Le dernier discours de Salvador Allende prononcé le 11 septembre 1973,
alors que les condors d’acier pilonnaient le palais présidentiel de la Moneda,
résonne avec force : « L’histoire nous appartient, ce sont les peuples
qui la font ! » Après deux décennies de dictature sanglante,
trente années de démocratie atrophiée par l’héritage pinochétiste,
l’espoir a vaincu la peur. La victoire de Gabriel Boric est chargée de
symboles : les mille jours de l’unité populaire, cette expérience inédite
de socialisme assassinée par les généraux et la CIA, les figures de Neruda et
Jara, les torturés, les disparus, les exilés… Le succès de la gauche consacre
aussi l’irruption sur la scène politique d’une nouvelle génération désireuse
d’enterrer définitivement le legs de Pinochet.
La main des Chiliens n’a pas tremblé, malgré une campagne anticommuniste
putride, surannée. Ils étaient face à un choix : corriger le cours de
l’histoire ou sombrer dans un abîme fasciste. Les électeurs – mobilisés comme
rarement – ont infligé un camouflet à l’extrême droite et à José Antonio Kast, admirateur
assumé des années de plomb. « Le Chili n’aura plus un président qui
déclare la guerre à (son) propre peuple », a affirmé Gabriel Boric.
C’est ce qu’exige la rue depuis l’extraordinaire soulèvement social et
populaire de 2019 qui a mis au ban les ravages du néolibéralisme. L’ancien
leader étudiant a d’ailleurs juré que ce modèle, dont le Chili fut le berceau,
sera aussi sa tombe.
La gauche, qui n’a pas
les coudées franches, ne jouit d’aucun chèque en blanc. Les marges de manœuvre
seront très étroites, alors que le président et son futur exécutif sont face à
l’immense défi de corriger des inégalités béantes, et d’asseoir les bases d’un
pays où les libertés et la justice sociale ne font qu’une. L’extrême droite et
les forces conservatrices n’ont pas dit leur dernier mot. Le Chili reste le
terrain de dispute d’antagonismes politiques bien marqués. La parole est dans
le camp du progrès, à lui de ne pas décevoir.
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