lundi 26 septembre 2022

« Un bluff ? », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.



Un bluff, peut-être. Un chantage, sûrement. La menace du recours à l’arme nucléaire, brandie de nouveau par Vladimir Poutine avec un cynisme glaçant, ne peut être prise à la légère. L’implosion de l’URSS et la fin de la guerre froide avaient laissé la place à l’illusion d’un monde unipolaire, sous la conduite bienveillante des démocraties occidentales éclairées par les États-Unis et la flamme de la statue de la Liberté. Fin de l’Histoire, et l’équilibre de la terreur était renvoyé au magasin des antiquités. Il fallait même remonter jusqu’à 1962 et la crise des missiles de Cuba pour évoquer le dernier épisode de tension extrême pouvant mener à une guerre mondiale encore plus dévastatrice que les deux précédentes.

On sut pourtant assez vite que la fin de la guerre froide n’était pas la paix – on compte actuellement 37 conflits armés dans le monde – mais le danger nucléaire nous semblait écarté ou en tout cas improbable, quand bien même l’arsenal existait toujours. On compte actuellement 13000 têtes nucléaires stratégiques sur la planète, dont 6000 à parité entre les États-Unis et la Russie. Un conflit généralisé aurait des conséquences de lordre de lextinction des dinosaures. Nous nen sommes pas là, mais comment interpréter les propos du boutefeu du Kremlin? Lutilisation des armes nucléaires tactiques est envisagée comme une possibilité par toutes les armées importantes du monde. Il ne sagit pas a priori de destruction massive de capitales, mais de créer des trous dans le dispositif ennemi avec des charges allant de 0,1 à 100 kilotonnes d’équivalent TNT. Sauf que 100 kilotonnes, c’est six fois Hiroshima.

Alors que Vladimir Poutine, entretenant l’idée que la Russie est menacée de disparition, sent la situation lui échapper, il peut être tenté d’y recourir, levant du même coup ce qu’un expert appelle le tabou nucléaire, à partir de quoi le pire deviendrait possible. Ne faites pas ça, a dit à plusieurs reprises le président américain. Mais hausser le ton en montrant des muscles ne peut être la bonne réponse. Il faut, face au danger, une mobilisation des peuples et une activité diplomatique sans précédent impliquant la Chine, l’Inde, les pays d’Afrique pour que s’imposent la voix et les voies de la raison.

 

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