mercredi 1 février 2023

« La goutte de trop », l’éditorial e Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Ce 31 janvier signe un nouvel éclatant succès populaire contre la retraite à 64 ans, mais, parmi le flot ininterrompu des manifestants, c’est la levée en masse des villes moyennes qui inquiète le plus le gouvernement. Cette France qui avait enfilé le gilet jaune sur les ronds-points, en 2018-2019, vient gonfler, à la surprise générale, le mouvement montant contre le projet de l’exécutif. Le 19 janvier n’était pas un feu de paille: comme il y a deux semaines, forces syndicales et forces de police convergent excusez du peu pour mesurer, chacune selon leur échelle, une affluence exceptionnelle dans les préfectures et les sous-préfectures.

Mende, Alès, Angoulême, Montargis, Blois, Périgueux, La Roche-sur-Yon… Ce n’est pas seulement une certaine «France profonde» qui remue, dordinaire éclipsée des gros titres par le bourdonnement économique des métropoles. Cest aussi la France des employés et des précaires, chassés des grands centres urbains devenus inaccessibles financièrement, qui retrouve le chemin des cortèges des organisations ouvrières. Prolétariat des villes et prolétariat des campagnes réunis dans un même refus du «travailler plus pour travailler vieux»: cette fusion que les gilets jaunes avaient échoué à réaliser, il y a quatre ans, le gouvernement en a fourni l’étincelle, comme il a réussi lexploit de fédérer contre lui la totalité du mouvement syndical.

Au fond, ce n’est rien d’autre que le pire cauchemar d’Emmanuel Macron qui est en train de se matérialiser. Il est grand temps de retirer le projet de loi si l’Élysée et Matignon veulent éviter une explosion sociale bien plus forte. Car la levée en masse des petites villes plonge ses racines bien au-delà de la réforme des retraites, dans l’abandon dans lequel sont laissées leurs populations privées de services publics, d’industrie, de loisirs et de revenus décents depuis trop longtemps. La retraite à 64 ans est la goutte de trop, après les sacrifices du Covid, le mépris pour les gilets jaunes et l’inflation qui ronge la vie quotidienne. À bon entendeur…

 

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