Présidentielle Retraite à 65 ans,
conditionnement du RSA, suppression d’impôts pour les entreprises… Le président
sortant a dévoilé ses propositions, toutes aussi antisociales que les
précédentes, lors d’une interminable conférence de presse.
Aux Docks d’Aubervilliers, Emmanuel Macron a gratifié
la presse d’un cours magistral ronflant, quatre heures durant. Quelque 200
journalistes ont été conviés, ce jeudi 17 mars, dans la ville de
Seine-Saint-Denis pour un dévoilement officiel du programme du
président-candidat (à vingt-quatre jours du premier tour, il était temps). Une
conférence de presse ? Plutôt un
soliloque, avant de répondre enfin
aux questions. L’exercice a d’ailleurs ressemblé davantage à un discours
de politique générale du président – à l’image de la
présentation de « France 2030 » en octobre 2021 – qu’à une communication du candidat. Preuve en est la première partie consacrée aux questions de défense, où Emmanuel Macron a clairement campé le chef de guerre. Et proposé une généralisation du service national universel, un
doublement du nombre de réservistes dans l’armée, la police et la gendarmerie
et un plan de recensement des compétences des Français volontaires pour être
mobilisés en cas de crise grave.
Dans son monologue, Emmanuel Macron n’a qu’à peine
évoqué la présidentielle, se projetant d’emblée dans un second mandat comme si
celui-ci était acquis, et l’élection une formalité. À noter une attaque, sans
les nommer, envers Marine Le Pen et Éric Zemmour, tenants d’un « projet de repli, de nostalgie ». Sinon, le chef de l’État a empilé les antiennes de la Macronie, se drapant
dans la bannière du « progrès », de l’« émancipation », de l’« humanisme » et de l’« optimisme de la volonté », dans la droite lignée de sa
campagne de 2017. Un vernis rhétorique qui masque mal l’essence antisociale de
son projet : retraite à 65 ans, suppression d’impôts sur les entreprises, conditionnement du RSA à 15 ou 20 heures de travail hebdomadaire…
1/. Retraites Travailler jusqu’à la tombe ?
C’est confirmé : le candidat Macron souhaite reculer de trois ans l’âge légal de départ à la retraite
pour le porter à 65 ans. Faudra-t-il travailler jusqu’à la tombe ? Le projet s’inscrit dans le cadre d’un paquet de « réformes du marché du travail » visant notamment à simplifier les « mécanismes de cumul
emploi-retraite ». « Les retraités continueront d’être de plus en plus pauvres », dénonce Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de
la CGT, « et reculer l’âge légal de départ va encore plus pénaliser ceux qui sont déjà dans des situations précaires, en particulier
les femmes », ajoute-t-elle, tout en rappelant les difficultés que
rencontrent déjà les travailleurs pour cumuler toutes les annuités nécessaires
pour partir à taux plein. Second levier du programme pour atteindre le
plein-emploi en cinq ans, Emmanuel Macron souhaite transformer Pôle emploi en
guichet unique – rebaptisé « France Travail » – regroupant
les compétences des régions, départements, communes et missions locales. Pour rappel,
les employés de Pôle emploi n’ont cessé de dénoncer durant l’actuel quinquennat
la dégradation de leurs conditions de travail…
2/. Pauvreté Le RSA conditionné
Alors que le prix à la pompe dépasse allégrement les
2 euros, en matière de pouvoir d’achat, les recettes du candidat sont les
mêmes que celles du président. D’un côté, les baisses d’impôts à hauteur de
15 milliards d’euros (quitte à sacrifier les services publics), dont la
moitié pour les ménages avec la suppression de la redevance et une
modification… des « droits de succession » via un « abattement » à hauteur de 150 000 euros. De l’autre, la « prime Macron » (sans cotisations donc), qu’il entend multiplier par trois. La principale nouveauté repose sur « la solidarité à la source pour les plus précaires » : une fusion
des aides sociales (RSA, prime d’activité, APL, allocation familiale…) annoncée
sans détails. Reste à savoir s’il ne sera pas question de réaliser des
économies sur le dos des bénéficiaires. D’ailleurs, pour ceux qui touchent le
RSA, la note a déjà été présentée. Sous couvert de « reconnaître la dignité de chacun », il s’agit d’imposer « quinze à vingt heures par semaine » de travail. « Derrière se cache l’idée selon laquelle les
allocataires des minima sociaux seraient des “assistés” qui “profitent du système” », résume ATD Quart Monde.
3/. Fiscalité Tout est dans la continuité
Emmanuel Macron entend continuer sa politique d’aide
aux entreprises pour 30 milliards d’euros dans les secteurs d’avenir : biomédicaments, nucléaire, numérique, semi-conducteurs… À ces subventions
s’ajouteront des baisses d’impôts. En particulier la suppression de la
cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, une taxe sur les grosses
entreprises qui finance les collectivités locales. « C’était une demande du Medef,
reprise par tous les candidats de droite, pointe Raphael Pradeau. Tous proposent aussi une baisse des
droits de succession, alors qu’entre 85 et 90 % des Français n’en paient
pas », poursuit le porte-parole d’Attac. Clin d’œil aux
plateformes numériques, Macron annonce aussi une baisse des cotisations pour
les indépendants autour du Smic. « Bon courage aux Zemmour, Pécresse et Le Pen, qui disent qu’ils sont les meilleurs obstacles à Macron alors qu’ils ont le même programme économique », résume Raphael Pradeau.
4/. Sécurité Un « pacte » fourre-tout
Le chef de l’État s’est, comme souvent, félicité de
son bilan, citant les 10 000 postes de policier créés, les voitures neuves, la lutte contre les « séparatismes » avec la fermeture de « 650 » établissements, de « 22 » mosquées, de nombreuses associations… Dans la
foulée, Emmanuel Macron promet de continuer dans la même voie sécuritaire avec,
pêle-mêle, la création de « 200 brigades » de gendarmerie, le doublement de la présence policière
sur le terrain, la généralisation de l’amende forfaitaire, le « triplement » du montant de l’amende « antiharcèlement » dans le cadre de la future loi d’orientation et de
programmation du ministère de l’Intérieur (lire l’Humanité du
17 mars).
5/. Immigration Toujours plus d’expulsions
En matière d’immigration, le « projet » d’Emmanuel Macron s’appuie sur deux axes : plus de police et de contrôles aux frontières, d’un côté ; des
expulsions plus nombreuses et plus rapides, de l’autre. Il s’engage d’ailleurs à augmenter le nombre de personnes expulsables en réduisant les possibilités
de recours aux décisions de refus d’asile, en rendant plus difficile l’accès au
titre de séjour et en se positionnant pour la double peine. « Emmanuel Macron ne comprend pas le monde dans lequel nous vivons, a immédiatement réagi la secrétaire générale de la
Cimade, Fanélie Carrey-Conte. Les migrations sont une réalité et le
seront de plus en plus à l’avenir. Au lieu de garantir le respect des droits
fondamentaux et l’accueil inconditionnel des personnes exilées, il fait le
choix du tout-répressif. Pour lui, une bonne politique migratoire s’évalue au
nombre d’expulsions réalisées. Pour la Cimade, c’est inacceptable. »
6/. Éducation La concurrence pour tous
Emmanuel Macron entend parachever son projet pour
l’éducation. Il faut « changer le mode de fonctionnement » de l’école : autonomie pédagogique et de recrutement pour les établissements, qui seront classés (et donc mis en concurrence) selon leurs résultats aux évaluations ; « nouvelles missions » pour les enseignants, qui devront assumer les remplacements de leurs
collègues, le suivi individualisé des élèves… Un « engagement » qui conditionnera, individuellement, l’évolution
de leurs salaires. « Mieux connaître les métiers » dès la 5e annonce le retour à une orientation
précoce. Il y aura aussi une (nouvelle) réforme du lycée professionnel qui
devra « changer de logique » en allant vers l’apprentissage et l’alternance. Pour la cosecrétaire
générale du Snes-FSU Sophie Vénétitay, c’est « un modèle d’école libérale et de mise en concurrence » que promet le candidat-président.
7/. Santé Un grain de sable dans le désert
Actant que le Ségur de la santé n’a pas réglé tous les
problèmes, le président-candidat propose, pour remédier à une « crise de
sens », de décloisonner les structures publiques et privées pour permettre aux agents hospitaliers publics d’exercer en parallèle une activité libérale et aux soignants libéraux d’avoir accès aux infrastructures hospitalières publiques. Insistant sur la problématique des
déserts médicaux, Emmanuel Macron entend généraliser la présence d’assistants
médicaux et d’infirmiers dans les zones les moins dotées pour permettre aux
médecins de prendre plus de patients et souhaite déployer des internes en 4e
année dans ces territoires. « Ça ne correspond pas du tout à l’urgence de la situation ! » déplore Christophe Prudhomme, médecin au Samu 93, qui
rappelle que la priorité est de « recruter massivement pour rouvrir
des lits » et de favoriser l’émergence de centres de santé
publics, avec des médecins salariés pour stopper la désertification médicale.
8/. Environnement Loin des objectifs
Passé l’autosatisfecit sur son bilan – alors que la
France est le seul pays de l’UE à ne pas avoir atteint ses objectifs 2020 en
matière d’énergies renouvelables –, le président-candidat a confirmé son
objectif d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Confirmés aussi, le
lancement « immédiat » de six réacteurs nucléaires et huit autres dans
la foulée, la multiplication par dix de la puissance solaire, la création d’une
cinquantaine de parcs éoliens en mer et la rénovation énergétique de 700 000 logements par an. Côté industries, le candidat met sur la table une « planification » par secteurs. « L’État aura à reprendre en main la régulation » des tarifs de l’énergie, a précisé Emmanuel Macron, qui, sans plus de
détails, a annoncé la « reprise de contrôle capitalistique de plusieurs acteurs industriels ». En outre, une loi de programmation pour « l’indépendance agricole » aidera à l’installation
des nouveaux exploitants.
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