mercredi 11 mai 2022

« Mauvais jugement », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



La Cour de cassation vient de planter un nouveau clou dans le cercueil du Code du travail. Dans un arrêt attendu, la haute juridiction a validé, mercredi, le funeste «barème Macron» qui, en cas de licenciement abusif, plafonne les indemnités que le salarié peut réclamer aux prud’hommes. Les espoirs des organisations syndicales, qui ferraillent depuis cinq ans contre cette mesure emblématique du premier quinquennat, ont été douchés. Tout comme ceux des milliers de salariés victimes de cette logique unilatérale de «sécurisation des entreprises», défendue aveuglément par le chef de l’État, toujours au détriment des travailleurs les plus fragiles.

Voté par ordonnance dès septembre 2017, ce barème a été taillé sur mesure pour les employeurs. Ils peuvent anticiper le montant des sanctions maximales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Un outil «pro-business» pour faciliter le turnover, «flexibiliser» la masse salariale et ladapter aisément au diktats du marché. Pour le patronat, cest tout bénef. Pour la justice sociale, on repassera. Ce système de plafonnement, qui varie en fonction de l’ancienneté, désavantage les salariés embauchés depuis peu. Dans leur cas, le montant des indemnités est bien plus faible qu’auparavant – parfois inférieur au préjudice. Et les dissuade de batailler aux prud’hommes en engageant des frais d’avocat. Résultat: le nombre de contentieux est en chute libre et les petits dossiers ont déserté les procédures.

Face à ce déséquilibre flagrant, des cours d’appel ont estimé que les juges devaient déroger au barème et apprécier en fonction du contexte si l’indemnité perçue était «adéquate», comme le réclame l’Organisation internationale du travail. Las, la Cour de cassation a cédé à la pression du patronat. Une décision clairement orientée qui va jusqu’à dépeindre le «cas par cas» – principe même de la justice – comme une «atteinte à l’égalité des citoyens devant la loi» … Le combat va se poursuivre. Et se jouera dès les législatives, où la proposition d’abrogation des ordonnances travail, portée par la Nupes, pourrait réparer dans les urnes les dégâts d’un quinquennat antisocial.

 

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