Alors qu’un an a suffi
pour mettre au point des sérums contre le Sars-CoV-2, il n’en existe toujours
aucun contre le VIH, découvert en 1983. La faute à un virus plus complexe,
plaident les chercheurs, qui voient dans l’ARN messager « un espoir ».
Pourquoi, après plus de trente ans de recherche sur le sida, aucun vaccin
n’a pu être mis au point contre le VIH, alors qu’une année à peine a suffi pour
produire plusieurs sérums contre le Covid-19 ? Alors qu’est organisée, ce
mercredi 1er décembre, la Journée mondiale de lutte contre le sida, la
question est dans toutes les têtes, des plus éminents chercheurs jusqu’aux
simples citoyens. Si la cinquième vague de Covid déferle sur l’Europe et si le
variant Omicron présente désormais « un risque mondial très élevé », selon
l’OMS, il est à craindre que l’ensemble des projecteurs soient à nouveau
braqués sur le seul Sars-CoV-2, faisant oublier d’autres menaces sanitaires.
Pourtant, même si les traitements contre le VIH ont connu d’immenses progrès,
ils ne sont pas disponibles partout, et le sida continue de tuer massivement :
680 000 personnes dans le monde en 2020 – contre 1,8 million de
décès officiellement imputés au Covid sur la même période, voire
3 millions, selon une estimation de l’OMS.
Parvenir enfin à mettre au point un vaccin contre le sida constituerait
donc une avancée majeure, mais l’affaire n’est pas simple. Depuis des
décennies, les équipes de recherche mobilisées se cassent les dents sur
la « complexité » du virus de l’immunodéficience humaine
(VIH), mis au jour en 1983. « On n’a toujours pas identifié la réponse
immunitaire qui empêcherait l’entrée du VIH dans l’organisme, ou qui
permettrait de l’en faire sortir », résume Christine Rouzioux,
professeure émérite de virologie à la faculté de médecine de l’hôpital Necker
et membre de l’équipe ayant découvert le VIH, couronnée du prix Nobel de
médecine en 2008. « Alors qu’avec le Covid, poursuit la
chercheuse, le système immunitaire produit tout seul une réponse forte,
localisée, qui permet d’éradiquer le virus. Il suffit de susciter cette réponse
par la vaccination pour être protégé. C’est beaucoup plus simple. »
Chef du service des maladies infectieuses et d’immunologie clinique de
l’hôpital Henri-Mondor (Créteil), Jean-Daniel Lelièvre confirme cette
« inégalité » entre les virus : « On guérit naturellement du Covid, pas
du sida. Avec le VIH, on n’a donc pas de mécanisme à copier. » Autre
problème : la capacité du virus à muter, beaucoup plus importante avec le
VIH. « Or, plus un virus est divers, plus il est difficile de s’en
protéger. Même si on a vu les variants du Sars-CoV-2 s’accumuler, on est
capable de stimuler des anticorps protecteurs contre plusieurs de ces variants.
Ce n’est pas le cas avec le VIH, aux mutations trop nombreuses », explique
Jean-Daniel Lelièvre.
« C’est une nouvelle porte qui s’ouvre »
Par ailleurs, l’impression que les vaccins contre le Covid ont été conçus
en quelques mois est trompeuse. « Cela fait vingt ans que des
recherches sur l’ARN messager sont menées et le concept, fragile au départ, a
été amélioré petit à petit. Si on utilise aujourd’hui cette plateforme avec
succès contre le Covid, c’est grâce à ce travail de long terme », rappelle
Christine Rouzioux, également présidente de l’association Arcat/le Kiosque. Cette
même plateforme pourrait-elle être utilisée contre le sida ? « Ça
relance l’espoir, des labos s’y intéressent, mais cela prendra du
temps », prévient Christine Rouzioux.
« C’est une nouvelle porte qui s’ouvre », estime Gilles Pialoux, chef de
service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon. En août, le
laboratoire Moderna a annoncé le lancement d’un essai clinique de phase 1,
pour un vaccin à ARN messager contre le sida. « De 2010 à
2015, un total de 526,6 milliards de dollars a été dépensé au niveau
mondial pour soigner, traiter ou prévenir le VIH, ce qui représente un fardeau
financier significatif », avait plaidé le labo, pour justifier son
engagement. « C’est une des pistes intéressantes, mais qui n’aboutira
pas avant plusieurs années, tempère Jean-Daniel Lelièvre. Car,
après l’échec des précédents essais, on est reparti de zéro. »
Dans cette course, les milliards mobilisés contre le Covid sont-ils
susceptibles de faire défaut à la recherche sur le sida ? « Il y a un
manque d’investissement criant dans ce domaine, car le marché est aujourd’hui
très faible pour les groupes pharmaceutiques », analyse Nicolas Manel,
directeur de recherche à l’Inserm. « Quand on met un euro en France sur
cette recherche, les États-Unis en mettent cent », regrette aussi
Jean-Daniel Lelièvre.
Retrouvez en pages 12 et 13 notre débat sur la recherche contre
le VIH.
France : dépistage en baisse
En 2020, le nombre de découvertes de séropositivité du VIH a fortement
baissé en raison d’une diminution du dépistage liée à la pandémie de Covid-19,
souligne Santé publique France, mardi. Il y a eu, l’an passé, 4 856 découvertes
de séropositivité VIH, soit une diminution de 22 % par rapport à 2019.
L’activité de dépistage du VIH, qui avait augmenté entre 2013 et 2019, a, elle,
diminué de 14 % entre 2019 et 2020.
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