INSTITUTIONS. «Penser
sans peur», disait Descartes ; «vivre pour la vérité», ajoutait Spinoza. Tout
républicain digne de ce nom, qui tient à l’universel de sa patrie en agissant
ici et partout à l’échelle du monde, doit désormais se poser une question
simple mais lourde de signification: la Ve République a-t-elle vécu? Parvenu à
ce point de crise démocratique et institutionnelle, regardons la vérité en
face. Le régime du monarque-élu se trouve totalement à bout de souffle et,
depuis l’arrivée de Mac Macron I et II, du haut de sa verticalité jupitérienne
poussée jusqu’à la caricature, le sentiment de fracture entre le chef de l’État
et les citoyens a connu une aggravation si inquiétante que tout retour en
arrière paraît impossible. Autant le dire, la défiance croissante n’atteint
plus seulement l’Élu des urnes, quelles que soient les circonstances du
suffrage, mais bel et bien «la» politique en général – donc, en quelque sorte,
tous les élus eux-mêmes, percutant de plein fouet cette sacro-sainte «
représentation » qui leur est légitimement conférée. Ne soyons pas naïfs, Mac
Macron en personne y réfléchit. Raison pour laquelle, si l’on en croit les
dernières consultations au Palais, il songerait sérieusement cette fois à une
«réforme des institutions», comme l’assurent certains conseillers. Un chantier
lancé à bas bruit. Mais pas moins explosif que celui des retraites…
CONSTITUTION. Aussi incroyable que cela puisse
paraître eu égard au climat social et politique (sans parler de
l’affaiblissement de la majorité au Parlement), Mac Macron voudrait en effet
montrer qu’il n’a pas renoncé à un projet censé «redonner de la souveraineté
populaire» (sic), idée qui figurait dans son programme. Après avoir consulté
Nicoléon et Normal Ier il y a quelques semaines, le prince-président
réfléchirait au retour du septennat, au calendrier électoral, à la
proportionnelle, voire à un nouveau redécoupage des super-régions. Mi-janvier,
lors d’un dîner avec des éditocrates triés sur le volet, Mac Macron avait
précisé sa pensée en ces termes: «Il faut se donner pour ambition de faire
quelque chose de grand, sinon je ne suis pas pour le faire.» Dilemme. Si le
chantier ne saurait se résumer à un simple toilettage de la Constitution,
comment le concevoir alors que le pays est sens dessus dessous et que les
conditions à réunir pour une modification de la Constitution (qui doit être
approuvée par les deux Chambres en vote identique, puis à la majorité des trois
cinquièmes des suffrages exprimés par l’ensemble du Parlement réuni en congrès)
semblent inatteignables. Sauf par référendum. Solution improbable, évidemment,
puisque l’auteur de la question deviendrait la cible – et sans doute la victime
– de toutes les attaques.
CRISE. Mac Macron s’apprêterait donc à assumer un
big-bang institutionnel? Attention aux mots, soyons sérieux. Il s’agirait au
mieux d’un «accommodement». Car, de toute évidence, la Constitution,
l’organisation des pouvoirs publics, la démocratie et donc la République ne
correspondent plus aux attentes ni aux exigences de solidarité, de justice et à
l’aspiration croissante à un nouveau mode de développement. Nous voici parvenus
à un point de non-retour dangereux pour les équilibres fondamentaux de la
nation. Nous sommes au bout d’un cycle, celui d’une démocratie représentative
pensée à la fin du XVIIIe siècle, qui ne reconnaît au citoyen que la compétence
d’élire des représentants qui vont vouloir pour lui. Un autre cycle s’ouvre et
il ne réclame pas de demi-mesures: il a pour principe la compétence normative
des citoyens, à savoir leur capacité d’intervenir personnellement dans la
fabrication des lois et politiques publiques. À l’approche de son
soixante-cinquième anniversaire, le régime fondé par le général de Gaulle est
en voie de battre le record de longévité détenu jusqu’à présent, dans
l’histoire constitutionnelle française, par la IIIe République (1870-1940). Un
réajustement juridique soumis à une représentation nationale contestée, serait
insuffisant pour rénover la Ve République. Seule une (r)évolution citoyenne
pourrait permettre le vrai big-bang salutaire, par l’élaboration d’une
Constituante, pleine et entière. Tout autre chemin nous conduit au chaos.
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