mardi 8 novembre 2022

« Secret des affaires, secret d’État », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



Des millions et des millions de doses de vaccin contre le Covid ont été détruites rien qu’au mois d’octobre, en France. Et depuis le début de la vaccination, des centaines de millions de doses ont probablement été jetées à la poubelle dans le monde. Un gaspillage essentiellement des pays riches, qui ont acheté des vaccins en masse et dont une bonne partie arrive à terme avant d’avoir pu être utilisée. Les États, dont la France, arguent du fait que ce gaspillage n’est en fait que le coût de l’assurance à payer pour avoir la certitude de ne pas manquer. Mais, pour que ces pays «ne manquent pas», dautres nont pas pu vacciner leur population.

Derrière ce scandale, se pose aussi la question des négociations menées par les États et la Commission euro­péenne avec les Big Pharma producteurs des vaccins et les conditions dans lesquelles les accords commerciaux ont été ratifiés. Or, tout cela – le calendrier des livraisons, leurs volumes et leurs prix, mais aussi les conditions d’utilisation de ces vaccins – est couvert par le secret des affaires. À l’arrivée, une certitude: les grands gagnants sont les laboratoires privés. À l’échelle de lUnion européenne, les sommes dargent public déversées sur les laboratoires sont pharaoniques. Dans le même temps, les systèmes de santé publique, l’hôpital s’écroulent, faute de moyens. Des milliers de professionnels de la santé, sous-payés avec des heures à rallonge, tirent leur révérence. Cerise sur le gâteau, ce ne sont pas ces laboratoires milliardaires qui ont inventé les technologies utilisées dans les vaccins mais l’ensemble des laboratoires de recherche, largement financés par de l’argent public. Y compris les plus innovantes comme celle basée sur l’ARN messager. Mais en refusant la levée les brevets des vaccins, la propriété intellectuelle a été transférée aux laboratoires…

Au moment où s’impose le débat légitime sur les «superprofits» des pétroliers, à commencer par ceux de Total, il serait temps douvrir celui sur les «superprofits» réalisés depuis deux ans par lindustrie pharmaceutique. Et pourquoi pas, faire grandir lexigence de sortir de la sphère marchande le secteur de la santé et du médicament.

 

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