vendredi 24 décembre 2021

« Démocratie et rémunération du travail », billet de Patrick Le Hyaric.



L’engagement de millions de travailleuses et travailleurs en première ligne depuis presque deux ans pour faire marcher la société ne se paye pas de mots. Voilà pourquoi le récent semblant de mea-culpa du président de La République adressé aux salariés ne leur suffira pas. Il leur faut des actes immédiats de reconnaissance. C’est la seule preuve qui attesterait de la sincérité des propos du télé- candidat-président.

Alors que les prix, notamment ceux de l’énergie, flambent, l’augmentation du salaire minimum accordée par le pouvoir pour janvier sera cosmétique.
Celles et ceux que l’on a élevés au rang de « héros », depuis des mois et des mois, ne voient toujours rien venir qui améliorerait leur quotidien, alors qu’ils assistent, sur les écrans, à un incessant défilé de ministres vantant « la reprise » et « la bonne santé de l’économie ».

Tous ces ouvriers, employés, agents d’entretien, chauffeurs, caissières, aides à domicile, ouvriers agricoles ainsi que les petits paysans, les artisans bouchers, boulangers, et aussi les travailleurs de la manutention, de la logistique, des industries agro-alimentaires, du bâtiment et des travaux publics, les soignantes et soignants, dont les horaires sont les plus flexibles, sont aussi celles et ceux qui sont les plus mal rémunérés alors qu’on le sait, on le clame, ils sont indispensables à la bonne marche du pays.  

Pour les reconnaître comme des « héros », le gouvernement doit d’une part augmenter le smic et les bas salaires pour aller vers 300 euros de mieux, et de l’autre mettre tout son poids dans la balance pour obtenir des employeurs des augmentations de salaires.

Les nombreux salariés qui sont entrés en action depuis quelques semaines pour leurs salaires ont raison et Ils commencent à faire bouger la donne.

À la question de l’augmentation des rémunérations, se posent dans toutes les sociétés capitalistes, avec plus de force depuis la pandémie, les enjeux de la finalité du travail, du lien entre conditions de travail et santé. Et plus largement, celles du sens du travail, de son utilité pour la collectivité, de son rôle pour réussir la transition environnementale et son inscription dans un projet d’avenir durable pour toutes et tous.

En effet, la crise de sens du travail et l’aggravation de ses conditions d’exercice conduisent aujourd’hui des salariés de diverses disciplines, des soignants, des enseignants, des aides à domicile, des employés dans la restauration ou le nettoyage à démissionner.

Ce sont toujours des actes individuels réfléchis. Mais, devons-nous nous interroger. Ne serait-il pas  plus efficace d’organiser un mouvement collectif pour changer les conditions de travail, pour intervenir sur le sens de la production et des services dans le cadre de débats dans l’entreprise ou la filière.

Les soignants n’en peuvent plus d’exercer leur si noble fonction dans un hôpital au bord de l’effondrement.

Les soignants n’en peuvent plus d’exercer leur si noble fonction dans un hôpital au bord de l’effondrement. Les professions de justice, jusqu’aux magistrats, refusent que la justice tombe en lambeaux et que les justiciables soient si mal traités.
Les paysans asphyxiés s’interrogent de plus en plus sur le sens d’un métier visant à nourrir les hommes et à valoriser la nature et les paysages, qui ne leur permet pas de vivre décemment. Les enseignants passionnés par la transmission des savoirs ne supportent plus d’être si mal traités.

Au nom d’une éthique humaniste et écologique, des jeunes refusent de travailler au sein de multinationales qui ne respectent ni le travail ni l’environnement pour s’engager dans la concurrence effrénée qui sur toute la planète réduit toujours plus les droits sociaux et démocratiques. Le malaise se perçoit jusqu’aux directions des ressources humaines de grandes entreprises.
Ce qui pointe est la volonté des salariés, des cadres, des chercheurs, des créateurs d’être maîtres de leur travail aujourd’hui sous la domination du capital.

Ils revendiquent de pouvoir dire leur mot dans son organisation, la définition de ses finalités et sont convaincus qu’il en serait infiniment plus efficace, plus respectueux des hommes et de la nature.

Ils ne demandent pas de nouveaux comités Théodule ou, pour noyer le poisson, l’organisation de pseudo-participations. Ce qu’ils veulent, ce sont de vrais pouvoirs d’intervention sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation des activités.
Bref, la démocratie doit entrer par la grande porte à l’entreprise. Cela commence par des nouveaux droits très concrets: l’augmentation des rémunérations; la diminution du temps de travail, que permet en réalité l'augmentation de la productivité; un véritable droit à la formation tout au long de la vie. Cela demande d'engager des processus transformateurs pour une sécurité sociale professionnelle, des pouvoirs nouveaux des salariés sur les stratégies des entreprises et des services Cet ensemble de nouveaux droits et pouvoirs à conquérir constitue un tout qui permettrait un véritable bond en avant progressiste.
Un tel renouveau démocratique et social irait au bout de sa portée révolutionnaire, si s’engage un processus de libération des salariés et des travailleurs de la domination qu’exerce sur leur travail et leur vie, la grande propriété privée. Il s’agit de redonner au mouvement de la société, l’ambition de l’émancipation humaine.

 

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