La pandémie de Covid-19 sème la mort, malmène les corps ; elle laisse
aussi, sur un corps social déjà durement éprouvé par la démolition méthodique
des protections collectives, d’inquiétantes séquelles. En 2020, près de
125 millions de personnes dans le monde ont ainsi sombré dans la pauvreté
et ce chiffre pourrait dépasser, en 2021, les 160 millions. Des pays
entiers font leur retour sur la carte mondiale de la faim. En Europe même,
7 % de la population souffrent de sous-alimentation ; en France, une
personne sur cinq, selon le Secours populaire français. Partout, la crise
sanitaire vient envenimer la crise sociale, rendant toujours plus sombre
l’horizon des plus modestes, fracassant les vies de ceux que la précarité
expose les premiers. Se nourrir, se loger, se chauffer : la réponse à ces
besoins fondamentaux est, pour un nombre croissant de foyers redoutant les fins
de mois, une source d’angoisse, d’isolement, de privations.
Tandis que jacassent, ivres de suffisance, quelques privilégiés exigeant
des comptes sur les usages fantasmés d’une bien maigre allocation de rentrée
scolaire, les profits, en haut, s’accumulent. En moins d’un an, les dix hommes
les plus riches du monde ont vu leur fortune totale grimper de
540 milliards de dollars. En France, le patrimoine cumulé des
500 personnes les plus riches a augmenté de 30 % ; le pays dénombre
désormais 109 milliardaires – ils étaient 95 l’an dernier, 51 dix ans plus
tôt. Voilà où se trouve l’argent. Pas dans les poches des travailleurs pauvres,
des chômeurs, des retraités, des mères célibataires, encore moins dans celles
des étudiants, dont les aides sociales directes ont été amputées de plus de
40 millions d’euros entre 2017 et 2019. L’argent est là : moins de
1 % du plan de relance est consacré à la lutte contre la pauvreté, quand
les milliards pleuvent sur les entreprises, sans contreparties sérieuses.
Dans l’épreuve de la
pandémie se sont tissés, entre ceux qui ne possèdent rien, de précieux liens
d’entraide. Chacun de ces gestes de solidarité dit l’urgence de renverser
l’ordre inégalitaire qui garantit l’opulence de quelques-uns par l’insécurité
sociale de tous.
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