jeudi 17 mars 2022

« Costco contre Sam’s Club », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Connaissez-vous l’étude de l’économiste américain Wayne Cascio? Elle devrait être épinglée à lentrée des entreprises et sur le porche de Matignon. En 2005, ce chercheur a comparé deux entreprises de la grande distribution aux stratégies salariales opposées. La première – Sam’s Club – mise classiquement sur la compression des salaires. La seconde – Costco – paye en moyenne 40 % de plus que chez son concurrent. Résultat? Contre toute attente, loption généreuse se révèle plus compétitive.

Chez Costco, le turnover est bien moins important (17 %, contre 44 %) et n’a coûté que 244 millions de dollars, contre 612 millions chez Sam’s Club. Même différence pour la productivité. Les 67600 employés choyés de Costco ont généré 43 milliards de dollars de chiffre d’affaires, tandis que les 110200 précaires de Sams Club natteignaient que 37 milliards. Conclusion en forme de paradoxe: le «coût» de la main-d’œuvre savère moins élevé dans lentreprise qui paye le mieux.

Cette expérience le démontre: contrairement aux élucubrations de la doxa néolibérale, laugmentation des salaires nest pas une contrainte quil conviendrait toujours de minorer, mais un outil indispensable à la bonne santé économique. Malheureusement, les politiques menées depuis des décennies ont toujours payé le capital avant le travail, déséquilibrant le partage des richesses. En vingt ans, la part des rentiers-actionnaires dans la valeur ajoutée a triplé alors que celle des salariés reculait de 5 points.

Face au conflit en Ukraine et l’envolée prévisible des prix (+ 4 % en 2022), cette injustice patente devient intenable. Et la revendication des syndicats, qui défilent ce jeudi dans la rue pour une hausse généralisée des salaires, une urgente évidence. Le gouvernement n’y souscrira pas. Sur la question du pouvoir d’achat, omniprésente dans la campagne présidentielle, il a toujours privilégié la politique des petits chèques. Et renvoie désormais après les élections, comme il vient de le faire avec cette promesse de dégel du point d’indice des fonctionnaires. Seule une puissante mobilisation permettra de le bousculer. Et de, enfin, tordre le cou à la logique de Sam’s Club.

 

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