Après avoir mobilisé plus de 460 milliards d’euros pour faire face aux urgences en 2020, le gouvernement mise sur son plan de relance (42 milliards l’an prochain) et quelques hausses ciblées.
Que des gagnants, comme à l’École
des fans ! Bruno Le Maire avait des airs de Jacques Martin en
présentant ce lundi son projet de loi de finances 2021. Mis à part Bercy et les
anciens combattants, tous les ministères seraient ravis. Dans les faits,
derrière les augmentations se cachent au mieux des rattrapages de coupes
antérieures, au pire des promesses jamais tenues.
Écologie Un budget vert pour que tout change, mais rien ne bouge
Pour la première fois, le projet de loi de
finances 2021 présente l’impact environnemental de l’ensemble des dépenses
budgétaires et fiscales engagées. Pour établir ce décompte « vert », le
gouvernement a retenu six critères, telles la lutte contre le réchauffement ou
la protection de la biodiversité. Sur les 488,4 milliards d’euros de
dépenses passés à ce crible, plus de 90 % sont neutres, n’aggravant pas la
situation, mais ne l’améliorant pas non plus. Près de 42,8 milliards
d’euros sont décrits comme des dépenses favorables à l’environnement. Dix milliards,
à l’inverse, sont jugés défavorables, et 4,7 milliards sont classés « mixtes », cumulant
impact positif et négatif. Poudre aux yeux !, estiment en substance les
ONG. « Rien sur la baisse des subventions aux énergies fossiles, ni sur
la fin des garanties à l’export en faveur des projets gaziers et pétroliers », illustre
ainsi le Réseau Action Climat (RAC). Autre écueil, et pas des moindres : « Les
entreprises bénéficient d’aides pérennes, sans aucune contrepartie sociale ou
écologique. »
Justice Enfin les hausses promises en début du quinquennat
« Ce budget est un budget historique
», s’est réjoui le garde des Sceaux, Éric
Dupond-Moretti à l’annonce par le premier ministre d’une augmentation de
8 % du budget de son ministère. En réalité, la loi de programmation 2018-2022
prévoyait une hausse continue du budget allant de 7 milliards d’euros, en
2018, à 8,3 milliards en 2022. Mais, en 2020, le budget a été baissé de
200 millions par rapport aux 7,7 milliards prévus. Il ne s’agit donc
que d’un simple rattrapage.
Intérieur Un budget grevé par la politique migratoire répressive
La mission « sécurités » du ministère de
l’Intérieur est bien dotée de 0,2 milliard supplémentaires, auxquels
s’ajoute 1 milliard de la mission « relance » pour, là aussi, simplement
respecter les annonces présidentielles de 2017 sur le recrutement de
10 000 policiers et gendarmes à l’horizon 2022 : soit 2 000 hommes en
2021. On notera, par ailleurs, les importants moyens qu’entend engager le
ministère de Gérald Darmanin dans sa chasse aux immigrés, en prévoyant la
création, en 2021, de 1 500 places de dispositifs de préparation au retour
(DPAR), qui viennent s’ajouter au 480 places créées en rétention
administrative cette année.
Éducation Un coup de pouce pour un grand fourre-tout
Avec une hausse de 1,4 milliard
(+ 2,6 %), l’enseignement scolaire est présenté comme l’un des grands
gagnants. Cela permet au gouvernement d’affirmer que l’éducation demeure une de
ses priorités. Une part importante de ce 1,4 milliard sera toutefois absorbée
par l’augmentation naturelle des salaires (environ 400 millions) ; 400
autres millions devraient servir à réaliser la promesse de « revalorisation » des
enseignants, dont la forme n’est toujours pas arrêtée et qui pourrait passer en
grande partie par des primes ciblées (jeunes profs, directeurs et personnels de
direction, éducation prioritaire…). Le reste, aux alentours de
600 millions, devra financer aussi bien l’école inclusive
(4 000 postes d’AESH), les dédoublements des grandes sections de
maternelle, la limitation à 24 par classe en CP et CE1, le service national
universel, le financement des maternelles privées par les communes… Quant à
rattraper la vertigineuse perte de pouvoir des enseignants, due au gel du point
d’indice depuis 2010… même pas en rêve.
Fonction publique Toujours le marqueur idéologique des baisses d’effectifs
Malgré le rôle d’amortisseur social des
services publics, l’enveloppe dédiée à la fonction publique ne connaîtra qu’un
très léger frémissement pour 2021, s’élevant à 710 millions d’euros, surtout
en faveur de l’Intérieur et de la Justice. Mais le gouvernement poursuit les
réductions de postes de fonctionnaires : 157 seront supprimés l’an
prochain. Si le chiffre n’a rien à voir avec les coupes claires redoutées
initialement (50 000 postes dans la fonction publique d’État), cette
baisse est très symbolique en période de crise. Premiers touchés, le ministère
de l’Économie (– 2 163 postes), tout comme les effectifs du ministère de
la Transition écologique (– 947) et du ministère de l’Agriculture (– 375).
Emploi et formation Hors du plan de relance, toujours des coupes
Dans la série « les perdants du budget »,
le ministère du Travail va également s’alléger de 496 postes, même si
l’enveloppe de 13,24 milliards d’euros allouée à l’emploi et au travail est
en très légère hausse par rapport à 2020. L’essentiel du soutien contre la
précarité a déjà été détaillé dans le plan de relance : 35 milliards
d’euros financeront des mesures de solidarité et de soutien à l’emploi,
notamment à destination des jeunes. Le FNE-Formation sera ainsi abondé à
hauteur de 1 milliard d’euros, dont 0,6 milliard en 2021, pour des
formations aux salariés placés en activité partielle. Pôle emploi devrait quant
à lui être doté de 250 millions supplémentaires. Dès septembre 2020, il est
prévu de recruter 2150 conseillers (dont 650 afin d’accompagner de manière
plus intensive les jeunes). Des emplois pour la plupart en CDD et en nombre
insuffisant face à l’ampleur de la crise sociale.
Collectivités Une dotation stable, malgré une crise sanitaire encore en
cours
En première ligne de la crise sanitaire,
les collectivités territoriales devront affronter, dans le cadre du plan de
relance, une baisse de moitié des « impôts de production ». Le
gouvernement leur promet une « compensation intégrale et dynamique » de
cette baisse en ce qui concerne les régions, et « dynamique et
territorialisée » pour les communes et les ECPI. En revanche, la
dotation globale de fonctionnement attribuée aux collectivités restera stable
pour la quatrième année consécutive, malgré la crise sanitaire qui a diminué
leurs recettes et augmenter leurs dépenses.
Marie-Noëlle Bertrand, Olivier Chartrain, Diego
Chauvet, Cécile Rousseau et Émilien Urbach
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