Le monstre qui vient de surgir des urnes italiennes
n’est pas simplement le produit du fascisme ou du post-fascisme. C’est d’abord
celui de sa normalisation, les mues successives du parti mussolinien n’étant
que l’un des stratagèmes pour y parvenir. L’Italie ne s’est pas subitement
réveillée un matin avec l’envie de ressusciter la figure du Duce. Pour faire
accepter l’idée que celle qui s’en réclamait encore il y a peu ferait une première
ministre convenable, il a fallu passer par trente ans de recomposition du
champ politique. Trente ans durant lesquels on a habitué les électeurs à la
banalité de la rhétorique et des obsessions identitaires de l’extrême droite
comme réponse à leurs maux.
Les héritiers du MSI n’auraient jamais pu réussir
seuls leur conquête du pouvoir. La main tendue des partis dits démocratiques
s’est avérée déterminante. Le parti de Silvio Berlusconi a, le premier, brisé
l’isolement de la mouvance néo-fasciste en incluant dès 1994 dans sa coalition
le MSI-Alliance nationale dont est issue Giorgia Meloni, aux côtés des
xénophobes de la Ligue du Nord (devenue Ligue). Mais Berlusconi n’est pas le
seul à avoir noué des alliances coupables. L’actuel gouvernement Draghi, où cohabitent
la droite, le centre gauche, les populistes du M5S et l’extrême droite de la
Ligue, a aussi joué un rôle dans cette normalisation.
Difficile de ne pas faire le parallèle avec la « notabilisation » à marche accélérée du
Rassemblement national en France. Certes, à la différence de ses cousins italiens, le parti de Marine Le
Pen n’a jamais participé au pouvoir. Les institutions et la culture politique de notre pays se
prêtent peu à ces jeux d’alliances larges, et le « cordon
sanitaire » qui le maintient à l’écart s’est montré plus solide. Mais les choses sont en train de
changer, et les élections de
2022 ont marqué une étape dans la banalisation du RN. Pour la première fois,
des députés lepénistes ont été élus avec les voix du parti présidentiel à des
postes clés de l’Assemblée nationale, où le RN dispose désormais du plus grand
groupe d’opposition. Si ce n’est pas le pouvoir, c’est son antichambre.
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