jeudi 23 décembre 2021

« Esquive », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



En présentant, le 9 décembre, les grandes lignes de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, Emmanuel Macron s’est longtemps appesanti sur la dimension sociale qu’il comptait donner à son mandat. « Protéger les plus faibles », combattre le « dumping » et le « marché sans règle »… L’heure était déjà aux bonnes résolutions. Et cela tombait bien. Le même jour, la Commission dévoilait un projet de directive visant à renforcer les droits des quelque 24 millions de travailleurs des plateformes numériques de type Uber, Deliveroo ou Bolt. Et notamment sur un point : l’établissement de critères précis permettant de requalifier ces soutiers des temps modernes, aujourd’hui sans statut ni protection sociale, en salariés de plein droit. Pour un président parfumé au progrès social, l’occasion était belle de briller en inscrivant le sujet à l’agenda dès ce 1er janvier. Malheureusement, cela ne sera pas le cas.

Loin des belles promesses, les représentants français traînent des pieds. Comme le révèlent nos confrères de Contexte, plutôt que d’activer la machine législative, les macronistes vont organiser une demi-douzaine de réunions sur le thème et produire un énième rapport en juin, date où la présidence française prendra fin ! Une esquive révélatrice.

En dépit des multiples décisions de justice en faveur des travailleurs ubérisés, Emmanuel Macron, en bon apôtre de la start-up nation, a toujours protégé le modèle ultralibéral des plateformes. Les requalifications, il est contre. D’autant plus que le Parlement français examine actuellement un projet de loi où la majorité compte bien créer un sous-statut, à mi-­chemin entre salariat et indépendant. Une escroquerie sociale qui heurte juridiquement la directive de la Commission européenne… D’où l’urgence de faire traîner cette dernière. Ces tripatouillages seraient risibles s’ils ne se faisaient sur le dos de millions de travailleurs précaires, augurant bien mal de la « priorité sociale » qu’Emmanuel Macron prétend vouloir donner à son mandat européen.

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