Si proche, si loin. En juin 2022, au sortir des
élections législatives, Emmanuel Macron, la voix grave, promettait de
légiférer « autrement » et de « bâtir des compromis, des enrichissements, des
amendements ». Une ode au dialogue dont on ne
cesse de mesurer, mois après mois, toute la vénéneuse imposture. À l’exact
inverse des serments d’après-campagne, le projet de réforme des retraites, que
doit présenter ce mardi la première ministre devant l’Assemblée nationale,
restera, dans sa conception, comme un modèle de verticalité et d’aveuglement
idéologique. Un texte économiquement injustifié, socialement délétère et
politiquement rétrograde. Le tout imposé aux syndicats et à l’ensemble des
Français sur l’air éculé du « il n’y a pas d’alternative » si cher à Margaret Thatcher. Légiférer « autrement » ? Tu parles…
Mais le chef de l’État devrait se méfier de sa propre
arrogance. Alors que s’engage la bataille, le pays ne semble pas prêt à avaler
sans ciller les éléments de langage ultralibéraux de la Macronie. Toutes les
études montrent une large opposition à un report de l’âge légal de départ à la
retraite. Plus des deux tiers des sondés (68 % selon
Ifop, 79 % selon Ipsos) ne veulent pas des 64 ans. Et près
de 60 % seraient prêts à soutenir un mouvement social. Un chiffre plus élevé
qu’en 2019 (44 %), lors de l’échec de la réforme Delevoye. De quoi
motiver les organisations syndicales unies. Et invalider l’argument, ressassé
ad nauseam par la majorité, qui voudrait faire croire qu’Emmanuel Macron a été
élu pour mener cette réforme. Non, des millions de Français l’ont élu pour
barrer la route à Marine Le Pen. Sans illusion sur l’exploitation qu’il allait
faire de ce scrutin. Nous y voilà.
Difficile aujourd’hui de mesurer les
conséquences de cette stratégie du passage en force. Seule certitude : en méprisant l’adhésion démocratique, Emmanuel Macron prend le
risque d’enflammer un climat social déjà plombé par l’explosion des prix et une économie au
ralenti. Selon l’Ifop, 52 % des Français souhaitent que le pays connaisse
prochainement une « explosion sociale » et le retour d’un mouvement de
type « gilets jaunes ». Le chef de l’État est prévenu.
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