lundi 23 janvier 2023

« Le choc des symboles », l’éditorial de Maud Vergnol dans l’Humanité.



Le hasard fait bien les choses. Et le choc des symboles en dit parfois plus long que n’importe quel discours. D’un côté, près de 2 millions de Français dans la rue, le 19 janvier, pour les retraites. De l’autre, 200 millionnaires demandant à être plus taxés, «au nom du bien commun», devant la «vulnérabilité des systèmes sociaux». Nous y voilà. Quoi qu’on pense de cette initiative – tiens, Bernard Arnault n’est pas dans la liste –, elle a le mérite de pointer l’essence du moment. «Lhistoire des cinq dernières décennies est une histoire de richesse qui ne coule que vers le haut», écrivent les riches signataires. Le même jour, l’ONG Oxfam proposait de taxer les 42 milliardaires français à hauteur de 2 %, ce qui permettrait, selon elle, de récolter 12 milliards d’euros pour renflouer les caisses de retraite. Lesquelles sont loin de menacer de se vider, comme l’a affirmé ­vendredi à l’Assemblée nationale le président du Conseil d’orientation des ­retraites, Pierre-Louis Bras, rappelant que «les dépenses de retraites ne dérapent pas».

Cet entêtement du pouvoir à faire ­trimer les Français jusqu’à 64 ans plutôt que de faire payer le capital est devenu d’autant plus insupportable qu’il intervient dans un contexte d’inflation historique conjugué à l’affaissement des services publics, patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Hôpital, transports, éducation nationale, Pôle emploi… des fonctionnaires aux usagers, chacun est touché par les ravages de la «start-up nation», qui sabattent durement sur les personnes les plus vulnérables. De plus en plus de citoyens en saisissent dorénavant les dangers et les répercussions sur leur vie quotidienne. En témoigne l’ampleur de la première mobilisation de jeudi, où toutes les générations confondues ont marché main dans la main pour refuser ce recul historique.

À l’étranger quand 2 millions de Français défilaient dans les rues, Emmanuel Macron a osé vanter une «réforme ­démocratiquement présentée, validée et surtout juste et responsable». Faute d’avoir convaincu, le président choisit l’épreuve de force.

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