lundi 31 janvier 2022

« Cause commune », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Toni Morrison était, en 1993, la première auteure afro-américaine à recevoir le prix Nobel de littérature. Dans son pays, les États-Unis, une école du Kansas et une de Virginie ont décidé d’interdire ses livres, et l’un des membres du comité scolaire de cette dernière a dit: «Je pense que nous devrions les je ter au feu.» Une école du Tennessee a interdit la ­célèbre et glaçante BD d’Art Spiegelman Maus, sur les camps de concentration, prix Pulitzer en 1992. Des décisions extrêmes jusqu’à l’absurde prises par des extrémistes. Oui, mais elles sont la part ­visible d’une lame de fond réactionnaire. États-Unis, Brésil, Pologne… Les trois pays que nous évoquons dans nos colonnes ne ferment pas la liste.

Dans nombre de pays, dont le nôtre, les ­extrêmes droites qui se disent décomplexées se veulent à l’offensive. Il s’agit de réécrire l’histoire en interdisant toute relecture critique du colonialisme, de l’esclavage, de la domination masculine, des discriminations de tous ordres, aussi bien que de l’exploitation capitaliste en dénonçant «le marxisme culturel». Quon ne sy trompe pas en effet. La nouvelle donne idéologique quil sagit dimposer est aussi une arme contre le progrès social, l’émancipation des opprimées et des opprimés. Face à ces régressions, luttes sociétales et lutte des classes ne s’opposent pas.

En France, on sait ce qu’il en est avec les deux extrêmes droites actuellement en concurrence, quand bien même Madame Le Pen tente de se rendre présentable. Ce n’est pas tout. C’est avec l’appui d’un milliardaire et patron de presse que le produit Zemmour a été lancé, bénéficiant d’une évidente complaisance de nombre de médias et la caution d’intellectuels. Au-delà, les charges de la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal, contre le prétendu ­islamo-gauchisme dans les universités, la participation de Jean-Michel Blanquer à un récent colloque consacré à la ­dénonciation du «wokisme», des ­recherches de genre ou décoloniales ne peuvent que nous alerter. La gauche, quelles que soient aujourd’hui ses divergences et la concurrence en son sein, a la responsabilité historique de faire là-dessus cause commune.

 

« La famille », le billet de Maurice Ulrich



Quel week-end! Avec la famille. Oh non, pas la nôtre. Dabord la nièce qui ne dit rien mais quon a vue des dizaines de fois replacer sa mèche, blonde, évidemment, sur son front. Puis la tante qui na pas caché à quel point elle était blessée, presque au bord des larmes, «cest brutal, cest violent, cest difficile». Et, bien sûr, on nous a parlé du père et grand-père qui voudrait les voir toutes les deux. Celui que des confrères nommaient le Menhir avec ce qui ressemblait à une pointe d’admiration. Maintenant, c’est le patriarche. On croirait que le délinquant multicondamné pour révisionnisme, racisme, etc. est devenu un vieux sage. Bref, Marion Maréchal pourrait rejoindre Z, autre délinquant récidiviste, ce qui a tenu en haleine les radios et les chaînes d’information pendant plus de trois jours. Elles étaient dans le salon, la salle à manger, la cuisine. On en avait marre, on avait envie de crier «on est chez nous». La famille Le Pen, ça fait quarante ans quelle nous emm…

 

vendredi 28 janvier 2022

« Bruits de bottes et jeu de dupes », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



L’Europe n’est pas condamnée à compter les points, alors que se noue à ses portes, à la frontière russo-ukrainienne, un nouveau conflit. Les menaces, les coups de menton doivent cesser car les conséquences du scénario à l’œuvre sont lourdes de dangers. La France, qui préside l’Union européenne, doit peser de tout son poids, en jouant la carte de la désescalade auprès des principaux acteurs du conflit – la Russie, l’Ukraine, les États-Unis et l’Otan. Les bruits de bottes doivent cesser. Le jeu de dupes aussi.

L’origine de la crise ne peut être imputée aux seules visées impériales de Vladimir Poutine, dont la politique est largement critiquable. L’Alliance atlantique ne peut justifier le déploiement d’une armada au prétexte que le président russe a massé 100 000 soldats à sa frontière. Elle agite le spectre d’une intervention militaire « imminente », en montrant elle aussi les muscles, mais se dédouane de sa responsabilité. L’élément déclencheur de cette poussée de tensions est la possible intégration de Kiev en son sein. On rappellera ici l’accord tacite qui était censé prévaloir au lendemain de la dislocation de l’URSS, à savoir le non-­élargissement de l’Otan aux pays proches de la Russie. Or, depuis 1999, l’organisme n’a cessé d’accroître son influence, en recrutant dans ses rangs les pays Baltes, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie. Soyons sérieux, la sécurité en Europe ne peut reposer sur une organisation inféodée aux États-Unis et dont l’essence même est de faire la guerre.

La Chine, pourtant jusqu’alors discrète sur le dossier, alors même qu’elle est dans le viseur de Washington, a prié la Maison-Blanche de répondre favorablement à la demande du Kremlin de mettre fin à l’élargissement de l’Otan et de revenir à ses déploiements aux frontières de 1997. Fin de non-recevoir. La suite n’est pourtant pas écrite. Après Paris, les pourparlers entre Kiev et Moscou se poursuivront à Berlin. La France a une carte de choix entre ses mains, si elle s’extrait du giron mortifère de l’Alliance, qui se pose en gendarme du monde.

 

L’augmentation des salaires fait vibrer le pavé.

 


Mobilisations Plus de 150 000 salariés et retraités ont défilé, jeudi, au cours de 170 rassemblements, à l’appel de la CGT, FO, la FSU, Solidaires et des organisations de jeunesse. Un temps fort social pour placer la revendication d’une hausse générale des rémunérations au cœur de la campagne.

 

Sur la place de la Bastille, les ballons géants aux couleurs des syndicats ont poussé comme des champignons. À deux pas de la Seine, les manifestants se dissimulent au travers de centaines de drapeaux brandis au vent. À l’appel de la CGT, de FO, de la FSU, de Solidaires et des organisations de jeunesse, des milliers de personnes se sont donné rendez-vous sur l’emblématique place parisienne, avant de s’élancer, en cortège resserré, vers le ministère de l’Économie à Bercy. Ce grand rendez-vous national (plus de 170 rassemblements étaient prévus à travers le pays) a ramené la question des salaires au cœur des préoccupations de la campagne présidentielle, avec l’assentiment de 80 % des Français qui soutiennent l’appel à mobilisation des syndicats pour une augmentation générale et immédiate des salaires, selon un sondage de l’Ifop pour l’Humanité (lire notre édition de jeudi).

« Trop de personnes ont à peine de quoi se loger, tout juste de quoi se chauffer, malgré le travail accompli ou parce qu’elles n’ont plus d’emploi ou qu’elles sont retraitées », relève Yves Veyrier, secrétaire général de Force ouvrière. Alors que la précarité s’est étendue et que l’inflation galopante bride le reste à vivre des Français, le gouvernement a fait le choix de laisser l’argent ruisseler sur les fortunés au mépris des rémunérations de l’ensemble des salariés et des services publics, notent les organisateurs. « On dit aux soignants de l’hôpital public et aux professeurs de l’enseignement national qu’il n’y a pas de sous pour augmenter les salaires et pour embaucher, mais Bernard Arnaud a entassé 104 milliards d’euros, c’est deux fois le budget de l’éducation nationale ! » fustige Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT.

« Aujourd’hui, on réclame une véritable reconnaissance »

Devant les marches de l’Opéra Bastille, sur un bout de carton, un homme arbore ironiquement l’inscription  : « Je ne gagne pas assez pour me payer une belle pancarte. » Dans la foule compacte, les manifestants et les nombreux salariés en lutte semblent illustrer à merveille le sombre constat dressé par les syndicats. Une couverture de survie dorée sur le dos, comme le symbole de l’urgence dans laquelle elle se trouve, Malika Rahmani peine à dissimuler sa colère. L’accompagnante d’élève en situation de handicap (AESH) dans des établissements scolaires à Romainville, en Seine-Saint-Denis, ne gagne que 864 euros par mois après six années d’ancienneté. « J’ai un contrat de 24 heures qui m’a été imposé et j’enchaîne les contrats courts. Aujourd’hui, on réclame une véritable reconnaissance, ce qui passe par un statut et un salaire décent ! » lance-t-elle. Quelques pas plus loin, veston floqué Fnac sur le dos, Jordan Rodrigues se désole : « Les seules fois où on entend parler des salaires en ce moment, c’est pour nous dire qu’on gagne déjà bien assez. Ça me donne presque l’impression que mes espoirs de gagner mieux ma vie sont vulgaires », dénonce le jeune libraire parisien. « Pourtant, mon salaire a déjà été rattrapé par l’augmentation automatique du Smic en janvier », poursuit le salarié, mobilisé depuis le 8 décembre.

Pour résoudre durablement la question de la précarité, les organisations syndicales organisatrices de la manifestation ne manquent toutefois pas de propositions. « On est pour que le Smic soit à 1 700 euros net, que ce soit 400 euros de plus pour tout le monde directement. Mais on veut aussi qu’il n’y ait aucun salaire qui soit cinq fois supérieur au salaire minimum ! » lance Simon Duteil, codélégué général de Solidaires. « À la CGT, nous demandons le Smic à 2 000 euros. Et quand le Smic augmente, tous les minima de branche doivent aussi être augmentés automatiquement, on ne veut pas attendre de devoir négocier avec les patrons pour être mieux payés », surenchérit Philippe Martinez devant une nuée de drapeaux. Si les syndicats espèrent que le gouvernement répondra à cet appel du pied avant la fin du mandat d’Emmanuel Macron, leurs propositions devraient en tout cas nourrir les idées des quelques candidats à l’élection présidentielles présents lors de la manifestation parisienne, comme Fabien Roussel, Jean-Luc Mélenchon et Yannick Jadot.

Bien que la mobilisation de ce jeudi ait été une réussite, les organisations syndicales ne comptent pas en rester là. Dès ce vendredi, elles sont à nouveau réunies pour décider ensemble des suites à donner à la grève. En plus de manifestations sectorielles, des rendez-vous sont d’ores et déjà prévus le 8 mars, à l’occasion de la Journée des droits des femmes, et le 24 mars, pour défendre les droits des retraités. De quoi rappeler quelles sont leurs priorités sociales, à moins d’un mois du premier tour de l’élection.

 

« Dopage », le billet de Maurice Ulrich.

 


« Dopés à la dépense publique, gavés de pensée magique économique dès les bancs du lycée, les Français ne sont pas prêts à entendre la vérité. » Eh bien, dans son éditorial du Point, Franz-Olivier Giesbert va la dire ! « Le déni et la somnolence ne devraient plus être de rigueur. Mais l’heure est toujours aux pharisiens qui, depuis l’Antiquité, s’échinent à nous faire prendre des ­vessies pour des lanternes, ressemblant d’après la Bible à des sépulcres blanchis qui sont beaux au-dehors et au-dedans sont pleins d’ossements de morts et de toutes espèces d’impuretés. » C’est clair. Et cela au détriment des grands sujets. Ainsi, dit-il, comment a-t-on pu ­reprocher à Jean-Michel Blanquer de télétravailler depuis Ibiza ? Mais son combat pour la vérité va plus loin quand il nous recommande un livre sur Louis XVI, « un homme lettré, réformateur et social qui n’était pas celui que l’on croyait ». Ce n’est pas lui qui fut arrêté à Varennes alors qu’il rejoignait l’étranger. Il est dopé à quoi Franz-Olivier Giesbert ?

 

jeudi 27 janvier 2022

« Les salaires, nerf de la guerre », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



Quel aveuglement! Il aura fallu une enquête dopinion pour que le pouvoir macroniste découvre la lune: la première priorité des Français, cest de savoir comment ils vont boucler leurs fins de mois. Voilà le scoop qui vient bousculer les salles de rédaction des grands médias, s’affolant des «mesures dépensières» du gouvernement en faveur du «pouvoir dachat». Cet affreux concept, qui permet à un ministre de l’Éducation de raconter que les allocations de rentrée scolaire servent «à acheter des écrans plats», masque l’enjeu fondamental de toute politique: la répartition des richesses au cœur des conditions de vie, ou de survie, de lhumanité.

C’est précisément cet enjeu que veut esquiver le président-candidat avec ses «chèques» électoralistes distribués ici où là pour étouffer la colère, pansements sur une jambe de bois, pour ne surtout pas sattaquer aux profits, ni à laugmentation des salaires. Cest pourtant le mot dordre de la journée de grève interprofessionnelle d’aujourd’hui: augmentation du Smic, des pensions et des minima sociaux, revalorisation des salaires dans le privé comme dans le public. L’Élysée pourra découvrir dans nos colonnes combien lidée simpose dans la société française: selon notre sondage, 80 % des Français estiment justifiées les revendications des syndicats qui appellent à la grève. Et l’idée s’impose partout en Europe. L’Espagne devrait augmenter le salaire minimum de 3,6 % cette année, le Royaume-Uni de 7 % au printemps et l’Allemagne, de 25 % en octobre prochain. Aux oubliettes, et tant mieux, l’argument de la sacro-sainte « compétitivité » des travailleurs pour justifier de tirer les salaires vers le bas.

Ce changement de cap majeur de politique économique chez certains de nos voisins européens ouvre une brèche intéressante. Seul Emmanuel Macron demeure fidèle à ces vieilles lunes néolibérales et continue d’expliquer qu’avec lui, «le travail paie mieux». Pourtant, une étude de lInstitut des politiques publiques démontre que le 1 % des plus riches ont vu leur niveau de vie augmenter sous son quinquennat, quand les 5 % les plus modestes en sont les grands perdants. Encore des chiffres posés sur une réalité que le président des riches ne veut pas voir.

Seul Emmanuel Macron demeure fidèle à ces vieilles lunes néolibérales et continue d’expliquer qu’avec lui, «le travail paie mieux».

              

« Arrêtons-nous », la chronique de Maurice Ulrich



C’est ce qu’on appelle un fait divers. Il y a une semaine, un homme âgé a été retrouvé en hypothermie vers 5h30 du matin dans le centre de Paris, rue de Turbigo. Il est mort peu après. On a su quil était sorti de chez lui la veille, vers 21h30, pour une promenade, avant de faire un malaise. Il est resté neuf heures sur le trottoir. On voit, de plus en plus, dans Paris, des familles entières dans les rues, des hommes ou des femmes effondrés dans des recoins, des jeunes tant bien que mal empaquetés dans des couvertures de fortune. On a su que le mort de la rue de Turbigo était un photographe connu, René Robert. On lui doit de belles images de danseuses et danseurs de flamenco. Un de ses amis, le journaliste Michel Mompontet, a dit: «Est-ce que je suis sûr à 100 % que je me serais arrêté? Nous détournons le regard. Alors, même si nous sommes pressés, quand un homme est couché sur le trottoir, arrêtons-nous un instant.»

 

mercredi 26 janvier 2022

« Ça se passe en Europe », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Alors que le Pentagone faisait monter la tension dans la crise ukrainienne en décidant de placer 8 500 hommes en état d’alerte, prêts à se déployer en Europe avec l’Otan, Joe Biden, dans la soirée de lundi, s’employait à resserrer les rangs de ses vassaux, entendons par là les principaux dirigeants de l’Europe. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, le président du Conseil européen, Charles Michel, le chancelier allemand, Olaf Scholz, le président polonais, Andrzej Duda, le premier ministre britannique, Boris Johnson et le président français, Emmanuel Macron. Le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, était également des conversations.

Hier, mardi, les forces armées russes lançaient à proximité de l’Ukraine et de la Crimée de nouvelles manœuvres.À ce jeu où chacun entend montrer ses muscles, le pire est toujours possible. Un conflit armé serait catastrophique et les pays européens qui poussent les feux, comme le font la Pologne ou la Grande-Bretagne, ne semblent pas le mesurer. Sans même en arriver à ce stade, les conséquences économiques et géostratégiques de cette tension peuvent être très lourdes pour les peuples.

Il ne fait aucun doute que la Russie de Poutine fait monter les enchères à sa frontière avec l’Ukraine. Ce n’est pas une raison pour en ignorer les raisons. En une vingtaine d’années, la République tchèque, la Hongrie, la Pologne, les pays baltes, la Roumanie, la Macédoine du Nord et d’autres ont rejoint l’Otan. L’Ukraine, depuis la « révolution orange » de 2004-2005, voudrait le faire. Pour les États-Unis, il s’agit bien, dans leur stratégie de superpuissance et de rivalité avec la Chine, de tenir la Russie en respect, en la pressant à ses frontières. Il y a quelques jours, Emmanuel Macron et Ursula von der Leyen souhaitaient une réunion de toutes les parties prenantes. L’Europe a été tenue à l’écart des discussions entre les négociateurs russes et américains, pour être au total appelée à se ranger aux positions des États-Unis et à la stratégie de l’Otan. Cela ne peut pas durer quand c’est sur son sol que cela se joue.

 

« Pudeur », le billet de Maurice Ulrich.



L’argent, ceux qui n’en ont pas en parlent. Ça ne se fait pas d’en parler à ceux qui en ont, beaucoup. On ne dit pas à un hyper-milliardaire : « Dis donc, mon cochon, tu t’es bien gavé. » Il n’était que le duc de Saint-Simon pour user de tels mots dans ses Mémoires. Non, on parle de talent en affaires, de rêves et de grands projets pour l’humanité. Ainsi, Albert Bourla, le PDG de Pfizer, sur une page d’interview dans la presse économique, évoquait-il, il y a quelques jours, « l’immense responsabilité » du groupe, comme son vécu de la crise : « Comme tout le monde, j’ai souffert de l’isolement. J’ai trouvé le réconfort dans les moments passés en famille. » Un graphique indique quand même que Pfizer a doublé son chiffre d’affaires, avec 308 milliards de capitalisation boursière. On se demande bien à qui ça a profité ? Ou plutôt, le journal ne le demande pas. Comme il ne demande pas non plus pourquoi les brevets n’ont pas été levés pour vacciner le monde au plus vite. Par pudeur, sans doute.

 

lundi 24 janvier 2022

« Projet de société », l’éditorial de Jean-Emmanuel Ducoin dans l’Humanité

 


Les hasards du calendrier s’avèrent parfois facétieux, sinon taquins. Ainsi donc, ce lundi 24 janvier, à la même heure, deux hommes donnaient une conférence de presse. D’un côté, le candidat communiste Fabien Roussel exposait les grandes lignes de son programme. D’un autre côté, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, détaillait les propositions du patronat pour la présidentielle. Vous l’avez compris : le choc des idées. Et, bien au-delà, deux projets de société absolument frontaux. Deux visions du monde, en quelque sorte.

Salaires, emploi, retraites, fiscalité, temps de travail, aides aux entreprises, rôle de l’État, etc. Les sujets de débat et de discorde ne manquent pas, au moment où se profile une séquence électorale décisive pour l’avenir du pays. Nous connaissons le dilemme. Est-il possible, oui ou non, de rompre avec le libéralisme politique et économique par lequel toute visée de développement authentiquement humaniste se confronte à la sauvagerie de l’argent, des profits et de la haute finance du capitalisme globalisé. Avec la droite et son extrême, sans oublier Emmanuel Macron bien sûr, le système n’a rien à craindre. Ce qu’ils nomment tous « réformes » ne sont rien d’autre que la continuation de la contre-révolution néolibérale qui atomise le monde du travail et continue de creuser les inégalités.

Soyons clairs : l’ambition programmatique des « jours heureux » n’est pas un rêve désincarné. Les propositions, concrètes, disent « quelque chose » de l’ampleur de la tâche en tant qu’exigence de gauche. Le Smic à 1 500 euros net ; 500 000 emplois en plus dans les services publics ; un revenu étudiant à partir de 850 euros ; la nationalisation d’EDF ; le triplement de l’ISF. Les exemples foisonnent et participent désormais du débat public – avec d’autres –, sachant que les Français placent largement en tête de leurs préoccupations la crise sociale et le pouvoir d’achat, comme en témoigne un sondage Ipsos pour France Inter.

Un petit rappel, comme pour s’en inspirer. Le geste que posèrent les révolutionnaires de 1946 en créant le régime général consistait à socialiser une part importante de la valeur dans un régime unique qu’ils gérèrent eux-mêmes pour produire une autre valeur que la valeur capitalistique. Au XXIe siècle, l’enjeu se situe au moins au même niveau !