jeudi 7 octobre 2021

« Venin », l’éditorial de Laurent Mouloud dans l’Humanité.



Ce n’est qu’un sondage, bien sûr. Et un instantané d’automne ne fait pas le printemps d’une élection. Mais il ne faudrait pas non plus s’aveugler. La dernière enquête d’opinion d’Harris Interactive, qui place Éric Zemmour pour la première fois en situation d’accéder au second tour de la présidentielle (17 à 18 % au premier tour) derrière Emmanuel Macron (24 à 27 %), en dit long sur le climat nauséabond qui plane sur ce début de campagne électorale. Le cumul des scores de l’ex-plumitif du Figaro et de Marine Le Pen atteint les 32 % d’intentions de vote. Insupportable. Relayé ad nauseam dans les médias, le venin nationalisto-pétainiste de la doublette d’extrême droite se diffuse rapidement dans l’opinion publique. Et menace de nécroser une démocratie déjà fragilisée.

Dans cette atmosphère saturée de brun, chacun doit mesurer ses responsabilités. Or, à quoi assiste-t-on ? À une navrante course à l’échalote. À droite, Valérie Pécresse calque ses mesures anti-migratoires sur celles du Rassemblement national. Le porte-parole de LR, Gilles Platret, parle, lui, d’ « épuration ethnique » dans les « quartiers » qui viserait « quiconque n’appartient pas à l’islam ». À gauche, Arnaud Montebourg va jusqu’à donner une crédibilité à la théorie complotiste du « grand remplacement  » en estimant qu’elle correspond à « un certain nombre de phénomènes »… On nage en pleine confusion. Ces irresponsables politiques se font des illusions. Toute concession au corpus idéologique de Zemmour & Cie ne siphonne pas ses voix. Mais met, au contraire, du carburant dans le moteur de sa future campagne.

Il ne faut pas compter sur Emmanuel Macron pour sortir de cette mécanique infernale. Plus l’extrême droite est haute, plus le chef de l’État croit assurer sa réélection. Ce duel mortifère lui va bien. L’urgence d’agir revient à la gauche. Elle doit endosser la responsabilité de mener au plus vite un combat argumentaire précis, obstiné. Et remettre au centre des débats les préoccupations sociales. C’est à ce prix que cette campagne présidentielle échappera au cauchemar réactionnaire que les sondages nous promettent.

 

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