vendredi 18 novembre 2022

« Faillite et amour du football », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



Nous aurions tellement voulu vivre le moment, nous prendre à rêver, dès le coup d’envoi. Mais la 22e édition de la Coupe du monde de football, au Qatar, a un goût de sang et de cendres. Loin de nous l’idée de gâcher le plaisir ou de culpabiliser les passionnés de ce sport populaire dont nous partageons l’amour pour le ballon rond. Mais nous ne pouvons taire la faillite de cet événement planétaire au nom des valeurs qui animent ce journal. Des sombres manœuvres de la Fifa pour octroyer la compétition à cette gazomonarchie despotique où les droits les plus élémentaires sont bafoués, aux travailleurs étrangers ravalés au rang d’esclaves, dont 6500 ont payé de leur vie l’édification dinfrastructures faramineuses, en passant par lhérésie environnementale de stades climatisés en plein désert, tout révulse.

À quelques heures de la cérémonie d’ouverture, Emmanuel Macron a cru pouvoir remballer les voix critiques. «Il ne faut pas politiser le sport», a-t-il osé. Il a manqué une occasion de se taire. Politique et sport sont consubstantiels. L’histoire regorge d’exemples. Au Brésil, les Corinthians ont été à la pointe du combat contre la dictature militaire, leur démocratie autogestionnaire a favorisé un football équitable, débarrassé de l’argent roi. La déclaration du chef de l’État est d’autant plus grotesque qu’il sait que le choix même du Qatar est une affaire très politique et de gros sous. La France a pesé de tout son poids pour privilégier Doha en échange d’achats de Rafale par la tyrannie des Al Thani, qui espèrent avec la Coupe se refaire une image – sans succès.

Qu’importe le sport pourvu qu’on ait l’ivresse du marché, en résumé. Sur fond de corruption institutionnalisée, les intérêts géopolitiques et économiques n’ont fait qu’un avec le foot financiarisé pour céder le Mondial à une bande de terre aride et totalitaire. C’est pourquoi nous ne disons pas seulement: Qatar, plus jamais! Nous invitons à repenser les instances internationales sportives et à en fonder de nouvelles afin que les grands rendez-vous ne soient plus instrumentalisés par des intérêts avides qui salissent jusqu’à la beauté du geste des joueurs. Il est grand temps de siffler la fin de ce mauvais match.

 

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