Du jamais-vu dans l’histoire parlementaire de notre
pays. Une réforme des retraites présentée comme fondamentale est arrachée des
mains des députés sans que la représentation nationale ait pu se prononcer sur
celle-ci ni sur ses articles phares. Il n’y a aucun précédent connu. Même le
coup de force bien rodé de l’article 49.3 de la Constitution apparaît, au
regard de cette pantalonnade, comme moins antidémocratique. Dans ce cas, à
défaut de vote, le texte est « considéré comme adopté » lorsque la première ministre engage la responsabilité de son gouvernement
devant les députés, qui peuvent encore, en renversant ce dernier, rejeter le
texte. Rien de tel ici. Quant à la pantomime de la motion de censure du RN,
elle visait l’Élysée à travers les ministres, non le projet de loi.
L’Assemblée nationale n’a pas eu son mot à dire, mais
la réforme poursuit quand même sa course folle comme un canard sans tête.
Jamais, sans doute, les députés n’ont été pareillement bafoués. Et pourtant,
ils en ont vu, en plus de soixante ans de présidentialisme écrasant. On peut,
bien sûr, regretter la partition finale du groupe de la France insoumise. Par
le maintien de ses milliers d’amendements, il a décidé seul contre tous
– PCF, PS, écologistes… – d’empêcher le vote de se tenir sur
l’article 7 au sujet du recul de l’âge de la retraite à 64 ans,
privant de la possibilité – qui sait ? – de battre l’exécutif et de mettre un point final anticipé à sa funeste
entreprise. De toute façon, la
limitation à l’extrême par le gouvernement des débats au Parlement visait
à empêcher la contestation de son projet de s’installer, avec ou sans vote.
À défaut d’avoir été retoqué ou approuvé, le texte
sort de l’Assemblée dépourvu de toute légitimité. Comment les sénateurs
vont-ils s’y prendre pour examiner à leur tour une réforme qui n’a jamais reçu
le moindre aval des députés ? Le cas est épineux et l’impasse
totale. Si le chef de l’État ne
respecte pas l’avis majoritaire des Français, qu’il respecte au moins le bon fonctionnement des institutions dont il est le
garant, et qu’il retire son projet. C’est la seule option raisonnable.
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