mardi 3 août 2021

« Désinformation », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



En prétendant répondre lui-même « directement » aux Français par le biais des réseaux sociaux, Emmanuel Macron se pose en champion de la lutte contre le Covid-19, face à une population supposée réticente à la vaccination. Il s’agit en fait d’une diversion, destinée à lui permettre de faire campagne en vue de sa réélection. Toutes les enquêtes montrent que la grande majorité des Français est bien disposée à l’idée de se faire vacciner. Le ressort principal du mouvement qui se développe depuis plusieurs semaines est autre : il se cristallise sur le passe sanitaire et la logique de citoyenneté à deux vitesses qu’il instaure. En d’autres termes, c’est le président de la République qui, par sa gestion de la crise, porte la responsabilité d’avoir introduit un sujet de division potentielle des Français, sur lequel une mouvance « antivax » très minoritaire se greffe pour donner de l’écho à sa campagne de désinformation.

Face à cette entreprise, tout appelle à la discussion large et pluraliste des arguments pour dissiper les fausses nouvelles, comme s’y emploie aujourd’hui l’Humanité. Au lieu de cela, l’autoritarisme qui se cache derrière la prétendue omniscience présidentielle est le carburant idéal du complotisme et de la confusion des idées. Le discrédit du chef de l’État auprès des « antivax » est tel que, même s’il énonce des évidences, celles-ci seront immédiatement réinterprétées comme la preuve de la manipulation qu’ils dénoncent.

Dans ces conditions, la parole d’Emmanuel Macron ne convaincra que ceux qui ne demandaient qu’à l’être. Mais elle risque, à l’inverse, de renforcer cette frange irrémédiablement hostile au vaccin, au détriment de l’opposition démocratique et progressiste au passe sanitaire. Au final, c’est l’extrême droite, très active dans la rue ces derniers temps, qui pourrait en tirer profit, dans son duel ainsi remis en scène avec Emmanuel Macron. Si c’est un calcul de la part du locataire de l’Élysée, il est exécrable. Et irresponsable, à moins de neuf mois de la présidentielle.

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