Et si Mac Macron avait déjà perdu la partie? La question peut paraître saugrenue, sauf qu’elle se pose désormais. Et la réponse s’y trouve, en quelque sorte. Souvenons-nous que le prince-président, dans son livre-programme au titre ronflant, Révolution, entendait tout changer en politique et qu’il incarnait à lui seul, au moins par sa jeunesse, cette ambition. Il voulait dynamiser les pratiques, responsabiliser, échanger, jusqu’à octroyer du pouvoir au terrain. Six ans plus tard, malgré sa réélection (dont nous connaissons les circonstances), le bilan s’avère catastrophique et mortifère pour la politique elle-même. Sa volonté de passer en force sur les retraites en est le symbole le plus ultime. Certes, l’Histoire pourrait lui donner raison, comme le rappelait cette semaine le chroniqueur politique Thomas Legrand: «Il existe encore dans la Macronie ce petit fantasme sarkozien selon lequel une réforme passée, malgré plus d’un million de manifestants à chaque défilé, serait une preuve de courage et de ténacité politiques.» N’oublions pas, en effet, que le seul échec des libéraux reste la victoire des cheminots contre la mise en cause de leur régime de retraite par Juppé en 1995, sachant que Nicoléon allait imposer la même réforme en 2008. Depuis trente-cinq ans, toutes les «réformes» entreprises ont ainsi été réalisées, sauf celle de 2019, barrée par le Covid et le confinement.
2023 ne ressemble en rien au passé, fût-il récent, et
quelque chose dans l’air nous laisse à penser que la marge de manœuvre de Mac
Macron est si réduite qu’aucun des scénarios possibles ne pourrait lui
convenir. Primo : la loi est votée, en échange de «compensations». Mais
franchement, face à la colère populaire et à l’ampleur du rejet des mesures
phares (64 ans et allongement de la durée de cotisation), nous ne voyons pas
quels «gestes» pourraient être assez crédibles pour éteindre le feu sous la
marmite. Secundo : Mac Macron et sa première sinistre poussent au coup de force
parlementaire jusqu’au bout, le texte est adopté d’une manière ou d’une autre,
avec les conséquences sociales que nous connaissons. À l’évidence, ce choix
laisserait une telle impression de mépris que ce serait, sans nul doute, l’un
des derniers actes du pourrissement généralisé de notre démocratie.
L’hypothèse n’a rien d’impossible. Sauf à s’étonner d’entendre la cheffe du
gouvernement marteler que le report de l’âge de départ à 64 ans «n’est plus
négociable» ou son ministre de l’Intérieur ironiser sur cette société «sans
travail» et sans «effort» que prônerait une gauche composée de «bobos»
cherchant à «bordéliser» le pays. Bonjour le niveau, alors que Mac Macron
s’était promis-juré d’inscrire cette réforme dans son bilan, quitte à donner
l’impression d’avoir raison seul contre tous, lui détenant le savoir (sic), et
l’ultramajorité des autres n’ayant pas la capacité de comprendre la démarche…
Mais pour le bloc-noteur, il reste évidemment un
tertio dans ces scénarios: le retrait du texte, ni plus ni moins, après une
mobilisation grandissante et durable. Une victoire du peuple, en somme, qui
pourrait même intervenir après le vote de la loi. Un précédent existe: le CPE,
adopté au Parlement en 2006, mais jamais appliqué sur décision de l’exécutif en
raison des fortes manifestations. Dans ce cas de figure, une formidable crise
politique succéderait à cette défaite du prince-président, accusé d’avoir
inutilement créé le chaos tout en pulvérisant sa majorité (relative). Dès lors,
le second et dernier quinquennat serait lui aussi mort-né, et nous aurions au
Palais – souhaitons-le – un astre mort, incapable de gérer les affaires
courantes. Une question se pose: peut-il seulement prendre ce risque? Et s’il
le prend, ne serait-il pas conduit à dissoudre l’Assemblée nationale, voire
carrément à démissionner? Beaucoup de rumeurs circulent ces jours-ci dans les
coulisses du pouvoir. Un conseiller d’État nous disait en début de semaine:
«C’était déjà vrai avant, mais là il va trop loin en voulant réformer contre le
peuple. Il est pris à revers et quoi qu’il se passe, il perd…»
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