C’est le pari cynique du gouvernement : que la
pression sur le pouvoir d’achat et la dégradation du rapport de forces dans les
entreprises empêchent un maximum de salariés de faire grève contre sa réforme
des retraites. Il est vrai que l’inflation et quarante années de recul des
droits dans les lieux de travail sont des atouts majeurs pour un exécutif
incapable de convaincre sur le fond. Ces salariés, pris entre volonté et
nécessité, sont des petits salaires qui ne peuvent se permettre de réduire leur
paye, ne serait-ce que de quelques dizaines d’euros. Ce sont des couples
touchés par le chômage, qui restent très nombreux, contrairement aux chiffres
enjôleurs du gouvernement.
Ce sont aussi des travailleurs éloignés de tout
collectif syndical et pour lesquels la grève n’est pas (encore) un moyen
envisageable de se faire entendre. Les grèves essaiment mais restent loin du
potentiel mécontentement dans le pays. En effet, 72 % des Français sont
favorables à une poursuite du mouvement. La question est donc : combien
sont prêts à y
participer activement et comment le leur permettre ? Les
syndicats ont décidé de tenter de contourner l’obstacle en appelant à une journée de mobilisation le week-end.
Aider une large part de citoyens qui refusent cette
régression sociale à l’exprimer massivement est le premier enjeu de ce samedi.
L’autre est que l’élargissement de la participation amène également un plus
grand nombre de salariés à rejoindre d’autres modes d’action. Car, aussi
nombreux soient-ils samedi, il y a fort à parier que cela ne suffise pas à
faire reculer l’exécutif. Tout aura été fait pendant des semaines par les
syndicats et la gauche pour gagner la bataille de l’opinion et rendre
l’expression populaire visible. Reste l’étape suivante : faire
comprendre au gouvernement qu’il a plus à perdre à maintenir son projet qu’à le retirer. Pour cela, la grève reste le
meilleur moyen de faire entendre raison au plus sourd des pouvoirs. Elle se
construit pas à pas et ce ne sera pas cette fois, comme en 1995, « par
procuration ». Le slogan d’alors garde,
lui, toute son actualité : « Tous ensemble. »
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