lundi 20 septembre 2021

Multilatéralisme. Les Nations unies sans dents et sans appétit.



Pierre Barbancey

La 76e session de l’Assemblée générale de l’ONU démarre ce mardi. Son secrétaire général, Antonio Guterres, hausse le ton contre l’affaiblissement des institutions internationales.

C’est une œuvre de 11 000 mètres carrés intitulée World in Progress II (le Monde en marche II). Elle représente deux enfants qui construisent leur monde idéal. Une gigantesque fresque éphémère réalisée par l’artiste franco-­suisse Saype, et inaugurée samedi au siège de l’Organisation des Nations unies (ONU), à New York. Une entrée en matière assez symbolique, alors que démarre ce mardi dans cette même ville le débat général dit de haut niveau de la 76e session de l’Assemblée générale des Nations unies ! « Les enfants représentés dans World in Progress II dessinent notre avenir commun, souligne Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU. Le débat général de cette année reprendra ce thème, en se concentrant sur le monde que nous construisons ensemble. »

Il entend être à l’initiative sur un certain nombre de questions centrales, exposées dans « Notre programme commun », fruit de multiples consultations lancées à l’occasion des 75 ans de l’organisation. « De la crise climatique à notre guerre suicidaire contre la nature et à l’effondrement de la biodiversité, notre réponse mondiale est trop faibletrop tardive, estime Antonio Guterres. Les inégalités incontrôlées sapent la cohésion sociale, créant des fragilités qui nous affectent tous. La technologie avance sans garde-fous pour nous protéger de ses conséquences imprévues. »

Piano mécanique désaccordé

Les chefs d’État et de gouvernement s’apprêtent à entamer leur ronde annuelle. Certains ont un carnet de bal bien rempli. D’autres attendent qu’on veuille bien les inviter. Le secrétaire général de l’ONU, lui, tente de faire entendre sa voix au-dessus de la partition inachevée d’un piano mécanique de plus en plus désaccordé. « Les institutions que nous avons n’ont pas de dents. Et parfois, même quand elles ont des dents, comme dans le cas du Conseil de sécurité, elles n’ont pas beaucoup d’appétit pour mordre », a-t-il ainsi expliqué à ONU Info.

Les sujets ne manquent pas où les capacités de l’Organisation ont été mises à mal par les États. À commencer par les membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie), qui ont une conception outrancière de leur statut, au détriment justement du Conseil de sécurité (15 membres) et de l’Assemblée générale, regroupant pratiquement tous les pays de la planète. Il convient donc, à partir d’aujourd’hui, et jusqu’au 27 septembre, dans le cadre du débat général, d’observer avec curiosité la manière dont les responsables du monde vont décliner le thème de cette session : « Miser sur l’espoir pour renforcer la résilience afin de se relever du Covid, reconstruire durablement, répondre aux besoins de la planète, respecter les droits des personnes et revitaliser l’Organisation des Nations unies ».

On pourrait d’ailleurs commencer par le thème de la paix, puisque ce 21 septembre en est la Journée internationale décrétée par l’ONU à l’heure où les membres permanents du Conseil de sécurité sont sur le podium élargi des vendeurs d’armes. D’autant qu’on voit mal comment l’accroissement de l’armement pourrait aider à répondre aux « besoins de la planète », au défi de la pauvreté, au droit à la santé pour tous… On peut regretter que le froid actuel entre les États-Unis et la France ne porte justement sur ces questions mais sur un contrat de fabrication d’armes pour l’Australie et dont le but ultime est l’endiguement de la Chine. Emmanuel Macron ne fera pas le déplacement. Vingt ans après les attentats de New York, entendra-t-on du haut de la tribune de l’ONU la critique des aventures guerrières qui ont plongé toujours plus le monde dans l’instabilité, le confessionnalisme et le renforcement des groupes se réclamant de l’islam politique là-bas, de l’extrême droite et du fascisme ici ?

Évidemment, dans les salons feutrés de la maison de verre, des rencontres hautement politiques se dérouleront. Les grands discours resteront largement inaudibles par les millions de pauvres en Europe et aux États-Unis, les migrants économiques et climatiques, les réfugiés fuyant les guerres, ceux subissant le racisme sous toutes ses formes ou les femmes pour lesquelles la véritable égalité reste encore à conquérir.

L’iran à new york

Le nouveau ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir Abdollahian, est à New York pour son premier voyage officiel aux États-Unis. Il y rencontrera, séparément, ses homologues allemand, chinois, français, britannique et russe, parties à l’accord sur le nucléaire iranien de 2015. Une rencontre avec les responsables américains n’est, elle, « pas à l’ordre du jour ». Des discussions, au point mort depuis juin, ont commencé en avril à Vienne, en Autriche, entre l’Iran et les cinq puissances encore parties à l’accord pour ressusciter ce pacte en y réintégrant Washington, qui s’en était retiré unilatéralement en 2018.

 

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