lundi 20 décembre 2021

« Calculs de mort », l’éditorial de Maurice Ulrich dans l’Humanité.

 



Les révélations chocs du New York Times ces dernières heures, après plusieurs mois d’enquête, sont effarantes. Les frappes aériennes américaines, et celles des drones en particulier, auraient fait des milliers de victimes civiles en Afghanistan, Irak et Syrie. Il fallait être bien naïf pour croire à la fable de la guerre propre et chirurgicale qui nous est contée depuis la première guerre d’Irak. Le Pentagone admettait déjà un peu plus de 1 500 victimes civiles dans ces trois pays. L’enquête montre que c’est très largement sous-estimé. Mauvaises images, surveillance incertaine, confusion sur des mouvements de foule comme pour des secouristes pris pour des combattants. Les mots d’un porte-parole de l’armée sont tout aussi effarants, comme empreints d’un cynisme involontaire : « Même avec la meilleure technologie du monde, des erreurs se produisent (…), nous faisons tout pour éviter de faire du tort et nous regrettons chaque perte de vie innocente. » C’est peu, quand il s’agit de crimes de guerre.

La meilleure technologie du monde, en la matière, consiste à tuer, devant un écran et avec des manettes semblables à celles d’un jeu vidéo, ce qui est suggéré comme une cible, à des milliers de kilomètres, par l’intelligence artificielle. La décision d’appuyer sur un bouton, déshumanisée, reste en principe humaine.

La prochaine étape est déjà engagée. Le sujet des systèmes d’armes létales autonomes, en d’autres termes les robots tueurs, a déjà été abordé à la marge et sans résultats, il y a quelques jours, par les 125 pays réunis à Genève pour la conférence des Nations unies sur l’emploi de certaines armes classiques. La campagne Stop Killer Robots, lancée par 180 ONG, a été sans effet. Les États-Unis et la Russie en seraient principalement responsables. Ce n’est plus de la science-fiction. Il s’agit bien de laisser à des machines le tri entre amis, ennemis, simples passants et suspects, et la décision de mettre à mort ou non des humains. Ce sera au service d’un État, d’une vision du monde, d’une économie, dans les eaux glacées du calcul de la mort. Que fait la France ?

 

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