L'avocate, infatigable militante féministe
et anticoloniale, est morte à l'âge de 93 ans. "Elle s'est éteinte
dans la sérénité, à Paris", a déclaré l'un de ses trois fils,
Emmanuel Faux, estimant que sa mère avait eu "une belle vie".
Issue d'une famille modeste, Gisèle Halimi
est née le 27 juillet 1927 à La Goulette en Tunisie. Avocate engagée, elle
se fait notamment connaître lors du procès
emblématique de Bobigny, en 1972, où elle défend une mineure jugée
pour avoir avorté suite à un viol. Elle obtient la relaxe de la jeune
femme et parvient à mobiliser l'opinion, ouvrant la voie à la dépénalisation de
l'avortement, début 1975, avec la loi Veil.
Fondatrice en 1971 avec Jean-Paul Sartre
et Simone de Beauvoir de l'association pour le droit à l'avortement
"Choisir la cause des femmes", elle est la même année l'une des
signataires du célèbre manifeste des 343 femmes disant publiquement avoir
avorté. Gisèle Halimi défendît inlassablement le droit à l'IVG, s’alarmant
du nombre de fermetures de centres IVG. « Les libertés des femmes
– et singulièrement celle du choix de leurs maternités – ne sauraient être
fonction de plans de restructuration ou d’économies budgétaires. Elles restent
prioritaires », s'indignait l'avocate. "Personne ne dit
qu’il ne faut plus pratiquer d’IVG, mais on ferme les centres, on diminue les
crédits et on s’attaque donc à la liberté chèrement arrachée. Car une liberté
sans moyens est une liberté morte. L’avortement est plus qu’un droit, c’est une
liberté existentielle en quelque sorte. C’est choisir de donner la vie,
autrement on est esclave".
Militante anticolonialiste, "je ne
veux pas me taire" affirmait-elle à l'Humanité, à propos de la Palestine et
du sort de Gaza. Dans une tribune à l'Humanité en 2010, celle
qui fut membre du collectif d'avocats de Marwan Barghouti, rappelait
: «J’ai participé au premier tribunal Russell, celui que présidait Jean-Paul
Sartre sur les crimes américains au Vietnam. Je me souviens du jour où le grand
Bertrand Russell nous a convoqués à Londres et a dit : « Maintenant, cela
suffit avec le crime de silence. » J’espère que cette fois aussi nous
réussirons à briser le silence". Quant à la solution ? "Quand
on est là-bas, elle est une évidence : mettez fin à l'occupation israélienne,
et l'aurore se lèvera. Si les troupes se retirent, les voix de la paix se
feront entendre" expliquait-elle à l'Humanité en
2002.
Gisèle Halimi fut de tous les combats
émancipateurs, répondant régulièrement présente, comme quand l'Humanité lança
en 2006 un appel pour la jeunesse. « Les jeunes ne s'intéressent plus à
un système dont le seul ressort est le profit. Ils sont généreux dans une
société qui incite au chacun pour soi. Ils se veulent solidaires, alors qu'on
ne cherche qu'à les marginaliser. Leur révolte est quelquefois utopique mais
elle leur fait honneur. Elle fait honneur à tous ceux qui n'ont pas trahi leur
jeunesse. Les condamner, c'est vouloir les casser». En lui remettant en
2010 les insignes de commandeur de l'ordre national du mérite, le généticien
Axel Kahn déclarait ainsi "c’est qu’elle est rayonnante,
impressionnante, cette femme (...) Seul le combat permet d’exister
quand on est fille, quand on est femme, quand on est humain".
Élue députée de l'Isère (apparentée PS) en
1981, elle poursuit son combat à l'Assemblée, cette fois-ci pour le
remboursement de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), finalement voté
en 1982. Avant de prendre ses distances avec le Parti socialiste après son
élection à l'Assemblée. Elle intervient notamment pour l’abolition de la
peine de mort, contre la prolifération des centrales nucléaires, contre les
"mères porteuses" et dépose une dizaine de propositions de loi
en faveur des femmes (congé parental, quota électoral, dépénalisation de
l'homosexualité, remboursement de l’IVG...). Elle est élue Présidente du Groupe
Interparlementaire contre le Racisme et le Sexisme.
En mars 1984, elle est chargée par le
Premier Ministre d’une mission d’étude sur le fonctionnement des Organisations
Internationales et, notamment, de l’UNESCO.
En 1998, elle fait partie de l'équipe qui
crée Attac (Association pour la taxation des transactions financières et pour
l'action citoyenne).
Parallèlement à sa carrière d'avocate,
elle a mené une carrière d'écrivain. Parmi sa quinzaine de titres, figurent
"Djamila Boupacha" (1962), du nom d'une militante emblématique du
FLN, et une oeuvre plus intimiste comme "Fritna", sur sa peu aimante
mère (1999), "pratiquante juive totalement ignorante".
Mère de trois garçons, dont Serge Halimi,
directeur de la rédaction du Monde diplomatique, elle a confié qu'elle aurait
aimé avoir une fille pour "mettre à l'épreuve" son engagement
féministe. "J'aurais voulu savoir si, en l'élevant, j'allais me conformer
exactement à ce que j'avais revendiqué, à la fois pour moi et pour toutes les
femmes", a-t-elle dit au Monde en 2011.
Dans l'une de ses
dernières interview accordée, au journal Le Monde en septembre 2019, Gisèle Halimi
s'étonnait encore que "les injustices faites aux femmes ne suscitent pas
une révolte générale".
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