mercredi 22 décembre 2021

« La chasse aux plus précaires », l’éditorial de Sébastien Crépel dans l’Humanité.



Il a passé deux heures à tenter de nous convaincre, la semaine dernière. « J’ai appris », a juré à la télévision Emmanuel Macron, dont l’inclination pour ses compatriotes le pousserait dorénavant à « plus d’indulgence ». Fini, les chômeurs qui pourraient décrocher un emploi s’ils traversaient la rue ? On ne trouve pourtant nulle trace de cette humanité dans les radiations auxquelles s’apprête à se livrer Pôle emploi, sur instruction de l’exécutif. Et pour cause : la question ne tient pas à la personne du président de la République, ni à sa capacité d’empathie plus ou moins grande, terrain sur lequel Emmanuel Macron essaie de nous emmener pour mieux nous fourvoyer, mais au fond de sa politique.

Tant que la priorité restera à l’emploi dans les mots, mais à la « compétitivité » et à l’« attractivité » de l’économie française pour les capitaux dans les faits – c’est-à-dire à la réduction sans fin du « coût » du travail –, la contradiction sera résolue, si l’on peut dire, sur le dos des travailleurs, salariés ou chômeurs. La reprise tant vantée – qui s’apparente en réalité à un simple rattrapage, après une année 2020 de crise exceptionnelle – ne vient pas infirmer ce diagnostic, au contraire. Si, d’un côté, le nombre de demandeurs d’emploi retrouve son niveau d’avant-crise (5,8 millions au 3e trimestre, dont 3,5 millions sans aucun emploi), et que, de l’autre, des postes ne trouvent pas preneur, alors le problème n’est pas le chômage mais les chômeurs eux-mêmes : voilà ce dont on veut nous convaincre à travers cette véritable chasse aux plus précaires.

Plus l’exécutif sera dédouané de sa responsabilité dans le maintien d’un haut niveau de chômage, plus les chances d’obtenir un second mandat présidentiel dans la continuité du premier seront importantes. C’est du moins le calcul qui préside au grand ménage dans les listes de Pôle emploi, en plus de celui de faire des économies sur l’indemnisation des chômeurs. Les privés d’emploi n’ont pas besoin de l’indulgence d’Emmanuel Macron, mais d’un autre président au service d’une autre politique. Le bulletin de vote au nom de Fabien Roussel portera cette exigence.

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