mardi 4 janvier 2022

« La note », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité

 



« Mon pauvre argent, on m’a privé de toi ; et puisque tu m’es enlevé, j’ai perdu mon support, ma consolation, ma joie : tout est fini pour moi, et je n’ai plus que faire au monde. » On a l’impression de lire un copier-coller de cette tirade d’Harpagon, chez Molière, avec les articles parus la semaine passée dans la presse de droite au sujet de l’héritage et des droits de succession. Une simple note du Conseil d’analyse économique, organisme consultatif auprès du premier ministre, évoquant l’éventualité d’une timide réforme des droits de succession a fait l’effet d’un séisme, avec mouvements de panique. Que révèle « la haine de l’héritage », écrivait un chroniqueur du Figaro pour qui « ce n’est pas seulement piétiner le droit de propriété sur les biens gagnés de haute lutte après tant et tant de prélèvements », c’est plus largement, au total, « l’euthanasie de la famille ». On a le droit de trouver ça cocasse dans le journal qui se réclame de Beaumarchais avec cette citation à sa une, « sans la liberté de blâmer il n’est pas d’éloge flatteur », mais oublie cette adresse de Figaro lui-même au comte Almaviva, « vous vous êtes donné la peine de naître et rien de plus ».

Spoliation, furie égalitaire… En vérité, de quoi parle-t-on ? De la petite maison de famille arrachée aux enfants, du livret A vidé par l’État ? Ou des plus hauts patrimoines, qui, au-delà de 10 millions d’euros, sont à 90 % des portefeuilles financiers et ont progressé plus vite que le PIB depuis les années 1980-1990 ? Cela quand le revenu moyen des 1 % les plus aisés a progressé de 100 % (en sus de l’inflation) et celui des 0,1 % les plus aisés de 150 %, contre à peine 25 % pour le reste de la population (soit moins de 1 % par an). C’est pourtant sans vergogne que des députés LR, avec Éric Ciotti, proposaient il y a quelques mois la suppression totale des droits de succession…

Mais que les plus inquiets toutefois se rassurent. Que ce soit avec l’extrême droite, la droite ou Emmanuel Macron, la note par qui le scandale arrive restera dans les tiroirs.

 

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