L’ex commissaire européen et ex-ministre
socialiste, Pierre Moscovici, a été choisi par l’Élysée pour remplacer Didier
Migaud à la tête de l’institution de la rue de Cambon.
L’Élysée l’a confirmée, c’est bien Pierre Moscovici, qui héritera mercredi
prochain de la présidence de la Cour des comptes. Un poste laissé vacant depuis
la nomination en janvier dernier de Didier Migaud à la tête de la Haute
autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En charge de
contrôler l’utilisation des fonds publics, l’institution s’est fait une
spécialité de recommander toujours plus d’austérité budgétaire. Un rôle de
père la rigueur taillé sur mesure pour l’ancien commissaire européen.
Depuis son départ de la LCR en 1984, sous l’impulsion de celui qui
deviendra son mentor, Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici s’est fait le
chantre d’une sociale démocratie, version libérale. En 2005, il est l’un des
plus fervents soutiens du traité constitutionnel européen, rejeté par
référendum par les Français, puis de son héritier – le traité de Lisbonne
- imposé par Nicolas Sarkozy en 2007. C’est encore lui qui, comme
ministre de l’Économie et des Finances de Jean-Marc Ayrault, a défendu la
ratification du traité budgétaire européen (TSCG) et sa règle d’or que le président
d’alors, François Hollande, s’était pourtant engagé à renégocier. « Il ne faut
pas se tromper de combat : ni l’Europe ni le TSCG ne sont la source de nos
maux, c’est la dette que nous devons combattre », argumente, en septembre 2012,
un Pierre Moscovici qui préparera par la suite le pacte de responsabilité et le
Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), livrant 20 milliards par an
aux entreprises sans contrepartie. Celui qui avait également été ministre des
Affaires européennes du gouvernement Jospin, entre 1997 et 2002, n’a pas non
plus été avare pour justifier le virage hollandais vis-à-vis de la finance.
Celle-ci « joue un rôle crucial pour le développement de l’économie réelle,
sans laquelle nos entreprises ne peuvent croître, pas plus qu’un champ de cultures
ne peut croître sans eau », argue-t-il en 2013. Rien d’étonnant donc au
choix d’Emmanuel Macron qui l’avait suivi de peu à Bercy en 2014.
Des propos peu amènes à l’égard du président, rapporté par Le Monde,
auraient mis de la friture sur la ligne. L’ex ministre a ainsi qualifié le
macronisme de mouvement « populiste mainstream », désigné son chef comme une
« personnalité extrêmement spéciale », et considéré que son entourage est d’une
« extraordinaire médiocrité ». Pour autant, sa mission de commissaire européen
aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’Union douanière,
qui a pris fin le 30 novembre 2019, a démontré qu’en matière d’orientation
politique, le chef de l’État et le futur nouveau président de la Cour des
comptes demeurent sur la même longueur d’onde. À l’automne dernier, lors de la
présentation des prévisions économiques de la Commission européenne, le second demande
encore « davantage d’efforts structurels et de réduction de déficit »,
permettant du même coup au premier de justifier de ses arbitrages. Sans compter
que l’évasion fiscale n’a qu’à bien se tenir, puisque, après les scandales des
Panama Papers et des Paradise papers, lorsque l’UE dresse sa « liste noire » en
2017, le commissaire européen s’évertue à affirmer qu’il « n’y a pas
de paradis fiscal à l’intérieur de l’Union européenne ».
« Nous avons des
relations de très bonne qualité (avec Emmanuel Macron) », a confirmé samedi à
l’AFP Pierre Moscovici, ajoutant pour faire bonne mesure : « Mais le critère
qui doit prévaloir pour la présidence de la Cour des comptes, c’est
l’indépendance. » L’ex-député du Doubs ne manque pas d’ambition pour
l’institution qu’il veut « ouverte » et avec « une dimension européenne ».
Surtout, il voudrait voir son rôle élargi : « La cour doit être une institution
de contrôle, c’est son rôle, elle doit aussi être de plus en plus une
institution d’évaluation. Je crois qu’elle peut être un conseil des finances,
des politiques publiques extrêmement utile à la fois à l’exécutif et au
Parlement ». Il assure également que « le métier de la Cour c’est la qualité de
la dépense publique, son efficacité » et que « plus que jamais dans cette
période post-Covid dans laquelle nous entrons ce sera un métier utile ». Reste
à savoir s’il tirera les conséquences de la catastrophe engendrée à l’hôpital,
notamment, par les dogmes dont il s’est fait le défenseur toutes ces dernières
années.