mercredi 1 décembre 2021

« Danger : haine », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.

 



Jusqu’où peut-on jouer avec la haine ? La candidature d’Éric Zemmour pose la question. La provocation et l’outrance du personnage font ressurgir d’une manière complètement décomplexée les vieux ressorts des discours de l’extrême droite collaborationniste que même Le Pen n’avait pas réussi à réhabiliter. À la complaisance médiatique inédite, qui permet à ce personnage d’occuper les antennes à longueur de temps tout en dénonçant un « politiquement correct » fantasmé, s’ajoute une complicité politique qui vise à en faire un accélérateur de l’extrême droitisation du paysage politique. L’objectif : présenter Emmanuel Macron comme le meilleur rempart à cette vague brune.

Laisser Zemmour être candidat comme si de rien n’était, accepter de lui ouvrir toutes les antennes, assumer d’extrème-droitiser le discours comme le font les candidats LR participent de cette construction politicienne. Et cela fait peser des risques extrêmement lourds à la société. En acceptant, voire en légitimant, que des individus comme Éric Zemmour dégradent en toute impunité la conscience d’un pays, on ouvre la porte au pire.

Les vidéos appelant explicitement à liquider des personnalités de gauche comme Jean-Luc Mélenchon ne sont pas de simples provocations. Une partie de l’extrême droite encouragée par la reprise du pire de ses idées à des heures de grande écoute se sent autorisée à menacer physiquement ceux qui ne pensent pas comme elle. Certains sont même prêts à passer à l’acte. CNews n’en a pas fait ses gros titres mais l’arrestation, ces derniers jours, de militants identitaires qui disposaient d’un véritable arsenal prouve que la France n’est pas à l’abri d’un Christchurch. Il y a deux ans, Brenton Tarrant, qui a ouvert le feu sur des musulmans dans cette ville de Nouvelle-Zélande, faisant 51 victimes, avait reconnu être un adepte du « grand remplacement »… Pseudo-théorie fumeuse dont le candidat Zemmour a fait son bréviaire.

Alors, non, la candidature d’Éric Zemmour n’est pas une candidature comme les autres. Et il est temps de donner un coup d’arrêt à ce sentiment d’impunité qui permet d’inciter à la haine de l’autre en toute tranquillité. C’est en ce sens que la résolution portée par Fabien Roussel de rendre inéligibles les personnes condamnées pour provocation à la haine raciale corrige une dangereuse anomalie démocratique.

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