. Même en Ukraine, avec la réintégration de la Crimée à la Russie et les combats à l’est, les frontières sont contestées.

 

Comme beaucoup de chancelleries, l’ONU a appelé à un cessez-le-feu. C’est un début. Mais un début qui pourrait n’être qu’un retour au statu quo. Il y a urgence à trouver une issue négociée à ces conflits. Car, dans un contexte de forte tension entre les États-Unis et la Russie, et maintenant avec l’émergence de puissances moyennes qui, telle la Turquie soutient l’Azerbaïdjan, ces conflits gelés instrumentalisés par Washington et Moscou peuvent dégénérer à tout moment.

 

Les Européens pourraient avoir un rôle pacificateur si, au lieu d’emboîter le pas à Washington, ils faisaient vivre un esprit de dialogue et de coopération dans les relations avec Moscou. Le règlement de ces conflits gelés ne se fera que dans le respect des différents acteurs en présence, sans ingérence, sans élargissement de l’Otan à l’Est, dans le respect des droits de l’homme et du droit à l’autodétermination des peuples.

« Costard », le billet de Maurice Ulrich

 


On est toujours gâtés avec Paris-Match, mais alors cette semaine ! D’abord une belle photo double page du mariage d’Antoine Arnault, fils de son père Bernard. Même les milliardaires ont droit au bonheur. Ensuite, huit pages avec les « confidences intimes » de Carla Bruni – à six cent mille exemplaires –, « qui déclare plus que jamais sa flamme à l’homme qu’elle aime », et évoque des moments rares : « Arriver à Knokke-le-Zoute à l’aube, épuisés et amoureux, ça me plaît follement... » 

 

On en rêve. Mais le vrai plus de l’hebdomadaire là, c’est le grand reportage, étalé sur huit pages aussi, de Bernard-Henri Lévy en Afghanistan. On le voit en photo au milieu de combattants regardant paternellement un jeune homme. C’est le fils du légendaire commandant Massoud qui, « avec son pakol, sa barbe soignée, ses yeux graves et en amande, paraît sa réincarnation ». C’est l’espoir du pays, « le nouveau lion du Panchir ». On ne lui souhaite pas les mêmes résultats qu’en Libye. Sinon, comment BHL a-t-il réussi à ne pas froisser son costard ?

 

Des augmentations budgétaires en trompe-l’œil


Après avoir mobilisé plus de 460 milliards d’euros pour faire face aux urgences en 2020, le gouvernement mise sur son plan de relance (42 milliards l’an prochain) et quelques hausses ciblées.

Que des gagnants, comme à l’École des fans ! Bruno Le Maire avait des airs de Jacques Martin en présentant ce lundi son projet de loi de finances 2021. Mis à part Bercy et les anciens combattants, tous les ministères seraient ravis. Dans les faits, derrière les augmentations se cachent au mieux des rattrapages de coupes antérieures, au pire des promesses jamais tenues.

Écologie Un budget vert pour que tout change, mais rien ne bouge

Pour la première fois, le projet de loi de finances 2021 présente l’impact environnemental de l’ensemble des dépenses budgétaires et fiscales engagées. Pour établir ce décompte « vert », le gouvernement a retenu six critères, telles la lutte contre le réchauffement ou la protection de la biodiversité. Sur les 488,4 milliards d’euros de dépenses passés à ce crible, plus de 90 % sont neutres, n’aggravant pas la situation, mais ne l’améliorant pas non plus. Près de 42,8 milliards d’euros sont décrits comme des dépenses favorables à l’environnement. Dix milliards, à l’inverse, sont jugés défavorables, et 4,7 milliards sont classés « mixtes », cumulant impact positif et négatif. Poudre aux yeux !, estiment en substance les ONG. « Rien sur la baisse des subventions aux énergies fossiles, ni sur la fin des garanties à l’export en faveur des projets gaziers et pétroliers », illustre ainsi le Réseau Action Climat (RAC). Autre écueil, et pas des moindres : « Les entreprises bénéficient d’aides pérennes, sans aucune contrepartie sociale ou écologique. »

Justice Enfin les hausses promises en début du quinquennat

« Ce budget est un budget historique », s’est réjoui le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti à l’annonce par le premier ministre d’une augmentation de 8 % du budget de son ministère. En réalité, la loi de programmation 2018-2022 prévoyait une hausse continue du budget allant de 7 milliards d’euros, en 2018, à 8,3 milliards en 2022. Mais, en 2020, le budget a été baissé de 200 millions par rapport aux 7,7 milliards prévus. Il ne s’agit donc que d’un simple rattrapage.

Intérieur Un budget grevé par la politique migratoire répressive

La mission « sécurités » du ministère de l’Intérieur est bien dotée de 0,2 milliard supplémentaires, auxquels s’ajoute 1 milliard de la mission « relance » pour, là aussi, simplement respecter les annonces présidentielles de 2017 sur le recrutement de 10 000 policiers et gendarmes à l’horizon 2022 : soit 2 000 hommes en 2021. On notera, par ailleurs, les importants moyens qu’entend engager le ministère de Gérald Darmanin dans sa chasse aux immigrés, en prévoyant la création, en 2021, de 1 500 places de dispositifs de préparation au retour (DPAR), qui viennent s’ajouter au 480 places créées en rétention administrative cette année.

Éducation Un coup de pouce pour un grand fourre-tout

Avec une hausse de 1,4 milliard (+ 2,6 %), l’enseignement scolaire est présenté comme l’un des grands gagnants. Cela permet au gouvernement d’affirmer que l’éducation demeure une de ses priorités. Une part importante de ce 1,4 milliard sera toutefois absorbée par l’augmentation naturelle des salaires (environ 400 millions) ; 400 autres millions devraient servir à réaliser la promesse de « revalorisation » des enseignants, dont la forme n’est toujours pas arrêtée et qui pourrait passer en grande partie par des primes ciblées (jeunes profs, directeurs et personnels de direction, éducation prioritaire…). Le reste, aux alentours de 600 millions, devra financer aussi bien l’école inclusive (4 000 postes d’AESH), les dédoublements des grandes sections de maternelle, la limitation à 24 par classe en CP et CE1, le service national universel, le financement des maternelles privées par les communes… Quant à rattraper la vertigineuse perte de pouvoir des enseignants, due au gel du point d’indice depuis 2010… même pas en rêve.

Fonction publique Toujours le marqueur idéologique des baisses d’effectifs

Malgré le rôle d’amortisseur social des services publics, l’enveloppe dédiée à la fonction publique ne connaîtra qu’un très léger frémissement pour 2021, s’élevant à 710 millions d’euros, surtout en faveur de l’Intérieur et de la Justice. Mais le gouvernement poursuit les réductions de postes de fonctionnaires : 157 seront supprimés l’an prochain. Si le chiffre n’a rien à voir avec les coupes claires redoutées initialement (50 000 postes dans la fonction publique d’État), cette baisse est très symbolique en période de crise. Premiers touchés, le ministère de l’Économie (– 2 163 postes), tout comme les effectifs du ministère de la Transition écologique (– 947) et du ministère de l’Agriculture (– 375).

Emploi et formation Hors du plan de relance, toujours des coupes

Dans la série « les perdants du budget », le ministère du Travail va également s’alléger de 496 postes, même si l’enveloppe de 13,24 milliards d’euros allouée à l’emploi et au travail est en très légère hausse par rapport à 2020. L’essentiel du soutien contre la précarité a déjà été détaillé dans le plan de relance : 35 milliards d’euros financeront des mesures de solidarité et de soutien à l’emploi, notamment à destination des jeunes. Le FNE-Formation sera ainsi abondé à hauteur de 1 milliard d’euros, dont 0,6 milliard en 2021, pour des formations aux salariés placés en activité partielle. Pôle emploi devrait quant à lui être doté de 250 millions supplémentaires. Dès septembre 2020, il est prévu de recruter 2150 conseillers (dont 650 afin d’accompagner de manière plus intensive les jeunes). Des emplois pour la plupart en CDD et en nombre insuffisant face à l’ampleur de la crise sociale.

Collectivités Une dotation stable, malgré une crise sanitaire encore en cours

En première ligne de la crise sanitaire, les collectivités territoriales devront affronter, dans le cadre du plan de relance, une baisse de moitié des « impôts de production ». Le gouvernement leur promet une « compensation intégrale et dynamique » de cette baisse en ce qui concerne les régions, et « dynamique et territorialisée » pour les communes et les ECPI. En revanche, la dotation globale de fonctionnement attribuée aux collectivités restera stable pour la quatrième année consécutive, malgré la crise sanitaire qui a diminué leurs recettes et augmenter leurs dépenses.

Marie-Noëlle Bertrand, Olivier Chartrain, Diego Chauvet, Cécile Rousseau et Émilien Urbach

 

Budget. Comment aider les entreprises sans jeter l’argent par les fenêtres


Le gouvernement a dévoilé, ce lundi, son projet de loi de finances 2021 qui intègre le plan de relance. Une fois encore, des milliards vont être accordés aux entreprises sans contrepartie, ce que dénoncent syndicats et partis politiques.

Un « budget de relance », dont le « principe fondateur est de baisser les impôts (…) pour rendre la France attractive ». Ce lundi, lors de la présentation du budget, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a affiché fièrement toute la « cohérence » de sa politique. Il a rappelé que, en trois ans, « les impôts (des ménages et des entreprises – NDLR) ont baissé de 45 milliards d’euros », soit la « plus forte baisse d’impôts engagée en France depuis vingt ans ».  Une prétendue rupture visant à faire de la France « la première économie la plus compétitive », 230 000 emplois supplémentaires en deux ans à la clé.

C’est oublier un peu vite la centaine de milliards d’euros déversés depuis 2013 au titre du crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), sans aucune contrepartie, malgré une promesse du Medef de créer un million d’emplois. Une des « grandes erreurs du quinquennat Hollande », reconnaît désormais Olivier Faure, secrétaire national du Parti socialiste. D’autant que tous les rapports publiés depuis n’ont jamais démontré une quelconque efficacité du dispositif sur l’emploi ou l’investissement des entreprises. « L’échec du crédit d’impôt impose de mettre en place une nouvelle doctrine, en matière d’aides publiques aux entreprises, articulée autour du triptyque suivant : conditions, contrôle, sanctions », notent les parlementaires communistes dans leur projet de relance publié début septembre. 

Malgré les traces laissées par le Cice, le gouvernement persiste et signe. Mais, à l’heure où les lits de réanimation manquent, la pluie de milliards passe de plus en plus mal. D’autant que plusieurs multinationales n’ont pas tardé, malgré l’aide apportée, à sabrer dans l’emploi, à l’image de Renault ou Air France.

Un arsenal législatif défaillant, des contrôles inexistants

Dans son budget 2021, le gouvernement prévoit ainsi de distribuer le tiers de son plan de relance aux entreprises, soit 34 milliards d’euros (dont une baisse de 20 milliards d’euros sur deux ans en impôts de production). Cette manne publique, qui correspond à plus du double du budget « Travail et emploi » de 13,2 milliards d’euros prévu en 2021, est un véritable chèque en blanc aux entreprises.  

« Des aides publiques aux entreprises, il y en a beaucoup, mais elles en font ce qu’elles veulent ! tonne Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. C’est du déjà-­entendu (...) il faut être plus ferme, que ce soit notifié : je vous donne de l’argent, pour combien d’emplois, quels investissements ? Que ce soit un genre d’accord écrit, avec des sanctions, y compris pénales. » Pour tenter de calmer les esprits, Bruno Le Maire a annoncé, lundi matin, un suivi du plan de relance, « transparent et accessible à tous ». Mais pas une ligne n’apparaît dans le projet de loi de finances sur une quelconque « charte des contreparties » évoquée quelques semaines auparavant.

L’opposition a bien l’intention de faire de la conditionnalité des aides aux entreprises un axe central de la bataille. Un premier pavé dans la mare a été lancé au Sénat, début septembre, lorsque le groupe CRCE (Communistes, républicains, citoyens et écologistes) a déposé un amendement afin de priver toute entreprise enregistrée dans un paradis fiscal du bénéfice des aides Covid. Le gouvernement a fait front en réussissant à faire sauter l’amendement et en le remplaçant par une simple lettre d’« intention ». À gauche, tous sont pourtant conscients que les cris d’orfraie et les appels à légiférer ne sont pas suffisants, tant l’impuissance politique face aux multinationales est bel et bien une réalité. Les commissions régionales de contrôle mises en place par les élus communistes dans les régions au début des années 2000 n’ont « pas été très efficaces », reconnaît d’ailleurs le député communiste André Chassaigne. À l’exception de quelques cas se comptant sur les doigts d’une main, les tentatives pour récupérer l’argent reçu par les grandes entreprises ont de nombreuses fois été vaines.

En réalité, tout est fait pour que les sommes versées par les pouvoirs publics aux boîtes échappent à tout contrôle. Sur le terrain, il arrive que des salariés attaquent en justice des grands groupes qui suppriment des postes ou délocalisent après avoir empoché des millions d’euros de subsides (Cice, crédit d’impôt recherche, etc.). Mais ces batailles tournent court, faute d’une législation défaillante : « Jamais une entreprise n’a été condamnée, relève l’avocate spécialisée en droit du travail Marie-Laure Dufresne-Castets. La raison est simple : la loi est muette sur le sujet. Dans le cadre du Cice, par exemple, l’entreprise bénéficie du crédit d’impôt mais n’est tenue à rien en contrepartie. Je ne vois pas comment un syndicat pourrait imposer aux employeurs ce que la loi ne leur impose pas ! »

Investir dans la transition écologique et sociale

Il faut donc renforcer notre arsenal législatif. Pour Emmanuel Dockès, professeur de droit français spécialiste du droit du travail, c’est uniquement une affaire de volonté politique : « Je ne vois pas de difficultés juridiques particulières. La seule question est politique : est-ce que l’on continue d’accorder de l’argent aux entreprises sans vérification, ni contrepartie ? On le voit, les employeurs sont très friands d’aides publiques mais refusent de donner quoi que ce soit en échange qui restreindrait leur pouvoir. » Pourtant, il suffirait de conditionner les aides, continue le spécialiste : « La sagesse commanderait d’abonder des fonds de soutien à l’économie, auxquels les entreprises pourraient postuler. À cette occasion, on négocierait au cas par cas des contreparties à ce soutien, en termes de maintien de l’emploi par exemple. Tout cela peut se faire à différentes échelles, locales ou nationales, et en tenant compte de la situation économique des entreprises. »

Outre l’écriture de textes de loi et le ciblage particulier des PME ou TPE, une des réponses consiste à intervenir en amont. Il faudrait « flécher les investissements, les aides publiques » vers la transition écologique et sociale, notamment « en donnant aux salariés un droit de veto, un droit d’intervention sur les modalités d’utilisation des aides publiques », indiquait le député communiste Sébastien Jumel lors de l’université d’été du PCF. Avec l’obligation que toute aide publique soit conditionnée à l’interdiction des plans sociaux et des licenciements boursiers, donc au maintien de l’emploi.

Cela implique « une tout autre démocratie sociale dans l’entreprise », souligne Marie-­Claire Cailleteau, élue pour la CGT au Conseil économique, social et environnemental, en charge des questions industrielles. « Car, il ne suffit pas seulement que les élus du personnel disposent de l’information, comme cela avait été le cas pour le Cice, mais il faut qu’ils donnent également leur avis sur la stratégie de l’entreprise, le projet d’investissement, le type de production, les anticipations à venir et le montant de l’aide prévue. À défaut, les aides aux entreprises ne seront qu’un puits sans fond, de l’arge nt public gaspillé. »

En ce qui concerne les multinationales, les parlementaires communistes vont plus loin. « Pour les plus grandes entreprises, les aides doivent être conditionnées à la mise en place d’une stratégie bas carbone, ainsi qu’à la publication d’un reporting pays par pays des activités de l’entreprise permettant de mettre en évidence son exemplarité fiscale », mentionne leur projet de relance.

« Le temps est à l’action (...) pour montrer qu’un autre choix de société est à l’ordre du jour », affirmait Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, à la Fête de l’Humanité Autrement.  

 

Clotilde Mathieu

lundi 28 septembre 2020

« Retard », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité de ce jour !


Si Olivier Véran est allé, vendredi, à Marseille, ce n’est pas juste pour tenter de rassurer les élus et de calmer des restaurateurs au bord de l’explosion de colère et parfois de la désobéissance civile organisée. Quelques assurances leur ont été données en termes d’indemnisation pour un relatif apaisement. Mais on peut retenir que l’épisode, sans doute pas terminé, témoigne d’un raté démocratique entre pouvoir et élus comme d’une difficulté grandissante d’une partie de la population et de certaines professions à accepter des mesures qui semblent, à certains égards, erratiques. On ferme bars et restaurants, mais des usagers continuent à s’entasser dans les transports en commun, etc. On desserre ici et on boulonne là…

 

Le ministre de la Santé a annoncé le déblocage de 15 millions d’euros en avance de trésorerie pour l’AP-HM (Assistance publique-Hôpitaux de Marseille) et de 2 millions pour l’amélioration des services de soins intensifs. On peut déjà se demander si c’est suffisant pour éviter une saturation conduisant au tri des malades, que redoutent en première ligne des hospitaliers sous tension. Surtout, alors que la situation s’aggrave désormais dans la plupart des grandes métropoles, Olivier Véran va-t-il courir de l’une à l’autre, carnet de chèques en main, comme pour colmater les fuites d’une outre trop pleine et qui craque de partout ?

 

En réalité, ce déblocage financier à la hâte ne fait que démontrer que le gouvernement semble avoir toujours, comme pour les masques, comme pour les tests, un temps de retard sur le virus et qu’il n’a pas pris la véritable mesure de ce qu’il fallait entreprendre – « quoi qu’il en coûte » – pour que le système hospitalier soit à la hauteur. À peine le coup de tabac du printemps semblait-il passé que l’on reparlait de suppressions de lits, ou tout au moins de revenir au niveau antérieur. Nul ne prétend que la gestion d’une telle crise soit aisée, quand bien même certains de nos voisins, comme l’Allemagne et même désormais, l’Italie, s’en sortent mieux, mais force est de constater qu’il est peut-être trop tard pour que puisse être évitée une nouvelle étape dramatique.


« Le sexe de Dieu », le billet de Maurice Ulrich !

 


« On est tous baptisés, on est tous frères et sœurs », dit Claire, qui voudrait devenir diacre et revendique avec un collectif nommé Toutes apôtres d’accéder dans l’Église aux mêmes postes et fonctions que les hommes. Elles sont colonel de réserve, psychothérapeute, théologienne, traductrice… Dans un manifeste, elles mettent en cause « la mise sous silence des femmes par l’Église pendant des siècles » et en appellent à « un acte salutaire de désobéissance à la doxa ecclésiale ».

 

Pour Christiane, qui voudrait devenir curé, « dans les sociétés occidentales, l’égalité homme femme a progressé. Il n’y a plus que l’Église qui résiste ». Elle place son espérance dans le pape François, « un homme ouvert qui écoute », mais leur demande d’audience auprès de l’ambassadeur du Vatican à Paris est pour l’heure sans réponse.

 

Toutes et tous baptisés mais, si l’on peut dire, certaines moins que d’autres. La conduite des âmes comme la conduite automobile dans certains pays reste une affaire d’hommes. Mais au fait, quel est le sexe de Dieu ?

 

 

Éducation. « Nous exigeons des actes, pas de la compassion ! »

 


Olivier Chartrain

Un an après le suicide de la directrice d’école, le collectif Christine Renon organisait, samedi, une marche pour ne pas oublier et défendre le service public d’éducation en Seine-Saint-Denis.

 

Manteau noir, cheveux attachés dont le vent agite quelques boucles folles autour de son visage masqué, Laurence n’est pas très grande, ni très costaude. Mais elle s’accroche à sa pancarte, qui paraît énorme. Dans le vent qui balaie les rues de Pantin (Seine-saint-Denis), samedi après-midi, on se demande presque laquelle tient l’autre. Sur la planche de bois, la dernière phrase de Christine Renon, dans la lettre qu’elle avait laissée derrière elle, ajoute son poids symbolique : « Je ne pensais pas que ce travail que j’ai tant aimé pourrait m’amener à ça. »

 

« Christine était une amie », raconte Laurence, qui enseigne à Paris. « J’ai débuté avec elle. C’était quelqu’un de passionné, tellement engagée dans son métier. Elle ne comptait pas ses heures. Et surtout, c’était quelqu’un de drôle. Elle aimait la vie. » Pour elle, pas de doute : le suicide de la directrice de l’école Méhul, sur son lieu de travail, le 21 septembre 2019, et sa lettre signée « Christine Renon, directrice épuisée », constituent « un acte politique. Mais, aujourd’hui, rien n’a changé. L’école n’est pas une priorité pour nos dirigeants ». C’est cet acte qui a conduit le collectif Christine Renon à appeler à cette « marche contre l’oubli, pour la jeunesse et l’éducation » du 26 septembre.

 

Insuffisance des moyens humains et matériels

Pour le collectif, qui regroupe parents, enseignants et tous les citoyens qui le souhaitent, Mathilde explique qu’il ne s’agit pas de « refaire la même chose qu’il y a un an. Bien sûr, nous continuons à interpeller sur les responsabilités de l’éducation nationale dans le suicide de Christine, mais nous voulons poser la question de l’école dans le département ». Ainsi, au souvenir de Christine Renon, se sont ajoutés ceux de Kewi Yikilmaz et Djadje Traoré, 15 et 19 ans, deux élèves du lycée d’Alembert d’Aubervilliers assassinés l’an dernier. Violence, insuffisance des moyens humains et matériels, misère des services publics… sont dénoncés par le collectif. Écharpe tricolore en bandoulière, Stéphane Peu, député PCF de Seine-Saint-Denis, abonde : « Nous sommes le département avec le plus fort taux de morts dus au Covid, celui aussi où le phénomène de rupture scolaire a été l’un des plus forts pendant le confinement. Mais quand le ministre Blanquer annonce au printemps qu’il va créer 2 500 postes de plus pour la rentrée, il n’y en a aucun pour la Seine-Saint-Denis ! »

 

« Il faut améliorer les conditions d’apprentissage des enfants dans tout le pays et surtout en Seine-Saint-Denis », explique Daniel, son fils sur les épaules. Ce dernier, scolarisé à Méhul, a eu quatre maîtresses l’an dernier. Son père évoque le « choc collectif » et la « déflagration » ressentis après le suicide de la directrice, et cette institution, l’éducation nationale, qui « a fait le minimum » pour aider et soutenir la communauté de cette école traumatisée. Or « cette année, c’est la catastrophe intégrale, avec le Covid en plus. Trois semaines après la rentrée il n’y a déjà plus de remplaçants disponibles ». Pour Daniel, participer à cette manifestation, c’est « faire en sorte que le geste de Christine se transforme en geste collectif, que l’alerte soit enfin entendue ».

 

Dans le cortège qui enfle à vue d’œil à mesure qu’il remonte les rues de la ville, Marie-Hélène Plard juge que « l’école ne tient que par l’implication des enseignants et des directeurs ». Cosecrétaire départementale du Snuipp-FSU (premier syndicat du primaire), elle-même directrice, elle reconnaît qu’après le suicide de Christine Renon, « il y a eu une période où le ministère a dû faire plus attention. Mais, en mars, tout a volé en éclats. Et la fameuse “rentrée normale” a d’abord signifié que les directeurs ont eu les mêmes sollicitations qu’avant, mais avec la gestion du Covid en plus ». La syndicaliste estime que, chez les directeurs, « l’épuisement est total, il y a même de l’écœurement maintenant. Nous sommes tellement submergés par le travail administratif que nous n’avons plus le temps de nous poser pour réfléchir à l’accueil des enfants qui ont dû traverser le confinement. La profession est fatiguée et en colère. Plus personne ne veut être directeur. À la veille de la rentrée, il y avait encore des directions non pourvues, ce qui n’arrive jamais ».

 

Sandrine, elle, était à son poste à la rentrée. Mais, après dix-huit ans de direction à Pantin, bientôt elle n’y sera plus. « Je vais partir à la Toussaint pour un poste de “faisant fonction” de principale adjointe dans un collège proche, en attendant de passer le concours au printemps », explique-t-elle avant d’ajouter : « C’est l’institution qui fait que j’ai envie de changer. Rien n’a bougé depuis l’an dernier. C’est la solitude de la direction qui me pèse. Dans le secondaire, on travaille en équipe, les missions sont réparties… » Puis, comme une ombre : « Peut-être que je me berce d’illusions. Je ne sais pas… »

 

Lorsque le cortège arrive dans la cour de l’école Méhul, il compte plusieurs centaines de personnes. Sur le perron de l’école, Pénélope, du collectif, conclut : « Les écoles, les collèges, les lycées sont les maillons d’une chaîne de services publics qu’il faut restaurer. Nous exigeons un égal accès à une éducation de qualité. Nous exigeons des actes, pas de la compassion ! » 

Les risques psychosociaux dans l’angle mort

Secrétaire général du Syndicat national des personnels d’inspection (SNPI-FSU) chargés d’encadrer et d’aider les enseignants, Paul Devin dénonce l’absence de prise en compte des risques psychosociaux dans l’éducation nationale : « On dit qu’il faut les prendre en compte, mais c’est de l’incantation, du marketing. Le changement culturel de l’encadrement n’a pas commencé. On considère toujours que quelqu’un qui a des difficultés dans son travail n’est pas à la hauteur. Or ces risques sont une dimension essentielle du travail. Dans le travail, il y a ce qui motive, mais aussi ce qui épuise. »

 

La femme du jour. Annick Berthier



Une présidente pour Emmaüs

Elle s’est déclarée « un peu fière d’être la première femme à la tête d’Emmaüs » auprès de la Croix. Annick Berthier a été élue présidente de l’association le 24 septembre, succédant à Hubert Trapet. Depuis sa création en 1949, le mouvement n’avait été présidé que par des hommes, bien que la résistante et secrétaire de l’abbé Pierre, Lucie Coutaz, soit considérée comme sa cofondatrice. Vice-présidente depuis 2016, âgée de 72 ans, Annick Berthier a fait toute sa carrière dans le social, dirigeant plusieurs centres à Chalon-sur-Saône (Saône-et-Loire). « Quand j’ai pris ma retraite, à 65 ans, je ne voulais pas rester sur mon canapé à regarder la télé », raconte-t-elle à nos confrères. Elle a franchi la porte d’Emmaüs, qui prône l’accueil inconditionnel, aide les plus démunis et leur propose d’aider à leur tour, et n’en est plus repartie. Très engagée pour que tout être humain soit traité en tant que tel, elle cite en exemple Emmaüs Roya, fondée par Cédric Herrou, et rappelle que les compagnons d’Emmaüs sont pour beaucoup des étrangers sans titre de séjour aujourd’hui.

 

Aurélien Soucheyre

 

Conseil municipal du 24 septembre : "Voeu adopté par le Conseil municipal du jeudi 24 septembre

 


Réunis en séance du 24 septembre 2020, les élu.e. s de la ville de Romainville réitèrent avec force leur demande de mettre à disposition de l’hôpital CHI A. Grégoire à Montreuil, les moyens nécessaires et pérennes pour prendre en charge décemment les patients et dans le respect des conditions de travail des personnels.

Après la grave crise sanitaire que nous avons vécue, et toujours là, nous déplorons qu’aucun engagement à ce jour n’ait été pris par les autorités sanitaires pour s’attaquer vraiment aux inégalités cumulées dans notre département et qui ont fait payer un lourd tribut à la population et aux salarié.e.s , notamment les soignant.e.s. Sans la conscience professionnelle et l’esprit d’initiative de celles et ceux-ci, en coopération avec les autres hôpitaux du 93 et les centres de santé, le bilan aurait été plus terrible.

Nous ne voulons plus revivre une telle situation qui ne doit rien à la fatalité !

Ce sont bien les politiques de baisse continue des moyens pour la santé de nos concitoyen-ne-s, et particulièrement pour les hôpitaux publics qui ont cruellement amoindri les chances de faire face dans de bonnes conditions à cette pandémie mondiale

La situation était connue et faisait l’objet d’un mouvement social sans précédent dans les hôpitaux. L’offre de soins publique dans notre département est notoirement insuffisante pour faire faire face aux besoins d’une population touchée par un cumul d’inégalités

Le 16 juin, à l’appel du Comité de défense du CHI A. Grégoire des centaines de citoyen.ne. s se sont rassemblé.e.s aux côtés des salarié.e.s de l’hôpital pour exiger des moyens, des emplois, un plan d’urgence pour la santé en Seine Saint Denis.

Comme nous pouvions le penser, les conclusions du Ségur de la Santé initié par le gouvernement, ne sont que des demi-mesures, des réponses en trompe-l’œil qui n’ont pas obtenu le consensus de la communauté hospitalière en lutte depuis de nombreux mois. Un personnel en nombre suffisant, bien payé et formé, des lits ouverts pour toutes les pathologies sont les conditions indispensables pour que la population du bassin de vie soit correctement accueillie et prise en charge à l’hôpital A. Grégoire, en toute légalité républicaine.

Afin d’obtenir les moyens pérennes pour préserver et développer notre hôpital public, dans ses missions de proximité et d’accueil généralisé, les élu-e-s de la ville de Romainville S’engagent, aux côtés du Comité de Défense du CHI A. Grégoire, pour informer, mobiliser la population, et être enfin entendus par les autorités sanitaires.

jeudi 24 septembre 2020

Paradigme(s) le bloc-notes de Jean-Emmanuel Ducoin !


«L’après» est devant nous, très loin…

 

Doutes. Souvenons-nous, c’était il y a six mois. Tout occupés que nous étions collectivement à franchir tant bien que mal la période de confinement, des milliers de discours fleurissaient, déjà, sur «l’après», ce qui adviendrait à la suite de la «crise», ou plus exactement comment il conviendrait de gérer les «catastrophes» provoquées par les circonstances. «Après la crise, plus rien ne sera comme avant», lisions-nous sous les plumes acérées de grands penseurs sur le retour. «Après la crise, nous disait-on, il sera nécessaire de revenir aux fondamentaux.» On convoquait «le vivre ensemble en société», l’indispensable redéfinition «de la nation», de «sa souveraineté», du rôle «de la politique», bref, toutes ces supposées valeurs perdues en cours de route. Plus impressionnant, on nous affirmait même que le «quoi qu’il en coûte» de Mac Macron changerait tous les paradigmes en vigueur depuis des décennies. Enfin, au moment où l’on annonçait l’effondrement-Covid du PIB, sachant qu’il faudrait une génération au moins pour s’en remettre, on oubliait surtout d’expliquer que, en capitalisme, ledit effondrement vaut effondrement de l’emploi et que ce désastre programmé s’abattrait sur une société rongée de précarité, d’angoisse matérielle et de doutes quasi anthropologiques. Résumons: nous n’avons encore rien vu…

 

 

Modèle. Convenons que la question du «comment se gouverne l’imaginaire des hommes?» est aussi importante que celle du «comment répandre de fausses espérances?», d’autant que la première croise assez souvent la seconde. En l’espèce, les puissants d’en haut, tout machiavéliques qu’ils soient, savent la même chose que nous: les secousses à venir vont être terribles. Non seulement cela va très mal se passer, mais n’excluons pas le risque que cela finisse très mal par ailleurs. La furie de la précarité menace de se propager dans une intensité rare. La furie de la précarité: la furie du capitalisme. Argument facile et schématique, certes. Mais la gestion de la crise épidémique et économique continue de révéler de si lourdes failles et faiblesses que la nation tombe progressivement de son piédestal. Ce que les Français ont appris, en plus de la crise systémique du modèle libéral, tient en deux mots: désillusion, déclin. D’un coup, nos concitoyens ont pris conscience de l’extrême vulnérabilité de notre système de fonctionnement collectif. Nous vivions sans aucune anticipation stratégique. Exemple le plus criant, notre système de santé, supposé être l’un des meilleurs du monde. Un autre élément fut également décisif pour la conscience française: la mesure du délabrement de l’État et, plus largement, de notre système de décision politique, complètement désarticulé. Ce fut un choc, une blessure narcissique profonde. Comme le réveil d’un somnambule.

 

 

Rebours. L’ampleur de la révélation est telle qu’il ne serait pas inutile de marteler une autre vérité plus fondamentale. Tout dans cette crise accuse le capitalisme au cœur, le néolibéralisme et toutes les politiques conduites depuis si longtemps qu’il est inutile d’en dater la genèse. Car nous ne sommes pas dans «l’après», sauf, bien sûr, à considérer que l’après tant rêvé est déjà là et se poursuit comme avant, mais en pire. Une sorte de «continuité», mue par son implacable logique destructrice. En creux, forcément, se dessine une perspective à rebours de ce que nous vivons. Il suffit de se rappeler qu’il n’y a pas de solution ni de repos possible dans le système capitaliste actuel. L’instabilité de la globalisation néolibérale ne charrie que l’incertitude instituée. «L’après» est devant nous, très loin…