vendredi 3 décembre 2021

« De Paris à Pointe-à-Pitre, l’État démissionnaire », l’éditorial de Cathy Dos Santos dans l’Humanité.



L’hôpital se meurt, abandonné par les pouvoirs successifs qui ont désinvesti notre système de santé. Les personnels soignants sont en grève, harassés par la crise sanitaire, mais surtout par des années de désengagement financier de l’État. Cette même exaspération est sur les lèvres des blouses blanches des centres hospitaliers des Antilles. Le gouvernement cherche par tous les moyens à réduire les revendications des barrages à une poignée de réfractaires hostiles à la vaccination et au passe sanitaire. Malgré la « concession » du ministre des Outre-mer, Sébastien Lecornu – repousser cette obligation pour les personnels de santé à décembre –, les piquets de grève demeurent. Car la tension, qui se cristallise aujourd’hui autour de cette question, est l’arbre qui cache la forêt.

La défiance devant les vaccins n’est pas étrangère au scandale du chlordécone, ce pesticide interdit en métropole mais répandu dans les îles, qui a empoisonné les humains, les terres, les eaux, la faune et la flore… Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le gouvernement s’apprêterait (enfin) à lâcher, à la fin de l’année, un décret reconnaissant le cancer de la prostate comme maladie professionnelle, à la suite de l’usage du chlordécone. Sauf que c’est toute la population qui a été exposée à ce poison.

En 2009, le soulèvement contre la « profitation » avait mis à nu les maux systémiques et les souffrances accrues de ces territoires : taux record de chômage et de pauvreté, cherté de la vie… Les Antilles avaient alors rappelé aux autorités de l’époque que la France n’est pas que l’Hexagone. Une décennie plus tard, l’architecture de l’économie reste inchangée. Les îles réduites au rang de « colonies de consommation », comme le dénonçaient déjà les grévistes de 2009, restent des départements à part. L’absence d’égalité sociale induit, à juste titre, le sentiment d’une République à plusieurs vitesses. Les crises en Guadeloupe et en Martinique somment Paris de solder des comptes séculaires. Il est temps.

 

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