lundi 21 février 2022

« Précipice », l’éditorial de Christophe Deroubaix dans l’Humanité.

 



Ce n’est pas encore une guerre mais cela commence à y ressembler de plus en plus: des premiers morts, des premiers réfugiés. Depuis ce week-end, nous nen sommes plus tout à fait aux manœuvres militaires, bras de fer de laffrontement psychologique et objectifs stratégiques. Nous n’en sommes pas encore au conflit total que Joe Biden accuse Vladimir Poutine de préparer. Est-ce réellement le cas? Quand bien même mènerait-il une partie de poker, il nen est pas moins vrai que le maître du Kremlin a choisi le bord du précipice pour y jouer. De l’autre côté, mais toujours en surplomb de l’abîme, Joe Biden hystérise le débat à coups de plans secrets dévoilés et de sanctions déjà ficelées.

Alors que, de Moscou à Washington, on laisse s’enchaîner les dents crantées de cet engrenage, Emmanuel Macron – plus ou moins en osmose avec le nouveau chancelier allemand, Olaf Scholz – joue les bons offices pour à tout le moins tenter de stopper la machine. Le couple franco-allemand se montrera peut-être attentif au temps long. Dans cette perspective, on peut voir la présidence de Poutine comme le nom d’un moment de l’Histoire où la puissance russe, ravalée au rang de province durant les années Eltsine, tente de restaurer une forme d’autorité sur la scène mondiale et dans ce qu’elle estime être sa sphère d’influence naturelle. N’oublions pas une autre guerre de Crimée, perdue d’ailleurs par l’Empire tsariste face à une coalition ottomano-franco-anglaise. C’était entre 1853 et 1856.

On ne peut également oublier la promesse non tenue des «vainqueurs» de la guerre froide à Mikhaïl Gorbatchev de ne pas étendre lOtan jusquaux frontières de la Russie. Que Poutine utilise ce mensonge originel comme un prétexte pour asseoir son pouvoir autocratique, nationaliste et au service des oligarques ne change rien à l’équation. La négociation en cours doit faire place à celles des inquiétudes russes qui apparaissent légitimes, sans céder sur des principes de droit international, comme la souveraineté des nations. Faut-il le rappeler, la diplomatie n’est pas une affaire d’arbitrage d’élégances.

 

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