jeudi 9 septembre 2021

« Le virus des inégalités », l’éditorial de Rosa Moussaoui dans l’Humanité



La pandémie de Covid-19 sème la mort, malmène les corps ; elle laisse aussi, sur un corps social déjà durement éprouvé par la démolition méthodique des protections collectives, d’inquiétantes séquelles. En 2020, près de 125 millions de personnes dans le monde ont ainsi sombré dans la pauvreté et ce chiffre pourrait dépasser, en 2021, les 160 millions. Des pays entiers font leur retour sur la carte mondiale de la faim. En Europe même, 7 % de la population souffrent de sous-alimentation ; en France, une personne sur cinq, selon le Secours populaire français. Partout, la crise sanitaire vient envenimer la crise sociale, rendant toujours plus sombre l’horizon des plus modestes, fracassant les vies de ceux que la précarité expose les premiers. Se nourrir, se loger, se chauffer : la réponse à ces besoins fondamentaux est, pour un nombre croissant de foyers redoutant les fins de mois, une source d’angoisse, d’isolement, de privations.

Tandis que jacassent, ivres de suffisance, quelques privilégiés exigeant des comptes sur les usages fantasmés d’une bien maigre allocation de rentrée scolaire, les profits, en haut, s’accumulent. En moins d’un an, les dix hommes les plus riches du monde ont vu leur fortune totale grimper de 540 milliards de dollars. En France, le patrimoine cumulé des 500 personnes les plus riches a augmenté de 30 % ; le pays dénombre désormais 109 milliardaires – ils étaient 95 l’an dernier, 51 dix ans plus tôt. Voilà où se trouve l’argent. Pas dans les poches des travailleurs pauvres, des chômeurs, des retraités, des mères célibataires, encore moins dans celles des étudiants, dont les aides sociales directes ont été amputées de plus de 40 millions d’euros entre 2017 et 2019. L’argent est là : moins de 1 % du plan de relance est consacré à la lutte contre la pauvreté, quand les milliards pleuvent sur les entreprises, sans contreparties sérieuses.

Dans l’épreuve de la pandémie se sont tissés, entre ceux qui ne possèdent rien, de précieux liens d’entraide. Chacun de ces gestes de solidarité dit l’urgence de renverser l’ordre inégalitaire qui garantit l’opulence de quelques-uns par l’insécurité sociale de tous.

 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire