vendredi 17 septembre 2021

« Le paradigme du sous-marin nucléaire », l’éditorial de Stéphane Sahuc dans l’Humanité.



Le choix australien de rompre le contrat à 53 milliards d’euros de commande de sous-­marins est justifié par Canberra par des «besoins nouveaux». En effet, les submersibles commandés à la France étaient à propulsion conventionnelle, ceux made in USA seront nucléaires. Il ne s’agit pas que d’une modification technologique ou d’un changement de fournisseur. Autonomie, rayon d’action, furtivité, ravitaillement, jusqu’à la fourniture du combustible, c’est l’ensemble du paradigme d’utilisation des sous-marins australiens qui est différent avec le passage au nucléaire. ­L’Australie passe d’une vision de défense de ses eaux territoriales et de développement d’une filière de production à des missions d’infiltration et de collecte de renseignements. L’objectif tactique au plan militaire étant de libérer des sous-marins américains pour de possibles opérations offensives.

Ce nouveau partenariat de sécurité et de défense, appelé Aukus, entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie fait de cette dernière la base avancée dans l’espace indo-pacifique. L’un des objectifs de la triplette anglo-saxonne est bien évidemment de contrer la montée en puissance de la Chine, en contrôlant et cadenassant le Pacifique sud et l’océan Indien et en se dotant d’une capacité de projection sous-marine accrue en mer de Chine méridionale. L’échec des stratégies d’intervention directe et d’occupation pousse les États-Unis à revisiter la vieille stratégie d’endiguement.

La décision australienne pointe également une contradiction dans la stratégie de l’industrie de défense française et plus largement européenne. Celle d’une production qui n’est pas d’abord pensée et organisée pour des besoins et des objectifs de défense à l’échelle européenne. Mais qui vise des ventes à l’export pour des motifs d’influence, de puissance et si possible de rentabilité. Des motifs dont on mesure la fragilité dans le contexte actuel de remise à plat des objectifs stratégiques des principales puissances, fussent-elles des alliées.

 

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