« La démocratie, c’est ce qu’il reste de la République quand la
lumière s’éteint », assure le philosophe Régis Debray. À quatre mois d’une échéance
électorale décisive, nous continuons d’observer le corps social en parodie, à
l’agonie, qui insiste et s’acharne à nous inquiéter. Le tertre piétiné de la
citoyenneté est là, sous nos yeux, et nous ne savons ce qu’il adviendra de la
présidentielle, sans parler des législatives, deux rendez-vous hantés par le
pire des spectres : celui de l’abstention.
Les derniers scrutins ont sonné l’alarme. La désertion des urnes lors des
régionales et des départementales, en juin, a atteint un record historique sous
la Ve République (hors référendum). L’abstention reste le premier
« parti » de France, singulièrement dans les classes populaires et chez les
jeunes, lesquels ont boudé à 90 %… Depuis, impossible de ne pas échapper à
un débat, une tribune, des enquêtes et des chiffres annonciateurs de
catastrophes. Des taux de participation aussi faibles et récurrents laissent à
penser que notre démocratie – très malade – bascule peu à peu dans ce
que nous pourrions nommer une « République de l’abstention », aux conséquences
désastreuses.
Abstention, piège à cons ! Car ne pas voter, à l’évidence, signifie soit
nourrir le système libéral, soit créditer les extrêmes droites qui profitent du
confusionnisme ambiant et de la crise des institutions, littéralement à bout de
souffle. La monarchie républicaine a non seulement organisé l’irresponsabilité
des dirigeants en leur octroyant le pouvoir suprême de mettre en péril nos
biens communs, mais elle a également écarté les citoyens du processus de
décision politique. La confiance semble rompue, expliquant en grande partie
l’accélération du désenchantement du bulletin de vote au risque d’un
séparatisme civique de grande ampleur.
Rien n’est pourtant
écrit, ni fatal. À condition de retrouver le chemin du développement
démocratique – une VIe République – à partir des réelles
préoccupations des Français et des valeurs collectives de justice et
d’émancipation. Les penseurs progressistes, les syndicats et les forces de
gauche prônant les Jours heureux ont un énorme rôle à jouer pour éviter le
pire, alors qu’un dispositif politique pensé en haut lieu est mis en place pour
sauver le capitalisme financier et empêcher toute alternative de transformation
sociale.
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