De plusieurs sources, on apprend que
dans les couloirs des palais gouvernementaux on a été surpris par l’ampleur des
mobilisations du jeudi 19 janvier. Preuve supplémentaire de la déconnexion du
pouvoir avec les travailleurs et la jeunesse.
Ce jeudi, c’est la France qui travaille
dur, celle qui produit réellement les richesses, qui a dit non à une nouvelle
régression sociale camouflée derrière le mot « réforme ».
Celles et ceux qui sont descendus dans
la rue étaient soutenus par des millions de citoyens qui n’ont pas pu faire
grève ou manifester. Toutes celles et ceux, que quelques jours auparavant le
président de la République exhortait à refuser « l’irresponsabilité ».
Les ouvriers, les cadres, les habitants
des banlieues ou des campagnes, les soignants, les enseignants, les pompiers,
les artisans, les policiers qui se retrouvent ensemble refusent une «
contre-réforme », injuste et injustifiée au moment même où les détenteurs de
hauts revenus financiers battent tous les records, sans cotiser un seul centime
aux caisses de protection sociale.
Voilà les authentiques irresponsables.
Pourtant il n’y avait pas de quoi être
surpris par l’ampleur de cette mobilisation. Depuis des mois, chaque enquête
d’opinion montre qu’une large majorité de nos concitoyens refuse ce coup de
poignard. Et, les parlementaires macronistes, comme ceux de la droite des «
républicains » devraient se souvenir qu’ils n’ont totalisé que 37% des voix au
premier tour des élections législatives et 16% des inscrits.
De nombreux candidats du parti
présidentiel ont d’ailleurs été battus parce qu’ils défendaient le recul de
l’âge légal de départ en retraite alors que le président de la République avait
reconnu, au soir du 12 avril 2022, qu’il était « pleinement conscient que (son élection) ne vaudra pas soutien du
projet que je porte et je le respecte. »
Il ne respecte évidemment pas ces paroles. Il renie même ses déclarations du 25 avril 2019 où il affirmait que « tant qu’on n’a pas réglé le problème du chômage dans notre pays, franchement ça serait assez hypocrite de décaler l’âge légal » de départ à la retraite. Il insistait même : « quand aujourd’hui on est peu qualifié, quand on vit dans une région en difficulté industrielle, quand on est soi-même en difficulté, qu’on a une carrière fracturée, bon courage déjà pour arriver à 62 ans ».
Pourquoi faire mine d’oublier cet argumentaire aujourd’hui sinon pour mieux servir les ogres de la finance. Pour faire accepter l’inacceptable, quelques ministres seulement sont autorisés à se déployer sur les plateaux de télévisions pour répéter mensonges et balivernes. « Nous devons convaincre » répète-t-il en cœur. On dirait que les trente-cinq autres ministres ne sont pas eux-mêmes convaincus puisque l’Élysée leur interdit de s’exprimer durant quelques semaines.
Mais convaincre de quoi au juste ? De pousser une guerre sociale éclair ouvrant la voie à une vie encore plus dure après 60ans et pousser à la retraite par capitalisation ? L’argument du financement est faux puisque même M. Pierre-Louis Bras, président du Conseil d’orientation des retraites (COR), auditionné il y a quelques jours par une commission parlementaire, a expliqué que « les dépenses de retraite ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées… Dans la plupart des hypothèses, elles diminuent plutôt à terme. »
Pourquoi alors une telle précipitation ? Le président du Conseil d’orientation des retraites rappelle régulièrement que le choix du gouvernement est lié au « programme de stabilité» qu’il a communiqué à la Commission de Bruxelles. Dans ce document, le pouvoir s’engage à diminuer les dépenses publiques. C’est pour respecter cet engagement, répondant lui-même aux exigences des traités européens, que le pouvoir engage une épreuve de force contre le peuple pour complaire aux marchés financiers.
Quand ils disent « réduction dépenses publiques » il faut entendre « coupe sombre dans les dépenses sociales ». Car, de l’argent, ils en trouvent énormément pour exonérer de cotisations sociales une partie du capital. Surtout de l’argent, ils vont en trouver pour augmenter d’un tiers le budget militaire.
L’argument du refus « du blocage du pays
» sert à préparer le terrain d’un coup de force gouvernemental.
Inscrire une contre-réforme d’une telle
importance dans un additif au projet rectificatif de financement de la Sécurité
sociale est une manœuvre inqualifiable dans un pays qui se prétend
démocratique.
Elle permet au gouvernement d’utiliser
un article méconnu de la Constitution, le 47-1 qui indique que « si le
Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les
dispositions du projet peuvent être mises en œuvre par ordonnance ». De
nombreux juristes posent déjà la question de la constitutionnalité d’une telle
opération.
Ce poussiéreux article 47-1 est le
summum de la caricature de l’autoritarisme de la cinquième République. L’État
bourgeois s’est doté des outils pour sécuriser sa classe afin de se débarrasser
de la République sociale.
Le bras de fer en cours est bien un
aspect de la lutte entre la classe des possédants, des puissances financières
et les travailleurs et les générations à venir. Raison de plus pour amplifier
encore les mobilisations. Cela peut se faire dans une multitude de discussions
autour de soi, dans des réunions, des débats, des tracts et des prises de
parole en préparation de la grande journée unitaire du 31 mars prochain. Il est
possible d’empêcher ce coup de force.
Patrick Le Hyaric
Le 23 janvier 2023
((Accéder
ici au dossier retraite sur la plate-forme numérique de l’Humanité))
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