Connaissez-vous l’étude de l’économiste américain
Wayne Cascio ? Elle devrait être épinglée à l’entrée des entreprises et sur le porche de Matignon. En
2005, ce chercheur a comparé deux
entreprises de la grande distribution aux stratégies salariales opposées. La
première – Sam’s Club – mise classiquement sur la compression des salaires. La
seconde – Costco – paye en moyenne 40 % de plus que chez son concurrent.
Résultat ? Contre
toute attente, l’option généreuse se révèle plus
compétitive.
Chez Costco, le turnover est bien moins important
(17 %, contre 44 %) et n’a coûté que 244 millions de dollars,
contre 612 millions chez Sam’s Club. Même différence pour la productivité.
Les 67 600 employés choyés de Costco
ont généré 43 milliards de dollars de chiffre d’affaires,
tandis que les 110 200 précaires de
Sam’s Club n’atteignaient que 37 milliards.
Conclusion en forme de paradoxe : le « coût » de la
main-d’œuvre s’avère moins élevé dans l’entreprise qui paye le mieux.
Cette expérience le démontre :
contrairement aux élucubrations
de la doxa néolibérale, l’augmentation des salaires n’est pas une contrainte qu’il conviendrait toujours de minorer, mais un outil
indispensable à la bonne santé économique. Malheureusement, les politiques menées
depuis des décennies ont toujours payé le capital avant le travail,
déséquilibrant le partage des richesses. En vingt ans, la part des
rentiers-actionnaires dans la valeur ajoutée a triplé alors que celle des
salariés reculait de 5 points.
Face au conflit en Ukraine et l’envolée prévisible des
prix (+ 4 % en 2022), cette injustice patente devient intenable. Et la
revendication des syndicats, qui défilent ce jeudi dans la rue pour une hausse
généralisée des salaires, une urgente évidence. Le gouvernement n’y souscrira
pas. Sur la question du pouvoir d’achat, omniprésente dans la campagne
présidentielle, il a toujours privilégié la politique des petits chèques. Et
renvoie désormais après les élections, comme il vient de le faire avec cette
promesse de dégel du point d’indice des fonctionnaires. Seule une puissante
mobilisation permettra de le bousculer. Et de, enfin, tordre le cou à la
logique de Sam’s Club.
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