mardi 21 décembre 2021

« Chile presente ! », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



Le dernier discours de Salvador Allende prononcé le 11 septembre 1973, alors que les condors d’acier pilonnaient le palais présidentiel de la Moneda, résonne avec force : « L’histoire nous appartient, ce sont les peuples qui la font ! » Après deux décennies de dictature sanglante, trente années de démocratie atrophiée par l’héritage pinochétiste, l’espoir a vaincu la peur. La victoire de Gabriel Boric est chargée de symboles : les mille jours de l’unité ­populaire, cette expérience inédite de socialisme assassinée par les ­généraux et la CIA, les figures de Neruda et Jara, les torturés, les disparus, les exilés… Le succès de la gauche consacre aussi l’irruption sur la scène politique d’une nouvelle génération désireuse d’enterrer définitivement le legs de Pinochet.

La main des Chiliens n’a pas tremblé, malgré une campagne anticommuniste putride, surannée. Ils étaient face à un choix : corriger le cours de l’histoire ou sombrer dans un abîme fasciste. Les électeurs – mobilisés comme rarement – ont infligé un camouflet à l’extrême droite et à José Antonio Kast, ­admirateur assumé des années de plomb. « Le Chili n’aura plus un président qui déclare la guerre à (son) propre peuple », a affirmé Gabriel Boric. C’est ce qu’exige la rue depuis l’extraordinaire soulèvement social et populaire de 2019 qui a mis au ban les ravages du néolibéralisme. L’ancien leader étudiant a d’ailleurs juré que ce modèle, dont le Chili fut le berceau, sera aussi sa tombe.

La gauche, qui n’a pas les coudées franches, ne jouit d’aucun chèque en blanc. Les marges de manœuvre seront très étroites, alors que le président et son futur exécutif sont face à l’immense défi de corriger des inégalités béantes, et d’asseoir les bases d’un pays où les libertés et la justice sociale ne font qu’une. L’extrême droite et les forces conservatrices n’ont pas dit leur dernier mot. Le Chili reste le terrain de dispute d’antagonismes politiques bien marqués. La parole est dans le camp du progrès, à lui de ne pas décevoir.

 

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