« Voleurs », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.

Parfois, les actualités s’entrechoquent et portent sur le monde un éclairage plus cru. Et l’on découvre des milliers de milliards de dollars planqués dans des paradis fiscaux. Des personnalités politiques de premier plan sont prises la main dans le pot de confiture, alors même qu’elles demandaient à leur peuple de se serrer la ceinture.

Une mise en lumière brutale qui met d’autant plus en colère lorsque l’on regarde en arrière. Scandale UBS, Offshore Leaks, LuxLeaks, Panama Papers, Paradise Papers… Depuis treize ans, les scandales se succèdent. Si l’on calculait, depuis le début du XXIe siècle, le montant de l’argent volé aux États, aux peuples et aux salariés, on verrait que nombre de problèmes dans le monde pourraient être résolus : l’éradication de la malnutrition, le développement de l’éducation, l’accueil des réfugiés, l’augmentation des salaires et du pouvoir d’achat… Cet argent caché représente plusieurs fois le PIB des États-Unis.

Alors, à quand une COP fiscale pour prendre le problème à bras-le-corps et faire rendre gorge aux fraudeurs ? À chaque scandale toujours le même bla-bla : moralisation du capitalisme, dispositif de contrôle, éradication des paradis fiscaux. Boniments ! La fraude fiscale est consubstantielle au capitalisme. Et une partie de ceux qui dirigent les banques et les États font partie des détrousseurs des peuples. On comprend mieux qu’ils ne dénoncent ces pratiques qu’a posteriori. Ce sont des journalistes et des lanceurs d’alerte qui alertent l’opinion publique. Bien loin de ces bonimenteurs des chaînes d’info, qui préfèrent clouer au pilori des pauvres, accusés de détournement d’aides pour acheter des écrans plats, plutôt que de s’en prendre à ceux qui volent des milliards. Ceux-là mêmes font de Bernard Tapie un héros et un exemple à suivre et trouvent normal que Domenico Lucano, l’ancien maire de Riace, en Italie, soit condamné à treize années de prison pour avoir accueilli des migrants dans son village. Voleurs et bonimenteurs font toujours bon ménage.