dimanche 31 mai 2020

UN CHANTRE DE LA RIGUEUR À LA TÊTE DE LA COUR DES COMPTES (JULIA HAMLAOUI)



L’ex commissaire européen et ex-ministre socialiste, Pierre Moscovici, a été choisi par l’Élysée pour remplacer Didier Migaud à la tête de l’institution de la rue de Cambon.
L’Élysée l’a confirmée, c’est bien Pierre Moscovici, qui héritera mercredi prochain de la présidence de la Cour des comptes. Un poste laissé vacant depuis la nomination en janvier dernier de Didier Migaud à la tête de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). En charge de contrôler l’utilisation des fonds publics, l’institution s’est fait une spécialité de recommander toujours plus d’austérité budgétaire. Un rôle de père la rigueur taillé sur mesure pour l’ancien commissaire européen.

Depuis son départ de la LCR en 1984, sous l’impulsion de celui qui deviendra son mentor, Dominique Strauss-Kahn, Pierre Moscovici s’est fait le chantre d’une sociale démocratie, version libérale. En 2005, il est l’un des plus fervents soutiens du traité constitutionnel européen, rejeté par référendum par les Français, puis de son héritier – le traité de Lisbonne - imposé par Nicolas Sarkozy en 2007. C’est encore lui qui, comme ministre de l’Économie et des Finances de Jean-Marc Ayrault, a défendu la ratification du traité budgétaire européen (TSCG) et sa règle d’or que le président d’alors, François Hollande, s’était pourtant engagé à renégocier. « Il ne faut pas se tromper de combat : ni l’Europe ni le TSCG ne sont la source de nos maux, c’est la dette que nous devons combattre », argumente, en septembre 2012, un Pierre Moscovici qui préparera par la suite le pacte de responsabilité et le Crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), livrant 20 milliards par an aux entreprises sans contrepartie. Celui qui avait également été ministre des Affaires européennes du gouvernement Jospin, entre 1997 et 2002, n’a pas non plus été avare pour justifier le virage hollandais vis-à-vis de la finance. Celle-ci « joue un rôle crucial pour le développement de l’économie réelle, sans laquelle nos entreprises ne peuvent croître, pas plus qu’un champ de cultures ne peut croître sans eau », argue-t-il en 2013. Rien d’étonnant donc au choix d’Emmanuel Macron qui l’avait suivi de peu à Bercy en 2014.

Des propos peu amènes à l’égard du président, rapporté par Le Monde, auraient mis de la friture sur la ligne. L’ex ministre a ainsi qualifié le macronisme de mouvement « populiste mainstream », désigné son chef comme une « personnalité extrêmement spéciale », et considéré que son entourage est d’une « extraordinaire médiocrité ». Pour autant, sa mission de commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, à la fiscalité et à l’Union douanière, qui a pris fin le 30 novembre 2019, a démontré qu’en matière d’orientation politique, le chef de l’État et le futur nouveau président de la Cour des comptes demeurent sur la même longueur d’onde. À l’automne dernier, lors de la présentation des prévisions économiques de la Commission européenne, le second demande encore « davantage d’efforts structurels et de réduction de déficit », permettant du même coup au premier de justifier de ses arbitrages. Sans compter que l’évasion fiscale n’a qu’à bien se tenir, puisque, après les scandales des Panama Papers et des Paradise papers, lorsque l’UE dresse sa « liste noire » en 2017, le commissaire européen s’évertue à affirmer qu’il «  n’y a pas de paradis fiscal à l’intérieur de l’Union européenne ».

« Nous avons des relations de très bonne qualité (avec Emmanuel Macron) », a confirmé samedi à l’AFP Pierre Moscovici, ajoutant pour faire bonne mesure : « Mais le critère qui doit prévaloir pour la présidence de la Cour des comptes, c’est l’indépendance. » L’ex-député du Doubs ne manque pas d’ambition pour l’institution qu’il veut « ouverte » et avec « une dimension européenne ». Surtout, il voudrait voir son rôle élargi : « La cour doit être une institution de contrôle, c’est son rôle, elle doit aussi être de plus en plus une institution d’évaluation. Je crois qu’elle peut être un conseil des finances, des politiques publiques extrêmement utile à la fois à l’exécutif et au Parlement ». Il assure également que « le métier de la Cour c’est la qualité de la dépense publique, son efficacité » et que « plus que jamais dans cette période post-Covid dans laquelle nous entrons ce sera un métier utile ». Reste à savoir s’il tirera les conséquences de la catastrophe engendrée à l’hôpital, notamment, par les dogmes dont il s’est fait le défenseur toutes ces dernières années.

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